L’argument de la disproportion du cautionnement est de plus en plus fréquemment utilisé utilement par les personnes poursuivies en paiement par une banque ou un créancier professionnel pour obtenir l’annulation de leur dette.
Pour mémoire, le 4 décembre 2013, le cabinet Bem a obtenu du Tribunal de commerce de Versailles l'annulation d’un cautionnement disproportionné de dirigeant caution personnelle.
A cette occasion, pour la première fois, les juges ont consacré un taux de proportionnalité des cautionnements par rapport au patrimoine des cautions.
Pour ce faire, le tribunal a pris en compte deux indices de référence différents :
- d'une part, les usages bancaires en matière de taux d’endettement des particuliers de 33% ;
- d'autre part, la charge moyenne annuelle en France des emprunts long terme souscrits par les particuliers qui s’élève à un peu moins de 4 fois leurs revenus annuels.
Par ailleurs, le 14 octobre 2020, la cour d’appel de Nancy a fixé une autre limite afin d’apprécier la disproportion d’un cautionnement.
En effet, la cour d’appel de Nancy a annulé un cautionnement en posant divers principes dont celui selon lequel le montant d’un cautionnement ne doit pas être plus du double du montant du revenu annuel de la caution. (Cour d’appel de Nancy, Cinquième chambre commerciale, 14 octobre 2020, n° RG 19/02515)
En l’espèce, la Banque Populaire a consenti à une société un prêt et en même temps a sollicité du gérant de la société débitrice principale de se porter caution personnelle et solidaire au profit de la banque à hauteur de 25 % de l’encours et plafonné à 50.000 euros.
Cependant, la société a bénéficié d’une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire et la banque a vainement mis en demeure le dirigeant caution de faire face à son engagement.
La banque a ainsi fait assigner celui-ci devant le tribunal de commerce en garantie du paiement de la dette augmentée des intérêts.
Par jugement, le tribunal a déclaré que le cautionnement litigieux était manifestement disproportionné par rapport aux revenus et patrimoine de la caution et en conséquence que la banque ne peut se prévaloir de ce cautionnement.
Pour se déterminer en ce sens, le tribunal a estimé qu’en prenant en considération les revenus perçus par le dirigeant caution au moment de son engagement, soit la somme de 24.000 euros annuels versée par pôle emploi, ainsi que son patrimoine immobilier s’élevant à 8.000 euros net au regard des sommes remboursées au titre du prêt immobilier destiné à l’acquisition de sa résidence principale, le cautionnement du prêt à hauteur de la somme de 50.000 euros apparaît comme étant manifestement disproportionné.
Le tribunal a considéré en outre que la banque ne rapporte pas la preuve que la caution était actuellement en capacité de faire face à son engagement.
En appel, les juges ont précisé l’analyse de la disproportion effectuée par les premiers juges.
En effet, la cour d’appel a jugé qu’ : « à supposer même que la totalité de la valeur nette de l’actif immobilier puisse être mise au crédit de M. X, soit la somme de 8 000 euros, cumulée au revenu annuel de la caution, soit 27 465,48 euros, cette somme ne pouvait constituer une garantie suffisante pour la banque dans la mesure où, même limité à la somme de 50 000 euros, le cautionnement représente près du double dudit revenu, de sorte qu’en cas de prononcé de la déchéance du terme du crédit, M. X se trouvait alors dans l’incapacité de régler la totalité de la dette, sauf à se trouver privé du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux de l’enfant restant à sa charge, et cela nonobstant le fait d’une part qu’il était à la date de l’engagement, titulaire de parts sociales au sein de la société CL Invest bénéficiant de sa garantie, pour un nominal de 5 000 euros, d’autre part qu’il pouvait escompter tirer des revenus de l’activité de cette société, nouvellement créée, d’un montant au moins égal à ceux versés par pôle emploi ».
Cet arrêt est riche d’enseignements en matière d’analyse de la disproportion d’un cautionnement bancaire.
Selon les juges, il est nécessaire de calculer la valeur nette de l’actif immobilier de la caution pour déterminer la capacité d’endettement de la caution.
La cour d’appel pose aussi une règle en matière de taux de disproportion.
Elle considère qu’un cautionnement ne doit correspondre au double du montant du revenu annuel de la caution.
La caution doit donc se trouver dans la capacité de pouvoir régler la totalité du montant de la dette réclamée en qualité de caution et, ce, sans se trouver privée du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux de ses enfants à charge.
En outre, la cour d’appel a rappelé que lorsque la caution est titulaire de parts sociales au sein de la société bénéficiant de sa garantie, le seul montant susceptible d’être pris en compte est celui de la valeur nominale de ces parts et que l’on ne peut pas prendre en compte les revenus escomptés tirer des revenus de l’activité de cette société, nouvellement créée.
Enfin, la cour d’appel a considéré que, pour rapporter la preuve de l’absence de disproportion, la banque ne peut pas utilement se prévaloir de la participation de la caution à hauteur de 50 % dans une société immobilière possédant un bien si ce bien a été financé en totalité par un emprunt ayant en effet pour conséquence que le patrimoine de la caution n’a pas été modifié en valeur nette.
En conséquence, les juges ont estimé que le cautionnement était manifestement disproportionné de sorte que la banque ne pouvait pas valablement s’en prévaloir et que la caution était libérée de son engagement.
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Anthony Bem
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