Le droit du cautionnement a connu une évolution positive récente au grès des décisions de justice rendues de plus en plus au profit des cautions professionnelles.
Ainsi, la jurisprudence a posé de nombreux moyens de défense afin de permettre utilement aux cautions de se désengager de leur obligation de garantie de remboursement des dettes ou emprunts souscrits au profit de sociétés pour les besoins de leur activité.
À cet égard, les juges ont notamment eu l’occasion de considérer que l’annulation d’un cautionnement fait tomber les autres cautionnements solidaires, tel une chaîne de dominos.
La « théorie des dominos », dénommée ainsi par votre bien dévoué serviteur, représente de manière imagée l’annulation en cascade de l’ensemble des cautionnements grâce à l’annulation de l’un d’eux, au profit de tous les autres.
Pour mémoire, en cas de pluralité de cautionnements, les cautions se dénomment juridiquement des « cofidéjusseurs ».
Pour résumer, en cas de pluralité de cautions dont l'une vient à disparaître ultérieurement, les autres cautions peuvent invoquer la nullité de leur engagement pour erreur sur l'étendue des garanties fournies au créancier ; en démontrant qu'elles avaient fait du maintien de la totalité des cautions la condition déterminante de leur propre engagement.
À cet égard, le 11 mars 2020, la cour de cassation a jugé qu’en cas de pluralité de cautions, dont l’une vient à être annulée pour cause de disproportion de l’engagement par rapport aux biens et revenus de la caution, les autres cautions solidaires peuvent aussi invoquer de ce chef la nullité de leur propre engagement. (Cour de cassation, chambre commerciale, 11 mars 2020, n° 18-19.695)
En l’espèce, la banque Crédit Agricole avait consenti à une société un prêt, dont quatre personnes physiques se sont rendues cautions du bon remboursement de la dette.
Les cautions ne s'étaient portées caution de la société qu'en présence de l'existence de trois autres cofidéjusseurs.
Les cautions avaient donc réalisé l'opération de reprise de l'entreprise que sur la foi du crédit dont disposaient leurs partenaires dans cette opération.
La société emprunteuse ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement les cautions.
L’une d’elles ayant été déchargées de son engagement, jugé disproportionné, l’autre caution a demandé l'annulation de son propre cautionnement, en conséquence de cette décharge.
En effet, celle-ci soutenait qu'elle ne s'était rendue caution de la société qu'en raison de l'existence de trois autres cofidéjusseurs et qu'elle ne se serait jamais engagée si elle avait pu savoir que l’une d’elles ne disposait pas du crédit nécessaire pour assumer ses engagements.
Pour sanctionner les juges d’appel qui avaient rejeté cet argument, la cour de cour de cassation a considéré :
« Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à écarter le caractère déterminant, pour l'engagement de caution de Mme X., de l'engagement de son cofidéjusseur, Mme Y., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Il résulte de cette décision que lorsqu’une caution démontre qu’elle avait fait du maintien de la totalité des cautions solidaires la condition déterminante de son propre engagement, l’annulation de l’un des cautionnements entraîne l’annulation des autres engagements.
Or, c’est souvent en raison de l'existence d’autres cofidéjusseurs qu’ils s’engagent.
Le vice du consentement réside dans le fait que si l’une des cautions avait pu savoir que l’une d’elles ne disposait pas du crédit nécessaire pour assumer ses engagements, nul doute qu'elle n'aurait accepté de se lier à cette dernière dans le projet.
Autrement dit, la mise à l'écart de l'une des cautions empêche les autres cautions de situer le niveau réel de son propre engagement.
L'intention des associés d’une société de partager les risques encourus selon un strict principe d'égalité est toujours une condition déterminante des cautionnements personnels et solidaires qu’ils souscrivent ensemble au profit de leur société afin de garantir le remboursement de la dette de cette dernière.
Selon la Haute Cour, les juges ne peuvent pas simplement rejeter d’un trait de plume une demande d'annulation d’un engagement de caution formulée par un cofidéjusseur sans rechercher l’intention des cautions au moment où elles s’engagent en tant que telles.
Les juges ne peuvent pas non plus valablement se borner à retenir l'absence de réserve et condition dans l'engagement de caution pour ne pas retenir l’existence d’une erreur vice du consentement d’une caution.
Les cautions peuvent donc en effet invoquer l’erreur vice du consentement consécutive à la décharge accordée à une autre caution pour faire annuler leur propre engagement de garantie.
Ainsi, il est important que les cautions soutiennent la disproportion de leur cautionnement par rapport à leurs biens et revenus pour faire tomber non seulement le leur mais aussi permettre aussi aux autres cautions de se désengager du leur le cas échéant.
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Anthony Bem
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