Le 30 mars 2016, la cour de cassation a jugé que l'amélioration trompeuse des résultats d'une société cédée par le cédant est constitutive d'un dol vice du consentement ouvrant droit au profit de l'acquéreur à l'annulation de la cession des parts sociales (Cour de cassation, chambre commerciale, 30 mars 2016, N° de pourvoi: 14-11684)
En l'espèce, les consorts X ont cédé les parts qu'ils détenaient dans le capital d'une société.
Les acquéreurs ont eu à souffrir de la perte de plusieurs clients et d'une baisse prévisible du chiffre d'affaires réalisé avec ceux-ci.
Il s'agissait notamment du client principal de la société cédée avec lequel elle réalisait 19 % de son chiffre d'affaires.
Aussi, les acquéreurs soutenaient que leur consentement avait été vicié par des manoeuvres dolosives de la part des cessionnaires.
Les acquéreurs ont donc assigné les vendeurs en annulation de la cession des parts sociales, restitution du prix versé et paiement de dommages-intérêts.
Pour mémoire, l'article 1116 du code civil dispose que :
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé ».
Concrètement, le dol est un acte de déloyauté de l'un des cocontractants provoquant une erreur d'appréciation et l'ayant déterminé à conclure un contrat.
Les juges d'appel et de cassation ont accueilli positivement ces demandes en condamnant les cédants à restituer le montant des parts sociales aux acheteurs outre des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral subi.
La cour de cassation a pris en compte le fait que :
« les consorts X avaient, par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu'ils avaient dissimulé à la société NUMP les informations qu'ils détenaient sur l'effondrement prévisible du chiffre d'affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l'entreprise ».
Dans ce contexte, la cour de cassation a jugé que :
« la cour d'appel, qui a souverainement retenu que ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire, lequel n'avait pas été mis en mesure d'apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n'aurait pas accepté les mêmes modalités d'acquisition s'il avait eu connaissance de la situation exacte de cette société, n'a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en décidant que les réticences dolosives imputables aux cédants entraînaient la nullité de la cession ».
Cette décision rappelle le principe selon lequel la nullité de la convention de cession de parts sociales peut parfaitement être prononcée en cas de dol principal ou déterminant, lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté ou n'aurait pas contracté dans les mêmes conditions.
Il ressort de cette décision que pour prononcer la nullité du contrat de cession de parts sociales, les juges doivent rechercher si l'acquéreur avait eu ou non connaissance de l'ensemble des faits reprochés au cédant au moment de l'acquisition de l'entreprise et s'il en aurait revu les modalités d'acquisition le cas échéant.
Ainsi, même si les parties n'ont pas convenu d'une garantie contractuelle de clientèle, une dissimulation intentionnelle sur ce point constitue une réticence dolosive ayant empêché l'acquéreur d'apprécier la valeur réelle de la société cédée et ses véritables perspectives de développement entraînant la nullité de la vente.
Il convient en effet de garder en mémoire que selon la jurisprudence, toute décision délibérée qui a pour objet de donner une image trompeuse des résultats réalisés par la société cédée au cours des derniers mois précédant la cession afin de gonfler artificiellement le prix définitif des parts de la société s'analyse en un dol vice du consentement.
Les effets juridiques d'un dol est que le contrat ou l'acte est annulé.
L'annulation d'un contrat en droit revient à faire comme si ce dernier n'avait jamais existé.
Concrètement, les parties doivent est remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat ou de la cession comme dans le cas présent.
Contre la remise des parts les vendeurs doivent restituer les fonds à leurs acheteurs.
Ces derniers se trouvent donc parfois à devoir engager de longues et périlleuses procédures judiciaires et d'exécution afin d'obtenir le paiement du remboursement de leur créance outre celui de dommages et intérêts en indemnisation des préjudices subis au titre de l'opération litigieuse.
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Anthony Bem
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