Le 29 mars 2017, la Cour de Cassation a condamné une banque au titre des crédits octroyés en francs suisses car la clause du contrat de prêt libellé en francs suisses prévoyait la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change, compte tenu du fait que, dans le cadre des emprunts en francs suisses, le risque de change pèse uniquement sur l'emprunteur et non la banque prêteuse (Cour de cassation, première chambre civile, 29 mars 2017, N° de pourvoi : 15-27.231).
En l’espèce, une banque avait consenti à un français, domicilié en France, en vue de l'acquisition d'un bien lui-même situé en France, un prêt libellé en francs suisses et remboursable en euros.
L’emprunteur avisé a invoqué le caractère abusif de la clause du contrat relative à la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change et a assigné la banque en annulation de cette clause.
En effet, la clause indexant le montant d'un prêt sur une monnaie étrangère n'est valable que lorsqu'elle est en relation directe avec l'objet du contrat ou avec l'activité de l'une des parties.
Ces critères doivent être appréciés in concreto.
La Cour de cassation a ainsi jugé inapplicable la clause du contrat de prêt relative à la révision du taux d’intérêt en fonction des variations du taux de change en considérant que :
« Toute dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence d’augmenter le montant du capital restant dû et , ainsi, la durée d’amortissement du prêt d’un délai maximum de cinq ans, de sorte qu’il lui incombait de rechercher d’office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l’emprunteur et si, en conséquence, la clause litigieuse n’avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur. »
Cette décision s'inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence européenne qui impose aux juges nationaux de relever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle.
De manière générale, la loi considère comme abusives : « Les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
Le cas échéant, ces clauses sont juridiquement déclarées non écrites et le taux conventionnel est substitué par le taux légal (quasi à 0), de sorte que la banque prêteuse doit rembourser à l'emprunteur les sommes versées au titre des intérêts conventionnels, indemnité de conversion ou frais de change.
Par ailleurs, l'évolution du taux de change euro/franc suisse était de nature à augmenter la durée d'amortissement du prêt, laquelle était initialement de vingt-cinq ans, d'un délai de cinq ans.
Or, le banquier prêteur est tenu d'une obligation de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti à raison de ses capacités financières et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt.
S'agissant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel « tout prêteur professionnel, qui accorde à un client non averti un concours financier, doit au préalable se faire transmettre tous renseignements sur la situation personnelle de son cocontractant ainsi que sur sa situation pécuniaire afin de vérifier sa capacité exacte de remboursement et le mettre en garde le cas échéant contre tout risque d'endettement excessif ».
En l'espèce, les juges ont relevé qu'aucun élément ne permettait de présumer une quelconque compétence de l'emprunteur en matière de recours au crédit bancaire, si bien que l'intéressé a été considéré comme un emprunteur profane, non averti.
La banque aurait donc dû être en mesure de prouver avoir utilement informé l'emprunteur non averti sur les conséquences exactes du risque de change inhérent au prêt proposé.
Elle ne peut utilement faire valoir le fait que la consultation par l'emprunteur de simulations jointes à l'offre (cas d'appréciation du franc suisse par rapport à l'euro et cas de dépréciation) auraient dû permettre à l'emprunteur de saisir le mécanisme d'augmentation ou de diminution du capital restant dû.
De même, la déclaration par l'emprunteur de la prise de connaissance de l'offre et de ses annexes et la réception de l'information selon laquelle le crédit comportait des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement ne sont pas suffisantes pour permettre à la banque de justifier avoir respecté son devoir d'information.
La banque ne peut se contenter de présenter à l'emprunteur le fonctionnement du prêt.
Elle a un devoir de mise en garde et doit attirer son attention sur les risques particuliers que lui fait encourir la spécificité du prêt envisagé.
A défaut de pouvoir justifier avoir clairement informé l'emprunteur sur l'existence d'un risque d'augmentation du capital à rembourser lié à l'évolution du taux de change, la banque engage sa responsabilité.
Le devoir d'information spécifique concerne l'information de l'emprunteur sur le risque particulier auquel la conclusion du prêt l'expose en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse.
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Anthony Bem
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