De nombreux prêts bancaires sont accordés en France par des établissements bancaires ou financiers dans une monnaie étrangère, pour profiter ce faisant d’un taux d’intérêt plus bas que si le contrat avait été souscrit en euro.
Pour cette raison notamment, l’utilisation du franc suisse dans les contrats de crédit a pu être très avantageuse pour les emprunteurs français dans les années 2000.
Toutefois, la valeur du franc suisse s’est appréciée de 75% depuis 2007 à la suite des crises économiques ce qui a eu pour effet d’augmenter fortement le taux de change entre le franc suisse et l’euro et donc de pénaliser les emprunteurs.
En effet, l’augmentation du taux de change francs suisses par rapport à l’euro a entrainé une augmentation du coût de remboursement du crédit.
Ainsi, certains consommateurs ont initié des actions judiciaires contre les banques qui ont accordé ces prêts en devise, pour défaut d’information du risque de change.
Pour mémoire, le 10 juin 2021, la Cour de Justice Européenne a jugé que les clauses de remboursement en devise doivent être suffisamment claires, compréhensibles et transparentes pour les consommateurs. (CJUE, BNP Paribas Personal Finance SA, 10 juin 2021, C-776/19 à C- 782/19)
C’est-à-dire que les variations du taux de change doivent être explicitées au sein des clauses de remboursement, et permettre au consommateur moyen d’évaluer les risques économiques liés à son emprunt.
A cet égard, la Cour d'appel de Lyon a annulé des contrats de prêt souscrits en francs suisses en vertu des clauses abusives de remboursement. (Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile b, 3 septembre 2024, n° 23/06053)
En l’espèce, des époux ont souscrit en 2004 auprès d’une Caisse Régionale Crédit Mutuel deux prêts immobiliers remboursables en francs suisses et en une fois en 2016 et 2017.
A cet égard, des clauses de remboursement insérées aux contrats de prêt prévoyaient que les emprunteurs assumaient le changement de parité entre le franc suisse et l’euro.
Cependant, les époux emprunteurs percevaient uniquement des revenus en euros et devaient donc procéder à des opérations de conversion au taux de change actuel pour rembourser l’emprunt libellé en francs suisses.
Or, entre le moment de souscription des prêts et le moment du remboursement des prêts, l’euro a fortement été déprécié face au franc suisse, ce qui a entraîné une augmentation significative du montant de remboursement du crédit par les emprunteurs.
Dans ce contexte, la Cour d’appel de Lyon a relevé que les clauses des contrats de prêt litigieux ne précisaient pas la mise en œuvre du remboursement des prêts en francs suisses.
De plus, les contrats de crédit n’indiquaient pas le taux de change pris en compte au moment du remboursement alors même que les clauses contractuelles avaient pour effet de faire dépendre le montant du remboursement au taux de change.
Par conséquent, la Cour d’appel a déclaré les clauses abusives et réputées non écrites de sorte que les contrats de prêt ont été annulés.
Concrètement, les emprunteurs n’ont eu qu’à restituer à la banque la somme empruntée mais en euros selon le taux de change à la date du contrat de prêt.
Cet arrêt consacre un véritable devoir d’information et de transparence des emprunteurs par les banques dans le cadre de l’octroi de crédits en devises étrangères afin de renforcer la protection de ceux-ci.
En conséquence, les clauses insérées dans les contrats de prêt libellés en francs suisses, doivent prévoir explicitement les modalités de remboursement, sous peine d’être déclarées abusives et d’entrainer la nullité du contrat de prêt.
Enfin, il convient de garder en mémoire que :
- Le délai de prescription de l’action en justice aux fins de mise en jeu de la responsabilité d’une banque en vertu du caractère abusif de clauses d'un contrat de prêt libellé en devises étrangères est de cinq ans ;
- Le point de départ du délai de prescription de l’action en justice précitée court à compter de la date de la décision de justice constatant le caractère abusif des clauses.
Il en résulte que lorsque la banque n’a pas respecté son devoir de transparence envers l’emprunteur, comme en l’espèce, le délai de prescription de l’action en justice n’a jamais commencé à courir.
La banque ne pourra donc jamais invoquer valablement la prescription de l’action en justice quand bien même le contrat de prêt a été souscrit plusieurs années auparavant.
La possibilité d’action en justice est donc perpétuelle tant que la banque ne respecte pas son obligation d’information vis-à-vis des emprunteurs sur les conséquences des variations des taux de change et les modalités de calcul des conversions des devises.
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Anthony Bem
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