Le principe en matière contractuelle est la liberté.
La liberté contractuelle est double.
Il s'agit de la liberté de conclure comme on le souhaite et de la liberté de conclure un contrat avec qui on le souhaite.
Cependant, les contrats entre professionnels et consommateurs ou entre professionnels comprennent souvent des clauses qui réglementent les relations contractuelles entre les parties.
Ainsi, le législateur et les juges protègent les consommateurs des abus dont peuvent se rendre coupables les professionnels dans le cadre de la rédaction de clauses qui leur seraient défavorables.
Selon la jurisprudence, une clause est considérée comme abusive, lorsqu’elle a pour objet un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des deux parties au contrat.
Le décret n°2009-302 du 18 mars 2009, a établi deux listes exhaustives de clauses :
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celles abusives qui sont interdites et sanctionnées de nullité (appellée “liste noire”);
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celles qui sont présumés comme étant abusives (appellée “liste grise”).
Les contrats d’assurances contiennent souvent des clauses abusives en ce qu’elles entraînent un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des deux parties au contrat en violation des dispositions de l’article L132-1 du code de la consommation.
Un arrêt de la cour de cassation, du 12 mai 2016, revient sur la notion de clauses abusives dans les contrats d’assurances.
En l'espèce, un motocycliste a trouvé la mort au cours d’un accident de la circulation.
La compagnie d’assurance a refusé d'indemniser la veuve car elle exigeait la preuve que l'assuré n’était pas fautif au moment de son accident, et plus particulièrement la preuve que son état d’alcoolémie n’avait pas été la cause de son décès.
En effet, le contrat d’assurance stipulait une clause aux termes de laquelle il appartenait à l’assuré de rapporter la preuve que son état d’alcoolémie n’avait eu aucun lien avec l’accident.
Or, l’article R132-2 du Code de la consommation prévoit une liste de clauses considérées comme abusives.
La Cour de cassation rappelle le principe selon lequel :
« dans les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels ou des consommateurs, sont abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d'imposer au non-professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat ».
En application de ce principe, elle a ainsi jugé comme abusive la clause du contrat d'assurance qui excluait de la garantie les dommages lorsqu’il était établi que le conducteur se trouvait, lors du sinistre, sous l'empire d'un état alcoolique et mettait à la charge de l'assuré de rapporter la preuve que le sinistre était sans relation avec cet état alcoolique. (Cour de cassation, première chambre civile, 12 mai 2016, n°14-24.698)
Ainsi, la clause qui prévoit que l’assuré ou ses ayants droit doit prouver que le sinistre est sans lien avec son état alcoolique est nulle.
La jurisprudence de l’Union Européenne apporte également des précisions concernant les clauses abusives.
En effet, aux termes d’une décision du 4 juin 2009, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que :
« Le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu’il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l’applique pas, sauf si le consommateur s’y oppose » (CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08).
Les juges ont donc une obligation de contrôler systématiquement la validité des clauses contractuelles et de rechercher le caractère éventuellement abusif de celles-ci.
C’est ainsi que la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que :
“il incombait, donc, à la cour d'appel de rechercher d'office si étaient abusives les clauses d'un contrat d'assurance prévoyant que sont exclus de la garantie les dommages occasionnés au véhicule assuré et les dommages corporels, s'il est établi que le conducteur se trouvait lors du sinistre sous l'empire d'un état alcoolique, sauf si l'assuré ou ses ayants droit prouvent que l'accident est sans relation avec cet état, alors qu'en vertu du droit commun, il appartiendrait à l'assureur d'établir que l'accident était en relation avec l'état alcoolique du conducteur”.
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il lui incombait de procéder à cette recherche, la cour d'appel a violé le texte susvisé [l’article L132-1 du code de la consommation]”.
Le procès-verbal de gendarmerie indiquait dans le dossier que l’assuré conduisait sous l'empire d'un état alcoolique au moment de l'accident que finalement la garantie était exclue, malgré la nullité de la clause.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que les juges ont tendance à protéger les assurés et consommateurs dans leurs relations avec les assureurs ou les professionnels en général dans la cadre de l’interprétation et de l’application des clauses contractuelles.
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Anthony Bem
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