Pour mémoire, les saisies bancaires, mobilières, immobilières ou sur salaires ne peuvent être réalisées qu’en vertu d’un « titre exécutoire », qui répond à des conditions légales pour être exécutable.
Un titre exécutoire est un jugement d’un tribunal, un arrêt de cour d’appel ou un acte authentique établit devant un notaire.
Ainsi, en principe, en cas de défaillance du débiteur d’un crédit ou de mise en jeu d’une caution, un créancier peut immédiatement engager des mesures d’exécution sans passer par une décision de justice (jugement, ordonnance ou arrêt) s’il dispose d’un acte notarié en bonne et due forme.
Néanmoins, afin de pouvoir servir de titre exécutoire contre une caution et permettre de réaliser une saisie immobilière, l’acte notarié dans lequel est enfermée le cautionnement doit comprendre obligatoirement l’indication précise de la somme due.
A défaut d’indication, l’acte authentique ne peut suffire à rendre la créance déterminable et permettre valablement la réalisation de quelconque mesure de saisie.
En pratique, les banques détentrices d’un acte authentique de prêt ont tendance à prononcer la déchéance du terme du crédit, c’est à dire demander le remboursement intégral et immédiat du crédit et engager aussitôt des procédures de saisie dès qu’il y a quelques échéances de remboursement de prêt impayées.
Or, le 22 mars 2018, la cour de cassation a jugé que le débiteur saisi peut contester utilement l’acte authentique du notaire servant de fondement aux poursuites et ainsi à son obligation de garantie si l’acte notarié ne contient pas exactement le montant due au jour de la saisie (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 22 mars 2018, n° 17-10.635)
En l’espèce, une banque a consenti un prêt bancaire à une société par acte authentique, établi par un notaire.
Le même acte authentique de prêt formalisait également l’engagement de caution solidaire du gérant en cas de défaillance de la société emprunteuse.
Eu égard à la défaillance de la société, la banque a signifié à l’encontre de la caution un commandement aux fins de saisie immobilière de sa résidence principale, sans passer par un jugement au fond.
Ainsi, la somme due au titre de l’engagement de caution ne résultait que du décompte de la créance arrêtée et détaillée seulement dans le commandement de payer et non des termes de de l’acte authentique de cautionnement.
Pour cause, il est impossible de déterminer en avance la date de la déchéance du terme du prêt et donc le montant du solde exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur la base d’un solde non encore fixé.
Or, le montant de la dette (intérêts échus, intérêts à courir et indemnité) ne peut pas être fixé en amont dans l’acte notarié, mais seulement à la suite d’un impayé ou à la déchéance du terme du prêt.
En conséquence, l’acte authentique perds son caractère exécutoire et ne peut donc constituer un titre exécutoire en tant que tel permettant de réaliser valablement une saisie immobilière.
La Cour de cassation a donc invalidé la saisie du bien immobilière du bien de la caution à défaut de précision du montant de la dette dans l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée a été pratiquée.
Elle a jugé :
« les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée, et non pas seulement déterminable, puis relevé que si l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée avait été sollicitée mentionnait les conditions du prêt consenti, reproduites dans un tableau d’amortissement, la créance invoquée à l’appui de la requête ne résultait pas de l’acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé, la cour d’appel en a exactement déduit, sans se contredire et sans dénaturer l’acte notarié du 1er octobre 2013, que la créance pour laquelle la vente forcée des biens était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée »
En outre, selon cette jurisprudence, le montant de la dette doit pouvoir être fixé dans l’acte notarié, sans qu’aucune référence à un élément extérieur et ultérieur ne soit nécessaire et il importe peu que les conditions du prêt consenti aient été reproduites dans l’acte authentique avec le tableau d’amortissement.
Cette affaire donne l'occasion de rappeler, pour mémoire, que selon l’article L211-1 du code de procédure d’exécution :
« Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail. »
A cet égard, l’article L111-6 du même code dispose que :
« La créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. »
Selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, une créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre exécutoire contient tous les éléments permettant son évaluation (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 19 novembre 2008, N° de pourvoi : 07-18987).
Si le montant de la créance est indéterminée ou indeterminable dans l'acte notarié la créance n’est pas liquide.
Il résulte de cette décision que les banques ne peuvent plus aussi facilement qu’avant procéder à l’exécution forcée d’un cautionnement ou d’un prêt conclu par acte authentique dans la mesure où l’acte notarié ne comprend jamais l’indication précise et exacte de la somme due.
Les banques sont alors contraintes d’engager une action judiciaire classique, dite « au fond », qui peut durer plusieurs années, pour pouvoir tenter d’obtenir un titre exécutoire et laisser à l'emprenteur ou à la caution la chance de se défendre utilement pour éviter une saisie de leurs patrimoine et revenus.
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Anthony Bem
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