Le 19 mars 2020, la Cour de cassation juge que la seule confirmation au commissaire de justice du domicile du destinataire de l'acte par le voisinage ne suffit pas à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité de son domicile (Cour de cassation, deuxième chambre civile, 19 mars 2020, 19-12.079)
En l’espèce, un restaurateur a fait l'objet d‘un contrôle de l'Urssaf qui a constaté la présence de trois travailleurs dont la déclaration préalable à l’embauche n’avait pas été effectuée par l’employeur.
L’URSSAF est un organisme privé, chargé d’une mission de service public, à savoir le financement de la protection sociale.
Ainsi, l'Urssaf a adressé une mise en demeure de payer les cotisations impayées puis fait signifier une contrainte.
La contrainte est une procédure de recouvrement des cotisations sociales, des majorations de retard et des pénalités impayées qui donne lieu à l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception.
Elle équivaut à un titre exécutoire, tel un jugement, qui permet de faire des saisies si aucune opposition n’a été faite par le débiteur dans le délai de 15 jours.
Le restaurateur a fait opposition contre cette contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) afin contester la demande de règlement de l'Urssaf.
Il contestait la validité des modalités de signification de la contrainte par l’huissier de justice, aujourd’hui appelé commissaire de justice.
En effet, ce n’est que quand un huissier de justice doit signifier un acte et que la remise à personne ou à une personne présente acceptant de le recevoir s’est révélée impossible qu’il peut « déposer l’acte à son étude ».
Or, dans la présente affaire, la signification n'avait pas permis de toucher le restaurateur car elle avait été faite à l'adresse du commerce qui avait fait l’objet d’une radiation auprès du registre du commerce et des sociétés.
Dans de pareils circonstances, les huissiers de justice doivent mentionner sur leurs procès-verbal de signification de l’acte, les circonstances caractérisant l'impossibilité de la signification à personne, indiquer que le destinataire était absent lors de son passage et que personne n'était présent au domicile pour recevoir l'acte ou que le destinataire est inconnu à cette adresse.
En cas de signification impossible, le code de procédure civile impose aux huissiers de justice de faire des recherches complémentaires comme par exemple se renseigner auprès du voisinage sur le « domicile du destinataire ».
Concrètement, l’huissier doit aller faire du porte à porte auprès du voisinage pour vérifier que le destinataire est domicilié ou non à l'adresse indiquée.
Ainsi, en toute hypothèse, la signification d’un acte par un huissier de justice ne peut être régulière que si l'huissier a procédé à la vérification du « domicile du destinataire », c’est à dire se faire confirmer la bonne adresse du destinataire de l’acte par un voisin.
Ainsi, le restaurateur a invoqué la nullité de la signification de la contrainte pour irrégularité.
Les premiers juges ont considéré que la signification était régulière au seul motif que l'huissier avait vérifié que le restaurateur était domicilié à l'adresse indiquée qui lui avait été confirmée par le voisinage.
Néanmoins, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel estimant que la réalité du domicile du destinataire d’un acte d’huissier de justice ne peut pas valablement être établie par une simple enquête de voisinage.
La Haute cour a ainsi jugé :
« Qu'en statuant ainsi, alors que la seule confirmation du domicile par le voisinage, sans autre précision, n'était pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte ».
Il ressort de cette décision que les huissiers de justice doivent obligatoirement faire figurer, à peine de nullité, dans leur procès-verbal de signification de leurs actes :
- les circonstances caractérisant l'impossibilité de la signification à personne ;
- l’information sur la présence ou l’absence du destinataire lors de son passage et que personne n'était présent au domicile pour recevoir l'acte ;
- la confirmation par le voisinage de la réalité de la domiciliation du destinataire ;
- ses vérifications complémentaires sur la réalité du fait que le destinataire était bien domicilié à l'adresse indiquée.
En l’absence de telles mentions, les destinataires des actes des commissaires de justice pourront efficacement les contester pour violation des dispositions légales.
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Anthony Bem
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