Pour mémoire, aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat de bail commercial et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.
L’obligation de délivrance ainsi définie suppose que le bailleur remette au locataire non seulement le local objet du bail mais aussi les accessoires du local nécessaires à l’usage de la chose louée (clés des locaux, caves, parking, etc…).
En outre, l’article 1720 du code civil rajoute que le bailleur doit procéder, pendant la durée du bail, à toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les réparations locatives.
Partant de ce texte, on fait généralement la distinction entre les grosses réparations qui sont à la charge du bailleur (réparations intéressant l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale) et les réparations locatives qui incombent au locataire (réparations d’entretien utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble).
Selon la jurisprudence, l’article 1720 du code civil qui met à la charge du bailleur toutes les réparations autres que celles locatives n’est pas d’ordre public, de sorte que les parties au contrat de bail commercial peuvent y déroger par des clauses spéciales ou particulières. (Cass. civ. III, 7 février 1978, n°76-14214)
Ainsi, par une clause expresse du contrat de bail commercial, il est possible de mettre à la charge du locataire non seulement les travaux d’entretien mais aussi les grosses réparations.
Ces grosses réparations doivent cependant être distinguées des travaux rendus nécessaires par un vice de construction affectant la structure ou la solidité de l’immeuble.
Ces derniers relèvent, en effet, de l’obligation de délivrance qui pèse sur le bailleur du local commercial en application de l’article 1719 précité et à laquelle celui-ci ne saurait se soustraire par le biais d’une clause contractuelle relative à l’exécution de travaux.
Il a ainsi été jugé que « le bailleur ne peut, par le biais d'une clause relative à l'exécution de travaux, s'affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués. » (Cass. civ. III, 1er juin 2005, n°04-12200)
L’importance particulière que revêt, en matière de bail commercial, l’obligation de délivrance a également été rappelée par un arrêt du 9 juillet 2008 :
« Si le bailleur peut mettre à la charge du preneur la vétusté, il ne peut en raison de son obligation de délivrance, s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble. » (Cass. civ. III, 09 juillet 2008, n˚07-14.631)
En conséquence, il n’est pas possible que le bailleur puisse transférer au locataire une charge relevant de cette obligation de délivrance.
C’est ce qui ressort de la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 2 juillet 2013. (Cass. Civ. III, 2 juillet 2013, N° de pourvoi: 11-28496)
En l’espèce, une société a pris à bail des locaux à usage commercial.
Une clause du bail stipulait que la société locataire prenait les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient en s'interdisant d'exercer contre le bailleur un recours quelconque pour vices cachés ou apparents, défauts ou malfaçons.
A cause d'importantes infiltrations survenues par la suite, la société locataire a dû interrompre durablement son exploitation.
De ce fait, la société locataire a assigné le bailleur pour qu’il soit déclaré responsable de la détérioration de ses mobiliers par l'effet des infiltrations et de l'arrêt de son activité commerciale.
La cour d’appel a rejeté l’action du locataire en estimant que les causes et origines des infiltrations dans le magasin n'étaient pas dues à un défaut d'entretien de la part du bailleur car elles provenaient de malfaçons et de vices affectant la construction.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que :
« Si le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, l'obligation de prendre en charge les travaux d'entretien ou de réparation, il ne peut, en raison de l'obligation de délivrance à laquelle il est tenue, s'exonérer de l'obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble. »
En d’autres termes, il est certes possible pour les parties de répartir à leur convenance la charge des travaux d’entretien ou de réparation en insérant expressément une clause en ce sens dans leur contrat de bail commercial.
Néanmoins, une telle clause ne saurait décharger le bailleur de son obligation de délivrance, notamment au titre de l’exécution des travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble.
Il résulte donc de l’arrêt que, quelles que soient les clauses du contrat de bail, le bailleur reste tenu, au titre de son obligation de délivrance, des travaux ou réparations qu’exige un vice de construction affectant la structure ou la solidité de l’immeuble.
Ainsi, si le bailleur manque à son obligation de délivrance en invoquant les clauses du contrat de bail, le locataire pourra, avec l’assistance d’un avocat spécialisé en droit immobilier, exercer l’une des actions suivantes :
- une action en exception d’inexécution qui aura pour effet de libérer le locataire de son obligation de payer le loyer jusqu’à la délivrance des lieux loués par le bailleur ;
- une action en résiliation du bail ;
- une action en exécution forcée ;
- une action en résolution du bail qui aura pour effet de délier les parties de leurs engagements en obligeant chacune d’elles à restituer à l’autre ce qu’elle a reçu à l’occasion de l’exécution du contrat de bail ;
- la réparation du préjudice subi par le locataire par l’octroi de dommages et intérêts.
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Anthony Bem
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