En France, le droit à la liberté d’expression est fondamental car il est notamment le garant de la démocratie.
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 a consacré le principe en son article 11 qui prévoit que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
En 1789, la communication des pensées et des opinions, mais aussi l’écrit et l’impression étaient entre les mains de quelques personnes, des citoyens privilégiés par leur éducation ou des érudits.
D’ailleurs, les seules limites à la liberté d’expression, toujours applicables à ce jour, sont fixées par la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
L’article 24 de cette loi sanctionne par une peine de cinq ans d'emprisonnement et/ou 45.000 € d'amende ceux qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur :
- origine,
- appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée,
- sexe,
- orientation sexuelle ou identité de genre,
- handicap.
Avec Internet, la parole s’est « démocratisée », mais l’esprit n’a pas suivi …
Ainsi, le web a rapidement nécessité qu’une loi encadre la responsabilité des sites.
Cela a été chose faite avec la loi sur la confiance dans l’économie numérique, du 17 juin 2004.
Néanmoins, malgré ces principes et textes juridiques, les discours de haine pullulent sur le web, dans une relative impunité notamment en raison d’obstacles techniques liés au numérique.
Par ailleurs, la loi sur la confiance dans l’économie numérique, du 17 juin 2004 ne pouvait pas réellement trouver utilement à s’appliquer à l’égard des réseaux sociaux apparus des années après.
Néanmoins, grâce à la loi sur la confiance dans l’économie numérique, le 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a rendu, en référé, une décision importante qui oblige les fournisseurs d’accès internet à empêcher totalement et de manière illimitée l’accès à un site internet qui n’était alimenté que de contenus constitutifs de provocation à la haine, de propos racistes, antisémites, homophobes et faisant l’apologie de crimes contre l’humanité.
Bien évidemment, le site internet litigieux ne comprenait pas de « mentions légales » permettant de connaitre les nom et coordonnées de l’auteur des contenus.
De plus, du fait de l’hébergement du site internet aux Etats Unis et de l’anonymisation du nom de la personne propriétaire du site, il était juridiquement et judiciairement impossible d’agir contre ce dernier ou l’hébergeur du site.
Le procureur de la république a donc assigné devant le juge des référés plusieurs fournisseurs d’accès internet afin de les enjoindre de mettre en œuvre toutes mesures permettant d’empêcher la consultation et l’accès de ce site à partir du territoire français.
Il s’agit d’une première procédurale.
Plusieurs personnes et associations de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie sont intervenues volontairement dans la procédure afin d’appuyer la demande de blocage auprès des fournisseurs d’accès internet.
De manière unanime, l’ensemble des principales associations françaises ont plaidé d’une seule et même voix pour obtenir le blocage de ce site.
Le tribunal a ordonné le blocage car il a considéré que le site comprenait des « mots d’une extrême violence » et compte tenu que « l’ordre publique est menacé ».
Ainsi, les fournisseurs d’accès internet doivent mettre en œuvre toutes les mesures permettant d’empêcher la consultation et l’accès de ce site à partir du territoire français.
Le blocage de l’accès n’est pas la fermeture du site.
En effet, grâce à une connexion avec d’autres fournisseurs d’accès internet, à l’étranger, le site continuera tout de même d’être accessible pour les internautes.
En tout état de cause, il résulte de cette décision que la publication de propos qui incitent à la haine, à caractère raciste, antisémite ou homophobe ou faisant l’apologie de crimes contre l’humanité justifie parfaitement le blocage de l’accès du site par les fournisseurs d’accès internet, et ce de manière illimitée dans le temps.
Bien que les effets juridiques de ce jugement soient limités dans l’espace et qu’il s’agisse d’une goutte d’eau dans la mer des propos illicites sur la toile, il demeurera tout de même une belle démonstration de l’efficacité et de la justesse de notre système judiciaire.
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Anthony Bem
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