En matière pénale, les jugements rendus par les tribunaux et les arrêts rendus par les cours d'appel doivent contenir des "motifs".
Ces "motifs" doivent, en principe, permettre au justiciable de comprendre la décision prise à son encontre par le juge pénal et sa condamnation.
Avec l'évolution du droit, un véritable "droit de comprendre" a été institué par le législateur.
A cet égard, le code de procédure pénale dispose que : « Tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la décision ».
Le "dispositif" est constitué par la partie qui commence par les termes : "par ces motifs", c'est à dire la conclusion de la décision de justice.
La motivation des décisions des juridictions répressives permet ainsi au prévenu de savoir pour quelles raisons il a été condamné ou à la personne mise en examen de connaître les raisons de son placement en détention provisoire.
Par ailleurs, la motivation des décisions des juridictions répressives permet d’apprécier l’opportunité d’exercer un éventuel recours contre une décision.
L'importance de la motivation des décisions de justice est telle que les arrêts et jugements qui sont rendus en dernier ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de constater que la loi a bien été respectée, appliquée et interprétée par les juges des juridictions inférieures.
Il en est de même lorsque les juges ont omis ou refusé de se prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ou sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public.
Les demandes des parties s'expriment sous forme de "moyens" formulés dans des oralement ou dans des conclusions écritures, bien que les écritures ne soient obligatoires devant les juridictions pénales car il s'agit d'une procédure dite "orale".
Les moyens sont en pratique l’énonciation par une partie d’un fait, d’un acte ou d’un texte d’où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d’une demande, d’une défense ou d’une exception.
Le juge doit donc justifier son raisonnement et expliquer les raisons pour lesquelles il écarte tel raisonnement juridique et/ou pour lesquelles, par contre, il fait droit à tel autre raisonnement.
Par conséquent, l’obligation de motivation mise à la charge des juges dans leur décision de justice traduit le respect du droit des justiciables à être entendus et à avoir une réponse aux moyens soulevés.
Néanmoins, le juge ne doit pas répondre à chaque point ni à chaque fait invoqué, ni à des moyens qui ne seraient invoqués que verbalement.
La formulation de moyens au sein de conclusions écrites apparait seulement comme une preuve qu'ils ont été évoqués devant le juge en cas de recours nécessaire.
Aussi, l’exigence de motivation des décisions pénales implique l’obligation pour les juges de répondre aux réquisitions écrites ou aux conclusions régulièrement déposées ainsi qu’aux réquisitions et conclusions orales relevées dans les notes d’audience, conformément aux dispositions des articles 458 et 459 du code de procédure pénale.
L’obligation de motivation du juge s’applique :
- aux décisions des juridictions de proximité, tribunaux de police, tribunaux correctionnels et chambres correctionnelles des cours d’appel qu’aux décisions des juridictions de l’application des peines ou aux arrêts des chambres de l’instruction.
- aux décisions sur l’action publique, l’action civile et concerne non seulement les jugements sur le fond mais également les décisions statuant sur des incidents de procédure.
Par ailleurs, la motivation doit être exempte d’insuffisance comme de contradiction et caractériser notamment en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu’intentionnel, l’infraction pénale dont le prévenu est déclaré coupable.
A cet égard, la chambre criminelle de la cour de cassation veille à ce que les décisions de justice comportent une motivation réelle.
La jurisprudence de la Haute Cour fixe ainsi les critères devant être respectés par les juridictions inférieures pour que leur décisions ne soient pas entachées d'illégalités.
Enfin, il convient de souligner que certaines décisions de justice ne peuvent être motivées qu’au regard de critères énoncés par la loi, on parle alors de motivation spéciale.
Il en va ainsi en matière de :
- détention provisoire
- contrôle judiciaire
- décisions relatives au déroulement de la procédure
- emprisonnement ferme ou avec sursis
- récidive légale afin d'écarter l’application des peines planchers
Comme le rappelle justement la Circulaire du 26 septembre 2014 de présentation de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales :
« Jusqu’à présent, les fonctions et finalités de la sanction pénale n’étaient évoquées qu’incidemment, à l’article 132-24 du code pénal relatif aux modes de personnalisation des peines. Elles étaient en outre énoncées de façon incohérente, les finalités de protection de la société et de réinsertion du condamné étant présentées comme antagonistes quand l’une participe de l’autre ».
Dorénavant, le nouvel article 130-1 du code pénal prévoit que la peine a pour fonctions de :
1° sanctionner l'auteur de l'infraction ;
2° favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion.
S'agissant de la peine d'emprisonnement, depuis 2014, la loi prévoit qu'elle ne puisse être valablement prononcée que :
- en dernier recours
- si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire
- si toute autre sanction est manifestement inadéquate
- si le juge a motivé "spécialement sa décision", au regard des faits de l’espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale.
Cette exigence de motivation s’applique indifféremment à l’ensemble des personnes condamnées, en état ou non de récidive, si la peine d’emprisonnement est ferme, prononcée avec sursis simple ou sursis avec mise à l’épreuve (SME), avec une mesure d’aménagement de semi-liberté, de placement sous surveillance, de placement extérieur ou de suspension.
Il en découle que le juge pénal ne peut fonder sa décision que sur son « intime conviction » mais sur des règles de droit qu’il rattache aux faits par un raisonnement juridique et qui garantit l’impartialité de sa décision.
Ces éléments tendent à octroyer aux justiciables un droit de comprendre leur condamnation pénale et d'éviter des décisions de justice arbitraires.
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Anthony Bem
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