Le 7 novembre 2019, la Cour de cassation a jugé que les professionnels de la commercialisation immobilière avec défiscalisation sont tenus de fournir à leurs clients une information claire et complète sur les risques encourus (Cour de cassation, troisième chambre civile, 7 novembre 2019, N° de pourvoi: 18-21258).
En l’espèce, une personne a été démarchée par une société chargée de commercialiser, sous un régime de défiscalisation, un immeuble situé en outre-mer.
Elle a acquis ainsi un appartement dont elle a confié la gestion à la société Citya.
Or, le bien a été livré et mis en location en 2008 année au cours de laquelle a débuté une crise immobilière et financière multinationale
Parallèlement, la cliente a fait l’objet d'un redressement fiscal résultant du non-respect des conditions de la location du bien qu’elle venait d’acheter.
Elle a donc assigné la société de commercialisation en paiement de dommages-intérêts en raison des manquements à son obligation d'information et de conseil.
En effet, pour mémoire, la mise en œuvre du dispositif fiscal GIRARDIN est subordonnée à l‘achat dans les départements et territoires d'outre-mer d'un bien immobilier neuf ou n'ayant jamais servi devant être loué dans les 6 mois suivant l'achèvement et pendant cinq années à des locataires en faisant leur résidence principale.
La vente de ce type de bien de défiscalisation est quasiment toujours liée signature d’un mandat de gérance pour la location du bien par une société imposée par le promoteur.
Le mandat de gestion permet notamment de garantir les revenus locatifs ou l’absence de locataire et les réparations des éventuelles détériorations.
Or, la cliente a fait l'objet d'une proposition de rectification fiscale en raison du non-respect des conditions locatives exigées pour la défiscalisation au titre d'un investissement outre-mer.
C’est dans ce contexte qu’elle a décidé de vendre le bien mais n’a pas pu le vendre rapidement et au prix.
Elle a finalement réussi à le vendre au bout de plusieurs années pour moins de la moitié de son prix d’achat.
Elle a donc rechercher la responsabilité délictuelle de la société qui lui a commercialisé cet investissement locatif ruineux.
En effet, en pratique, les professionnels de la commercialisation immobilière aux fins de défiscalisation offrent souvent par ailleurs un choix entre divers produits de placement, d'épargne ou d'investissement à caractère spéculatif.
Ainsi, elle reprochait au commercialisateur/conseiller en gestion de patrimoine de ne pas l’avoir informé sur :
- les conséquences juridiques et fiscales de son investissement,
- les risques comparés de tel ou tel investissement,
- le potentiel locatif,
- l'évaluation des loyers,
- la rentabilité de l'opération,
- les possibilités de défiscalisation,
- le mécanisme de l'investissement.
Elle lui reprochait aussi de lui avoir menti sur la valeur vénale de l'appartement vendu.
Les clients des "dispositif Girardin" sont très souvent des profanes.
Leur statut de profane est quasi immuable car les juges les considèrent ainsi peu importe qu’ils soient par ailleurs propriétaires de leur résidence principale, de biens immobiliers mis en location ou gérant de société civile immobilière dont l'activité est la location de biens immobiliers.
Les juges considèrent en effet qu’ils doivent être à même d'appréhender le dispositif fiscal en cause même si le mécanisme ne présente aucun caractère de complexité.
L'investisseur averti est celui qui possède une connaissance ou une expérience dans un domaine technique lui permettant de mesurer les risques que comporte l'opération qui lui est proposée.
Les juges de la cour de cassation ont ainsi posé le principe qu’il appartient au commercialisateur/conseiller en gestion de patrimoine de fournir à leurs clients profane une « information claire et complète sur les risques inhérents à l'investissement »
Grâce à cette jurisprudence, les clients d’opération de défiscalisation immobilière sont davantage protégés.
En effet, lorsque l'un des arguments de vente d’un bien immobilier est l'obtention d'un bénéfice fiscal, le commercialisateur/conseiller en gestion est tenu de l'informer et de la conseiller sur « les caractéristiques de l'investissement proposé ».
Concrètement, les professionnel de la commercialisation immobilière qui proposent une opération de défiscalisation immobilière sont tenus de délivrer aux investisseurs potentiels une information « sincère et complète ».
Ainsi, en cas de déboires, si le commercialisateur/conseiller en gestion n’a pas délivré une information « claire et complète » sur les conditions du bénéfice de l'avantage fiscal annoncé, en mentionnant tant les avantages de l'opération proposée que les risques inhérents qui en sont le corollaire, leur client pourra engager sa responsabilité et obtenir des dommages et intérêts en indemnisation des préjudices subis.
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Anthony Bem
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