En l'espèce, Monsieur X et cinquante-deux autres personnes (les participants) ont participé au tournage du programme audiovisuel dit de « téléréalité » « L’Ile de la Tentation », saison 2003, 2004, 2005, 2006 ou 2007, produite par la société Glem, devenue TF1 production.
Le concept de l’émission L’Île de la tentation était quatre couples non mariés et non pacsés, sans enfant, testent leurs sentiments réciproques lors d’un séjour d’une durée de douze jours sur une île exotique, séjour pendant lequel ils sont filmés dans leur quotidien, notamment pendant les activités (plongée, équitation, ski nautique, voile, etc...) qu’ils partagent avec des célibataires de sexe opposé.
A l’issue de ce séjour, les participants font le point de leurs sentiments envers leur partenaire.
Il n’y a ni gagnant, ni prix.
Les participants ont saisi la juridiction prud’homale pour voir requalifier le « règlement participants » qu’ils avaient signé en contrat de travail à durée indéterminée, se voir reconnaître la qualité d’artiste-interprète et obtenir le paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités.
Les juges d'appel ont requalifié la participation d’un candidat à une émission de télé réalité et le contrat « règlement participants » en contrat de travail car la prestation du candidat était accomplie sous la subordination de la société TF1 production et « avait pour finalité la production d’un bien ayant une valeur économique »
La cour d'appel a donc condamné la société TF1 production au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, de dommages-intérêts pour rupture abusive et pour non-respect de la procédure de licenciement.
A titre liminaire, la cour de cassation a rappelé le principe selon lequel :
« l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ».
Mais surtout, la cour de cassation a validé la positon des juges d'appel en jugeant que :
« Et attendu qu’ayant constaté qu’il existait entre les membres de l’équipe de production et les participants un lien de subordination caractérisé par l’existence d’une « bible » prévoyant le déroulement des journées et la succession d’activités filmées imposées, de mises en scènes dûment répétées, d’interviews dirigées de telle sorte que l’interviewé était conduit à dire ce qui était attendu par la production, que ce lien de subordination se manifestait encore par le choix des vêtements par la production, des horaires imposés allant jusqu’à vingt heures par jour, l’obligation de vivre sur le site et l’impossibilité de se livrer à des occupations personnelles, l’instauration de sanctions, notamment pécuniaires en cas de départ en cours de tournage, soit, en définitive, l’obligation de suivre les activités prévues et organisées par la société de production, que les participants se trouvaient dans un lien de dépendance à l’égard de la société, dès lors, séjournant à l’étranger, que leurs passeports et leurs téléphones leur avaient été retirés, que la prestation des participants à l’émission avait pour finalité la production d’un bien ayant une valeur économique, la cour d’appel, qui a caractérisé l’existence d’une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société TF1 production, et ayant pour objet la production d’une « série télévisée », prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production ».
Ainsi, peu importe la dénomination donnée aux contrats des participants aux tournages d'émission de TV réalité telles que L’Île de la tentation, ces participants sont liés par un contrat de travail ce qui leur accorde des droits et une protection particulière.
De même, il importe peu que le contrat conclu par le candidat avec la production antérieurement au tournage prévoit qu’il participe au programme à des fins personnelles et non à des fins professionnelles et ne perçoit de rémunération qu’au titre d’une éventuelle exploitation commerciale ultérieure de divers attributs de sa personnalité.
Par ailleurs, les participants reprochaient aux juges d'appel de leur avoir dénié la qualité d’artiste-interprète et de les avoir débouté de leurs demandes formées sur ce fondement.
En effet, selon la cour d'appel, la qualité d’« artiste-interprète » suppose l’incarnation d’un rôle.
Or, elle a estimé que les participants à l’émission n’avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu’il ne leur était demandé que d’être eux-mêmes et d’exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés.
Ainsi, l’article L. 212-1 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit que l’artiste-interprète ou exécutant est la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ne leur était pas applicable.
L’interprétation artistique ne consiste pas simplement en un jeu d’improvisation, plus ou moins libre, guidé par une équipe de tournage, suivant un schéma narratif et une trame scénaristique imposée.
À cet égard, la cour de cassation s'est rangée du côté des juges d'appel en considérant que :
« les participants à l’émission en cause n’avaient aucun rôle à jouer ni aucun texte à dire, qu’il ne leur était demandé que d’être eux-mêmes et d’exprimer leurs réactions face aux situations auxquelles ils étaient confrontés et que le caractère artificiel de ces situations et de leur enchaînement ne suffisait pas à leur donner la qualité d’acteurs ; qu’ayant ainsi fait ressortir que leur prestation n’impliquait aucune interprétation, elle a décidéà bon droit que la qualité d’artiste-interprète ne pouvait leur être reconnue».
Il résulte de cette décision que les participants à une émission dite de « téléréalité » ne fournissent pas une prestation qui ait pour objet la production d’une œuvre de fiction télévisuelle et ne sont donc pas des acteurs.
Par conséquent, les participants ne peuvent pas bénéficier de rémunérations supplémentaires au titre des droits d’artistes.
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Anthony Bem
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