Le 21 janvier 2016, la Cour d'appel de Versailles a jugé que la diffusion non consenties de photographies d'un artiste peut être constitutive à la fois d'une atteinte aux droits à l'image, moral et patrimoniaux de l'intéressé (Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre, 1ère section, 21 janvier 2016)
La presse people est une presse susceptible de révéler des informations portant atteinte aux droits suivants :
- au respect de la vie privée (civil),
- à la l'image (civil et/ou pénal),
- d'auteur (pénal),
- la réputation et la considération (civil ou pénal).
En l'espèce, le site internet sudpresse.be, édité par une société de droit belge, a publié une galerie de photographies de Madame X.
Or, Madame X est une célèbre comédienne française.
Les photographies étaient annoncées par le titre “X se laisse voir seins nus sur le tournage”, la montrant en partie dénudée sur la plage et dans la mer à l'occasion du tournage d'une scène du film “de rouille et d'os” réalisé par Jacques Audiard.
Certaines de ces photographies montrent l'actrice partiellement dénudée, vêtue uniquement du bas de son maillot de bain.
La comédienne a assigné le site internet pour voir constater l'atteinte à ses droits d'artiste-interprète ainsi qu'à son droit à l'image et obtenir réparation de ses préjudices, devant le tribunal de grande instance de Nanterre.
En première instance, le tribunal a notamment condamné le site internet à payer à l'actrice des dommages et intérêts et a fait interdiction de diffuser et reproduire les photographies litigieuses de cette dernière, sous astreinte.
Le site internet se défendait tentant de faire valoir l'incompétence du juge français pour connaître du litige.
Or, le droit européen prévoit que, notamment en cas d'atteinte au respect de la vie privée ou au droit à l'image, une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.
Dans l'affaire Olivier Martinez, dont votre serviteur est à l'origine, la Cour de justice de l'Union européenne avait déjà jugé qu'en cas d'atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s'estime lésée a la faculté de saisir d'une action en responsabilité, au titre de l'intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l'État membre du lieu d'établissement de l'émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l'État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts, que cette personne peut également, en lieu et place d'une action en responsabilité au titre de l'intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l'a été et que celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'État membre de la juridiction saisie (CJUE, 25 octobre 2011, C-509/09 et C-161/10).
Au cas présent, l'actrice française, née en France, y travaille et y réside avec sa famille.
La victime avait donc bien le centre de ses intérêts en France.
Par ailleurs, le fait dommageable avait bien été constaté par voie d'huissier de justice en France où le contenu du site Internet de la société de droit Belge est accessible.
En conséquence, le tribunal a jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de l'atteinte à :
- son droit à la personnalité pour la réparation de l'intégralité du dommage causé ;
- ses droits voisins d'artiste-interprète pour le seul dommage causé sur le territoire français.
S'agissant des droits d'artiste-interprète, les juges ont relevé que la victime est représentée sur ces clichés alors qu'elle joue et exécute une scène du film en train de se tourner.
Elle est en effet photographiée dans l'interprétation de son rôle.
Les clichés photographiques litigieux étaient donc bien une fixation de sa prestation d'artiste,
Or, en vertu de l'article L 212-3 du code de la propriété intellectuelle, la fixation de la prestation d'un artiste-interprète, sa reproduction et sa communication ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image, ce qui est le cas en l'espèce, sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète.
Les juges ont ainsi estimé qu'en « ayant fixé puis diffusé la prestation de la comédienne, sans son autorisation écrite, au surplus dans une version tronquée, la société Sud Presse a porté atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral de l'artiste-interprète et engagé sa responsabilité à ce titre ».
Sur le droit à l'image, trois des douze photographies de la galerie de photographies diffusées par la société belge montraient l'actrice, non pas dans l'interprétation de son rôle, mais dans un moment d'attente entre deux prises et lors d'un temps de pause.
A cet égard, les juges ont rappelé qu'en application de l'article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée, « dispose sur son image d'un droit exclusif et peut s'opposer à sa reproduction sans son autorisation sauf motif légitime de l'organe de presse ».
Selon la cour d'appel les juges de première instance « ont retenu à juste titre que le fait que le tournage du film ait eu lieu dans un lieu public ne suffit pas à caractériser l'autorisation tacite de Mme X à reproduire son image ; que par ailleurs, le droit à la liberté d'information et d'expression de l'organe de presse ne suffit pas à légitimer en l'espèce, dans l'équilibre des droits fondamentaux en présence, la reproduction et la diffusion d'images de l'actrice, prises à son insu, alors que dépossédée pour quelques instants du rôle qu'elle jouait, elle se retrouve, dénudée ou absorbée dans ses pensées, dans ce qui demeure sa sphère d'intimité ».
Il résulte de cette décision que le site internet qui édite des photographies d'une personne célèbre ou inconnue, sans son autorisation expresse et préalable, porte atteinte à son droit à l'image quand bien même elles auraient été prises lors du tournage d'un film dans un lieu public.
Par ailleurs, lorsque la personne est publique la diffusion de ses clichés peut aussi violer ses droits d'artiste-interprète.
Le cas échéant, les juges peuvent interdire la diffusion des photographies litigieuses et condamner l'auteur de la diffusion à payer des dommages et intérêts à la victime.
Le montant de l'indemnité varie au cas par cas, selon les dossiers, les personnes en cause, les préjudices subis et les juges.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
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