Le 12 mars 2013, la Cour de cassation a jugé que le dirigeant de société qui s'abstient d'informer l'associé qui cède ses parts de circonstances de nature à influer sur la cession manque à son devoir de loyauté et engage sa responsabilité.
Tel est le cas d’un dirigeant qui achète à bas prix à un des associés des parts sociales revendues quelques jours plus tard à un prix largement supérieur, sans que l’associé cédant ait été informé des négociations conduites avec le tiers acheteur. (Cass. Com., 12 mars 2013, N° de pourvoi: 12-11970)
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Selon une jurisprudence constante, le dirigeant de société est tenu d’un devoir de loyauté à l’égard de tout associé.
Ainsi, dans le cadre d’une cession d’actions, le dirigeant de société, qui entend participer à cette cession, doit informer l’associé cédant de tout élément susceptible d’influer sur son consentement.
A défaut, le dirigeant de société peut voir sa responsabilité engagée pour réticence dolosive, c’est-à-dire pour dissimulation volontaire d’une information qu’il avait obligation de révéler et qui aurait pu influer sur la décision de l’associé cédant.
C’est ainsi que la Cour de cassation a retenu l’existence d’une réticence dolosive de la part d’un dirigeant qui, chargé par un associé de trouver un acquéreur à ses actions, avait acquis lui-même lesdites actions, sans informer l’associé des négociations menées parallèlement avec un autre acquéreur, en vue de les revendre à un prix supérieur. (Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11241)
Dans le même sens, il a été jugé que « manque à l'obligation de loyauté qui s'impose au dirigeant de société à l'égard de tout associé, le président du conseil d'administration, qui ayant pris l'initiative d'inciter un actionnaire à céder ses actions, lui dissimule l'existence de négociations conduites avec un tiers en vue du rachat ou de l'apport ultérieur de ces mêmes actions. » (Cass. com., 12 mai 2004, n° 00-15.618).
Cette jurisprudence n’a jamais été démentie depuis lors, comme en témoigne l’arrêt du 12 mars 2013.
En l’espèce, le directeur général d’une société A s'est rendu acquéreur de 10% des actions détenues par un associé de cette même société.
Par la suite, le directeur général a cédé 10% de ses actions à la société B pour le double du prix d’acquisition.
En même temps, le président-directeur général de la société A cédait 9,8 % de ses actions à la société B.
Soutenant que le directeur général et le président-directeur général avaient manqué à leur obligation de loyauté en ne l'informant pas du prix de ces cessions au profit de la société B, l’associé les a assignés en paiement de dommages et intérêts.
En effet, si ce dernier avait eu connaissance de la différence importante de prix entre les deux opérations de cessions, il n’aurait peut-être pas consenti à la cession de ses parts ou, du moins, il aurait subordonné la cession de ses parts à la définition d’un prix supérieur.
La cour d’appel a tout de même rejeté la demande de l’associé cédant en retenant que le directeur général et le président-directeur général n'avaient pas l'obligation de divulguer l'accord, confidentiel quant au prix conclu, avec la société B.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que « manque à son devoir de loyauté le dirigeant social qui s'abstient d'informer l'associé cédant de circonstances de nature à influer sur son consentement. »
En d’autres termes, le dirigeant social qui achète des actions à un associé en vue de les revendre est tenu d’informer ce dernier des circonstances de nature à influer sur son consentement.
A défaut, le dirigeant encourt des sanctions pour manquement à son obligation de loyauté.
Il résulte de cette décision que le dirigeant social se doit d’agir en toute transparence vis-à-vis des associés.
En conséquence, le dirigeant social qui manque à ce devoir de loyauté peut voir sa responsabilité engagée par l’associé victime de ce manquement.
Ce dernier pourra ainsi demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, comme c’était le cas en l’espèce.
Le préjudice à réparer correspondra dans ce cas à la différence entre le prix de la première cession et celui de la seconde, c’est-à-dire à la plus-value que le dirigeant aura réalisée à l'issue de la revente.
Par ailleurs, l’associé victime pourra demander la nullité de l’opération lorsque la rétention d'information est intentionnelle et constitutive d'un dol.
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Anthony Bem
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