Le juge de l’exécution est le juge des saisies.
En tant que tel, il doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe.
Dans le cadre des contestations de saisies le juge de l’exécution ne vérifie que si la créance paraît fondée en son principe.
Ainsi, la loi lui donne la compétence pour connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l'occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit.
Néanmoins, en pratique, le juge de l’exécution s’estime souvent incompétent pour connaître des difficultés relatives aux cautionnements qui servent de fondement aux saisies pratiquées par des créanciers professionnels telles que des banques.
Ainsi, toute personne justifiant d’une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut toujours solliciter et obtenir l’autorisation du juge de l’exécution de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de son débiteur.
Le 14 janvier 2021, la Cour de cassation a rendu une décision positive au profit d’une cliente du Cabinet Bem à l’encontre du Crédit Lyonnais qui avait pratiqué une saisie conservatoire sur ses comptes bancaires en vertu de sa qualité de caution débitrice.
A l’origine de l’affaire, une personne s'est portée caution personnelle et solidaire, pour un montant de plus de 800.000 €, du remboursement d'un prêt immobilier consenti par la banque Crédit Lyonnais à une SCI dont elle était co-gérante.
En raison de la défaillance de la SCI dans le remboursement de son crédit, la banque a prononcé la déchéance du terme et a fait vendre par adjudication l'immeuble de la SCI.
Néanmoins, il restait un solde à la créance bancaire.
Le Crédit Lyonnais a saisi le juge de l’exécution afin d’obtenir l’autorisation de procéder à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la caution, sans que cette dernière n’en soit informée ni n’ai été en mesure de faire valoir sa défense.
Ainsi, en vertu d’une ordonnance du juge de l’exécution du tribunal de grande instance, non contradictoire, la banque a fait pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la caution.
Cette dernière a assigné la banque devant le juge de l’exécution afin d’obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire en contestant la validité de son cautionnement.
Les juges de première instance et d’appel l’ont déboutée de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par le Crédit Lyonnais à son encontre.
La caution a utilement formé un recours devant la Cour de cassation.
Les juges de la haute juridiction ont posé les principes selon lesquels « une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l’exécution que si, notamment, la créance de l’auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu’il appartient au juge de l’exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en œuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l'appréciation de l'apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend ».
En effet, toutes les mesures de saisies ne peuvent être valablement ordonnées par le juge de l’exécution que si la créance est apparemment fondée en son principe.
Il résulte surtout de cette décision que dorénavant il appartient au juge de l’exécution, qui autorise une mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en œuvre dont notamment la question de la disproportion du cautionnement qui sert de base aux saisies.
La juridiction suprême insiste sur le fait que le juge de l’exécution est tenu de se prononcer même si les contestations portent sur le fond du droit et notamment sur le caractère disproportionné d’un cautionnement.
Afin de casser et annuler l’arrêt d’appel défavorable à la caution, la Cour de cassation a jugé qu’« en affirmant néanmoins, pour décider que la créance alléguée par le Crédit Lyonnais paraissait fondée en son principe, qu’il était acquis que Madame X avait souscrit au profit du Crédit Lyonnais un engagement de caution et qu’il ne relevait pas de la compétence du juge de l’exécution d’apprécier le caractère disproportionné d’un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond, bien que le créancier professionnel ne puisse se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de sorte que le juge de l’exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l’engagement souscrit par Madame X… au profit du Crédit Lyonnais, qui était de nature à exclure l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe, la cour d’appel a violé les articles du code de la consommation, du code de l'organisation judiciaire et du code des procédures civiles d'exécution ».
La cour met donc à la charge du juge de l'exécution le devoir d’examiner le moyen de contestation des cautions relatif au caractère disproportionné de leur cautionnement.
Autrement dit, le juge de l’exécution doit toujours vérifier si l’engagement qui lui est soumis était manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de son engagement grâce au moins à une fiche de renseignements patrimoniaux remplie par celle-ci.
Il en découle surtout que le caractère disproportionné d’un cautionnement est bien de nature à exclure l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et à remettre utilement en cause les saisies pratiquées.
La mainlevée des saisies conservatoires peut ainsi être efficacement sollicitée par la caution saisie auprès du juge en prouvant le caractère disproportionné du cautionnement.
Or, la disproportion d’un cautionnement est le résultat d’un calcul tendant à déterminer le taux de proportionnalité du cautionnement par rapport au patrimoine, revenus, dettes et charges des cautions.
À cet égard, pour la première fois en matière de cautionnement, le cabinet a obtenu depuis une décision du 4 décembre 2013 du tribunal de commerce de Versailles qu’il consacre un taux de proportionnalité des cautionnements par rapport au patrimoine des cautions.
Ce tribunal a ainsi consacré deux indices ou deux taux de référence différents pour calcul la disproportion d’un cautionnement :
- d'une part, les usages bancaires en matière de taux d’endettement des particuliers de 33% ;
- d'autre part, la charge moyenne annuelle en France des emprunts long terme souscrits par les particuliers s’élève à un peu moins de 4 fois leurs revenus annuels.
Ces deux données de référence doivent donc être utilisées par les juges pour déterminer la proportion ou la disproportion des cautionnements en fonction de la situation financière personnelle de la caution.
Ce n’est donc qu’après une analyse juridique et financière détaillée de la situation des cautions qu’il est possible, d’une part, de poser l’équation du calcul de la disproportion d’un cautionnement et, d’autre part, d’obtenir le taux de disproportion.
Pour conclure, il convient de garder en mémoire que les cautions qui font l’objet de saisies peuvent utilement demander au juge de l’exécution d’ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée à leur encontre grâce à la disproportion de leur engagement.
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Anthony Bem
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