La loi n’a pas prévu d’obligation particulière des banques sur la loyauté qu’elles doivent emprunter vis à vis de leurs clients pour mettre un terme à leur relation.
Cependant les juges ont compensé cette lacune et ainsi aux termes d’un arrêt du 18 novembre 2021, la Cour d’appel de Bourges a condamné le Crédit Agricole à verser des dommages et intérêts à un débiteur pour manquement à son devoir de loyauté vis à vis de ce dernier lors de la rupture de leur relation.
En l’espèce, une société avait souscrit un contrat en ligne d’avances à l’importation auprès du Crédit Agricole en 2010, pour lequel deux époux s’étaient portés cautions personnelles et solidaires du remboursement de la dette dans la limite d’un montant de 78.000 €.
La société a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, et a été placée successivement en redressement puis en liquidation judiciaire en 2017.
En 2019, le Crédit Agricole a assigné l’épouse en sa qualité de caution et les ayants droits de son défunt mari devant le tribunal en leur demandant le paiement de la dette.
En première instance, le Tribunal a écarté l’argument tiré de la disproportion de l’engagement de caution des époux.
Toutefois, les juges ont retenu un manquement de la banque à son devoir de loyauté.
En effet, les juges ont retenu une faute contractuelle pour manquement à l’obligation de loyauté de la banque envers la société, tiré de la perte de possibilité de réaliser un bénéfice sur les transactions concernées.
S’agissant des cautions, les juges leur ont accordé un préjudice tiré de la perte de chance de ne pas être appelées en paiement, en leur qualité de caution de la société défaillante.
En appel, la Cour a rappelé qu’en vertu de l’article 2313 du Code civil, la caution peut opposer au créancier les exceptions appartenant au débiteur mais ne peut pas opposer les exceptions qui ne sont pas inhérentes à la dette et les exceptions personnelles au débiteur.
Sur le fondement de cet article, la Cour a considéré que la caution pouvait rechercher la responsabilité de la banque lorsque celle-ci a rompu brutalement le crédit accordé au débiteur et a créé une perte de chance de ne pas être poursuivie en paiement en justice ou bien de l’être dans une moindre proportion.
En ce sens, la Cour a retenu que :
« l’existence entre eux d’un usage rémunéré de ce type, depuis plusieurs années, dans le cadre de l’exécution de ce contrat rendait le Crédit agricole débiteur d’une obligation de loyauté envers sa cocontractante qui aurait dû l’empêcher de mettre unilatéralement fin à un tel concours sans l’en aviser préalablement ».
Ainsi, cette décision démontre que les juges peuvent utilement apprécier au cas par cas la rupture brutale du crédit accordé au débiteur et, le cas échéant, la juger comme constitutive d’une perte de chance d’être poursuivie en paiement dont la caution peut se faire indemniser.
De même, il convient de souligner que bien que les juges assimilent la rupture brutale du crédit accordé au débiteur à une exception appartenant à celui-ci ; la caution peut aussi efficacement s’en prévaloir.
Par ailleurs, il est intéressant de relever que pour mettre en jeu la responsabilité pécuniaire de la banque, les juges se sont fondés sur l’article L.313-12 du Code monétaire et financier qui consacre l’obligation pour les établissements de crédit de notifier à une entreprise la rupture ou la réduction d’un crédit à durée indéterminée, sous forme écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé antérieurement.
A ce titre, la Cour a écarté l’argument soulevé par la banque selon lequel le fait pour une société de bénéficier d’un plan de sauvegarde n’est pas suffisant pour établir que le bénéficiaire du crédit se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et rompre les relations.
En conclusion, la cour a considéré que le refus unilatéral et sans avoir avisé le débiteur de l’arrêt des usages existants entre la société et la banque dans le cadre de l’exécution du contrat de ligne d’avances, la banque a précipité la concrétisation de l’état de cessation des paiements dans lequel la société emprunteuse s’est trouvée dans les mois qui ont suivi ce refus.
Par conséquent, les juges ont caractérisé le manquement de la banque à son devoir de loyauté qui a causé une perte de chance importante pour les époux de ne pas être poursuivis en leur qualité de cautions de la société défaillante.
En conséquence, la cour d’appel a condamné la banque à verser la somme de 35.000 euros aux cautions à titre des dommages et intérêts et a ordonné la compensation entre cette somme et la créance de la banque.
Cette jurisprudence a donc le mérite de rappeler que même les banques sont tenues au respect d’une obligation de loyauté dans le cadre de leur relation commerciale avec leurs clients à défaut de quoi leur responsabilité est susceptible de pouvoir être engagée pour donner lieu à des condamnations pécuniaires.
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Anthony Bem
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