Les banques demandent souvent que leurs prêts et les cautionnements de remboursement soient inclus dans l’acte notarié ou authentique qui formalise les cessions de fonds de commerce.
Il en découle que les banques disposent de « titres exécutoires » contre les personnes qui se sont portées caution du remboursement des prêts accordés à une société.
Ces « titres exécutoires » dispensent en pratique les banques d’agir en justice pour disposer d’un jugement de condamnation et privent la caution de la possibilité de remettre en cause son cautionnement devant un juge.
Cependant, aux termes d’un arrêt rendu le 5 février 2020, par la cour d’appel de Toulouse, les juges ont reconnu la possibilité pour la caution d’assigner la banque en justice afin de faire juger que son cautionnement est nul en raison de sa disproportion, durant un délai de cinq ans à compter de la réception de la mise en demeure de paiement (Cour d’appel de Toulouse, 2e ch., 5 février 2020, n°18/03762).
En l’espèce, par acte authentique de 2006, la banque BNP Paribas a consenti à une société un prêt afin de financer l’achat d’un fonds de commerce d’hotellerie.
Par le même acte, le gérant de la société s’est porté caution personnelle du bon remboursement de cet emprunt.
Par un second acte du même jour, la société a également acquis un fonds de commerce de restaurant partiellement financé par un prêt dont le gérant s’est également porté caution du bon remboursement.
En 2013, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement puis liquidation judiciaire à l’encontre de la société.
En 2017, la banque a fait délivrer à la caution un commandement de payer valant saisie.
La caution a aussitôt assigné la banque devant le tribunal de commerce aux fins de voir notamment son engagement de caution déclaré inopposable en raison de son caractère disproportionné, et de voir condamner la banque à lui payer des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas avoir contracté le prêt du fait du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Ainsi, la caution a pris l’initiative de l’action judiciaire plutôt que de laisser la banque agir contre elle par voie de saisies.
En défense, la banque a notamment invoqué la prescription de l’action en responsabilité initiée contre elle par la caution.
En effet, en principe, le délai pour intenter une action en justice court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en n’avait pas eu précédemment connaissance.
Néanmoins, le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour défaut de mise en garde exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.
Il en est de même de l’action aux fins de voir déclarer l’engagement innopposable pour disproportion manifeste en application de l’article L341-4 du code de la consommation.
Pour résumer : le délai de prescription quiquennale dont dispose la caution pour agir en justice court à compter de la date de la première mise en demeure de paiement valablement adressée par la banque.
Les juges ont donc analysé au cas présent les pièces produites aux débats par la banque pour rechercher laquelle constituait une véritable mise en demeure de payer de la caution.
Ils ont ainsi estimé que la seule mise en demeure figurant au dossier était le commandement aux fins de saisie vente de 2017 de sorte que l’action engagée en 2017, n’était pas prescrite.
S’agissant de la disproportion manifeste de l’engagement de caution, la cour d’appel a rappelé le principe selon lequel :
« L’engagement de caution ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude ».
Or, au cas présent, le cautionnement litigieux était manifestement disproportionné
Par conséquent, les juges ont annulé le cautionnement en déclarant que la banque ne pouvait pas s’en prévaloir pour obtenir le règlement de quelque somme que ce soit à l’encontre de la caution.
Il résulte de cette décision que les cautions peuvent aussi prendre les devants en décidant d’assigner en justice la banque dès la réception d’une mise en demeure de paiement et ainsi la dissuader de saisir ses biens et de faire vendre son patrimoine grâce à un acte notarié.
L’intérêt d’agir en premier pour les cautions leur procure l’avantage d’avoir un coup d’avance contre la banque et de ne pas être sous le coup de mesures de saisies bancaires, mobilières, immobilières ou des salaires pratiquées par cette dernière aux fins de recouvrement forcé de sa créance en vertu d’un cautionnement.
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Anthony Bem
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