En principe, un contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties cocontractantes (article 1199 du Code civil).
Ainsi, les parties tierces ne peuvent ni demander l'exécution d’un contrat ni se voir contraintes de l'exécuter.
On parle alors de l’« effet relatif des contrats ».
Ainsi, en vertu de cet article, les parties à un même contrat sont assurées qu’aucun tiers ne pourrait intervenir dans leurs relations.
Toutefois, le 6 octobre 2006, la Cour de cassation a posé une exception au principe de l’effet relatif des conventions dès lors qu’un manquement contractuel, de la part d’une partie au contrat, a causé un dommage à un tiers au contrat. Assemblée Plénière, 6 octobre 2006, n°05-13.255).
Le 9 octobre 2024, la Haute juridiction a ainsi jugé que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 octobre 2024, pourvoi n° 23-15.346)
En l’espèce, une société a acquis, par acte notarié, un fonds de commerce pour lequel il était convenu que le financement de cette acquisition se ferait au moyen d’un prêt bancaire.
Le remboursement de ce prêt a été garanti par deux personnes physiques associées de la société qui se sont portées cautions, par acte séparé conclu sous seing privé, c’est-à-dire en privé hors la présence ni l’intervention d’un notaire.
Suite, à la liquidation de la société emprunteuse, la banque a demandé aux cautions le paiement du solde du crédit.
Dans ce contexte, les cautions ont assigné en justice la banque ainsi que le notaire afin de mettre en jeu leur responsabilité civile professionnelle et solliciter l’annulation de leurs actes de cautionnement.
Selon les cautions, le notaire a manqué à son devoir d’information envers la société emprunteuse lors de la conclusion du contrat ; en omettant d’attirer son intention sur l’absence d’éléments comptables nécessaires à l’appréciation de la rentabilité du fonds.
Or, cette négligence a notamment conduit à l’insolvabilité de la société emprunteuse et a un dol du consentement des cautions.
En effet, les cautions soutenaient que cette erreur sur la solvabilité de la société cautionnée a porté sur la substance de leur engagement qui était conditionné à la solvabilité de la société cautionnée.
Les juges d’appel ont débouté les cautions eu égard au fait qu’elles n’étaient pas parties à l’acte en cause.
Toutefois, le 9 octobre 2024, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en rappelant que des cautions, même si elles sont tierces au contrat de prêt, pouvaient valablement invoquer un manquement du notaire lors de sa conclusion pour tenter de se désengager de leur cautionnement.
Sur le fondement des dispositions de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, le 9 octobre 2024, la Cour de cassation a posé explicitement le principe selon lequel un tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
Il est aussi intéressant de souligner que le fait que les cautions aient été associées de la société emprunteuse n’y a rien changer, en ce qu’elles peuvent se défendre comme si elles avaient été parties à l’acte de prêt litigieux pour en invoquer les éventuels manquements contemporains à l’acte.
Cette décision est importante en pratique pour les cautions puisqu’elle leur permet d’invoquer utilement les éventuels manquements commis par les banque ou les notaires lors de la formation du contrat, afin d’obtenir l’annulation de leur cautionnement ou la réparation de leurs préjudices subis, sans que ces derniers ne puissent valablement invoquer le fait qu’elles ne sont pas parties au contrat de prêt.
Elle illustre l’un des nombreux moyens de défense dont disposent les cautions afin de se désengager totalement ou partiellement de leur cautionnement en cas de poursuite en paiement par la banque.