Depuis 1803, l’article 956 du code civil dispose que :
« La révocation pour cause d'inexécution des conditions, ou pour cause d'ingratitude, n'aura jamais lieu de plein droit ».
Ainsi, en principe, une donation entre vifs est irrévocable, ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’anéantir rétroactivement la donation ni contraindre le donataire à restituer la chose donnée.
Ceci étant, la loi prévoit néanmoins trois exceptions à la règle de l’irrévocabilité des donations entre vifs :
- Inexécution des conditions de la donation;
- Ingratitude du bénéficiaire de la donation;
- Survenance d’enfants du donateur.
S’agissant de l'inexécution des conditions, elle permet de révoquer les donations qui ont été consenties avec charges, c’est-à-dire les donations qui s’accompagnent d’obligations pour le bénéficiaire de la donation telles que l’obligation de financer les charges courantes, les réparations, les impôts, etc ...
En cas de révocation pour cause d'inexécution des conditions, les biens donnés reviendront au donateur qui aura contre les tiers détenteurs des immeubles donnés tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même.
Cependant, en vertu de l’article 956 du code civil, la révocation pour cause d’inexécution des conditions ou pour cause d’ingratitude n’est pas automatique.
Il appartient en effet aux tribunaux d'apprécier les circonstances de fait et, le cas échéant, de prononcer la révocation judiciaire de la donation.
Malgré cela, les parties peuvent aussi valablement insérer dans l’acte de donation une clause résolutoire de plein droit en cas d’inexécution des conditions sous lesquelles la donation a été faite, tel que cela ressort de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 septembre 2013.
En l’espèce, une personne a donné à son épouse séparée de biens la nue-propriété d’une maison d’habitation, à charge pour la donataire d'en financer les charges courantes, les réparations et les impôts.
En outre, l’acte de donation prévoyait en cas de prédécès du donateur le versement par la donataire à la fille du donateur de la moitié de la valeur de l'immeuble au moment du décès.
Enfin, il était prévu une révocation de plein droit de la donation en cas d'inexécution des charges, un mois après la délivrance d'un commandement resté sans effet.
Lorsque le donateur est décédé, sa fille a sollicité la révocation de plein droit de la donation pour inexécution des conditions prévues.
La cour d’appel a rejeté cette demande en énonçant que la révocation d'une donation pour inexécution des conditions n'a jamais lieu de plein droit et doit être soumise à l'appréciation du juge.
Partant, les juges d’appel ont estimé qu’il ne résulte pas des éléments du dossier une inexécution grave des conditions de la donation.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en posant le principe selon lequel :
« il est loisible aux parties de déroger aux dispositions de l’article 956 du code civil en stipulant, dans l'acte de donation, que la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l'inexécution des conditions et que, dans ce cas, le principe posé par l’article 1183 du même code est applicable ».
Par conséquent, la Cour de cassation a censuré la décision des juges du fond qui, tout en ayant relevé que la donataire n’avait pas financé l’intégralité des travaux et charges de l’immeuble donné, privèrent néanmoins d’effet la clause résolutoire litigieuse.
Ainsi, cet arrêt s’inscrit dans la droite lignée de la jurisprudence qui considère que les parties peuvent déroger à l'article 956 du code civil en insérant dans l'acte de donation une clause selon laquelle la révocation de la donation aura lieu de plein droit par le seul fait de l'inexécution des charges, sans avoir à passer par voie de justice.
Même si elle semble aller à l’encontre de l’article 956 du code civil précité, la solution dégagée par la Cour de cassation est tout à fait justifiée, dans la mesure où une partie est toujours libre de faire de l'obligation qu'il impose à l'autre partie une condition de l'acte de donation.
En définitive, l’admission de la validité de la clause résolutoire de plein droit insérée dans une donation devrait en principe dispenser les parties de recourir au juge.
Néanmoins, si le bénéficiaire de la donation refuse de restituer ce qu’il a reçu, il faudra l’assigner devant le juge et, dans un tel cas, la clause résolutoire pourra s’avérer utile en limitant les pouvoirs du juge à l’appréciation des conditions de la résolution.
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Anthony Bem
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