Le 16 juin 2009, la Cour de cassation a jugé qu'en cas de prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie le banquier n'engage pas automatiquement sa responsabilité si les pertes subies trouvent leur origine dans le profil de gestion à risque choisi (Cass. Com., 16 juin 2009, N° de pourvoi: 08-11618).
En l'espèce, Madame X disposait d'une somme d'argent suite à la vente de son fonds de commerce.
Elle souhaitait placer ce capital dans l'attente de la réalisation d'une acquisition immobilière.
Pour ce faire, elle a contracté auprès de la société Boursorama un prêt in fine à taux révisable d'un montant de 1 500 000 francs, soit 228 673,53 euros, remboursable en 96 mois, seuls les intérêts étant payés pendant la durée du prêt et le capital devant être remboursé à la dernière échéance.
En garantie du remboursement de ce prêt, Madame X a affecté un contrat d'assurance-vie à capital variable sur lequel elle avait versé la somme de 228 673,53 euros, investie pour une durée de huit ans dans un profil de gestion en unités de compte dit "Croissance".
L'objectif de l'opération était de lui permettre de payer, grâce à l'assurance-vie, le capital emprunté à la dernière échéance tout en bénéficiant d'un certain rendement.
Le rendement procuré par le placement de la somme empruntée devait servir à couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital.
Si le profil de gestion choisi par la cliente pour son assurance-vie devait lui procurer le plus fort potentiel de valorisation, il comportait aussi le plus fort risque de perte.
Ce montage s'est finalement révélé inadapté à sa situation puisque le montant du capital investi n'était pas garanti car tributaire de l'évolution des valeurs boursières.
Ainsi, a posteriori, le profil de gestion a conduit à une situation financièrement désastreuse.
Dans ce contexte, Madame X a reproché à la banque d'avoir manqué à son devoir de conseil et l'a assignée en responsabilité afin d'être indemnisée de ses préjudices subis.
En effet, le banquier est tenu d'un devoir de conseil envers son client profane quant au caractère adapté d'un produit ou montage qu'il propose à sa situation ou à tout le moins de le mettre en garde sur les risques de l'opération envisagée.
Cependant, les juges ont écarté toute faute de la banque compte-tenu du fait que :
- les documents contractuels comportaient un descriptif des instruments financiers sur lesquels reposait le contrat d'assurance-vie ;
- il n'appartenait pas à la banque de s'immiscer dans le choix de sa cliente et de rechercher si elle l'avait conseillé sur l'adéquation de ce montage à sa situation ou mise en garde contre les risques qu'il présentait.
La Cour de cassation a considéré que lorsqu' « il s'agit d'un montage classique permettant notamment, par le moyen d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, de couvrir tout ou partie de l'amortissement du capital grâce au rendement procuré par le placement de la somme empruntée, l'arrêt retient qu'un tel placement implique une prise de risque, que celle-ci est décrite dans la proposition d'assurance qui définit quatre profils de gestion et précise pour chacun d'eux sa structure et son niveau d'exposition au risque des fluctuations boursières, à charge pour le souscripteur de choisir le profil de gestion auquel il souhaite souscrire, et que Mme X... a choisi le profil Croissance procurant le plus fort potentiel de valorisation et comportant le plus fort risque de perte ; qu'il relève encore que la proposition d'assurance précise, au chapitre des valeurs de rachat, que la valorisation de l'épargne souscrite dans tout profil de gestion en unités de compte sera liée à l'évolution de la valeur liquidative du profil ; qu'il retient enfin que le devoir du banquier est de porter à la connaissance de son client les données lui permettant de prendre la mesure du risque auquel son choix expose son placement, ce qui est fait en l'espèce par la description, dans les documents contractuels, des caractéristiques des options offertes au souscripteur ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations desquelles il résulte que Mme X... avait été exactement et complètement informée des risques inhérents au placement qui lui était proposé et qui constituaient la contrepartie des gains espérés par elle, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire d'autres recherches, a légalement justifié sa décision ».
Il découle de cet arrêt que les juges considèrent que :
- « le devoir du banquier est de porter à la connaissance de son client les données lui permettant de prendre la mesure du risque auquel son choix expose son placement » ;
- la souscription d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie implique, de manière inhérente, une prise de risque de la part du client.
Cependant, par une interprétation a contrario de la solution dégagée par cet arrêt, en cas de prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, le banquier engage sa responsabilité lorsque :
- la prise de risque de l'opération n'est pas clairement et expressément décrite dans les documents contractuels ;
- les profils de gestion ne précisent pas pour chacun d'eux leur structure et leur niveau d'exposition au risque des fluctuations boursières ;
- la proposition d'assurance-vie ne précise pas que la valorisation de l'épargne souscrite est liée à l'évolution de la valeur liquidative du profil ;
Pour conclure, dès qu'une personne peut prouver ne pas avoir été complètement informée des risques liés au placement qui lui a été proposé par son conseiller, quand bien même sont-ils inhérents à l'opération litigieuse, une action en responsabilité peut être envisagée contre ce dernier pour manquement à son devoir de conseil et violation de son obligation d'information.
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Anthony Bem
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