L’explosion du web participatif et des réseaux sociaux impliquent la mise en place de nouvelles règles juridiques.
Tel est le cas des droits à l’oubli et au déréférencement sur internet.
Le droit à l’oubli n’est appréhendé par aucune disposition légale et n’a pas de véritable définition juridique.
Néanmoins, suivant la pratique, l’objectif poursuivi par le droit à l’oubli est de permettre à quiconque de pouvoir décider de la publication d'une information privative et personnelle sur la toile.
Certaines personnes se fondent sur le droit à l'oubli afin de justifier leur demande de suppression de contenus sur internet notamment lorsque leur passé les dérange ou risque de donner lieu à la publication d'informations négatives et susceptibles de porter atteinte à leur réputation et à leur vie personnelle ou professionnelle.
Certes le droit n’a pas consacré le droit à l’oubli, mais la décision rendue par la cour de justice de l’union européenne le 13 mai 2014 consacre un droit au déréférencement de contenus dans les moteurs de recherche sur internet. (CJUE, 13 mai 2014, Affaire Google Spain)
Aux termes de cette décision, la cour de justice de la communauté de l’union européenne a consacré l'obligation des moteurs de recherche de supprimer, sur demande des intéressés, les résultats des requêtes liées à leur nom.
Cette décision de la cour de justice de l’union européenne a eu pour effet de développer ce droit embryonnaire au point de devenir un droit concurrentiel à la liberté d'expression et à celle de la presse.
Pour mémoire, la liberté de la presse est un principe fondamental dans les systèmes démocratiques qui reposent sur la liberté d’opinion, la liberté de pensée, et la liberté d’expression.
Aussi, la liberté de la presse est un principe à valeur constitutionnelle qui figure à l’article 11 de la déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en ces termes :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».
Le 12 mai 2016, la cour cassation a fait primer la liberté de la presse sur le droit à l’oubli numérique.
En effet, selon la cour de cassation :
« Le fait d’imposer à un organe de presse, soit de supprimer du site internet dédié à l’archivage des articles, qui ne peut être assimilé à l’édition d’une base de données de décisions de justice, l’information elle-même contenue dans l’un de ces articles, le retrait des nom et prénom des personnes visées par la décision privant celui-ci de tout intérêt, soit d’en restreindre l’accès en modifiant le référencement habituel, excède les restrictions qui peuvent être apportées à la liberté de la presse » (cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 mai 2016, N°15-17729).
En l’espèce, deux frères ont assigné la société les Echos, sur le fondement de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, aux fins de voir ordonner la suppression de leurs données à caractère personnel des traitements automatisés du site internet lesEchos.fr.
En effet, le nom de famille utilisé comme mot-clé dans les moteurs de recherche de ce site conduisait au premier résultat suivant : « le conseil d’Etat a réduit la sanction des frères X… à un blâme » faisant référence à un article archivé sur le même site et publié dans le journal « Les Echos » en 2006.
Pour mémoire, l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que :
« Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement.
Elle a le droit de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur.
Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l'application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement ».
La juridiction suprême a confirmé la décision de la cour d’appel sur le fait que les dispositions de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 étaient inapplicables s’agissant de l’archivage des articles de presse.
Cet arrêt est important car la cour de cassation met en concurrence le droit à la liberté de la presse et le droit à l’oubli numérique pour la première fois.
Le tribunal de grande instance de Paris avait ordonné le déréférencement compte tenu :
- de la nature des données à caractères personnels, et en l’espèce il était question de la publication d’une condamnation pénale ne figurant pas sur l’extrait de casier judiciaire de la personne concernée au jour des débats ;
- des motifs de la demande en référencement, notamment la nuisance à la recherche d’emploi d’une personne ;
- du temps écoulé, en l’espèce l’information litigieuse avait été publiée depuis huit ans.
Il résulte de cette décision que le droit au déréférencement est loin d'être absolu et que le droit à l'oubli numérique ne s'applique pas à l'encontre des organes de presse comme à l'égard de n'importe quels autres sites internet.
La Haute Cour consacre ainsi une tolérance à la publication de données à caractère personnel s'agissant des sites internet de presse dédié à l’archivage des articles, dont le retrait des nom et prénom des personnes visées par la décision priverait celui-ci de tout intérêt.
La portée de cette décision semble toutefois à relativiser dans la mesure où cette décision ne concerne que le cas particulier de la publication d'informations en ligne par des sites de presse.
Celle-ci ne remet donc pas en cause le droit à l'oubli et son pendant le droit au déréférencement de résultats de requêtes dans les moteurs de recherches dont les limites restent encore à préciser au gré des contentieux à venir.
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Anthony Bem
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