Dans le cadre de l’ensemble des affaires pénales, la question de la preuve des faits reprochés est capitale.
En effet, la preuve est " ce qui persuade l’esprit d’une vérité ".
Si l’on définit la loyauté comme la fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur, de la probité il s’ensuit que le respect du principe de loyauté devient, non seulement, la condition d’exercice des droits de la défense mais, plus généralement, celle de la conduite du procès équitable.
Cette définition rejoint d’ailleurs celle qu’en donnait, il y a plus de quarante ans, le doyen Bouzat, pour lequel la loyauté est " une manière d’être de la recherche des preuves, conforme au respect des droits de l’individu et à la dignité de la justice ".
Ainsi, en matière de procédure pénale, la loi octroi aux officiers et agents de police judiciaire la possibilité d’utiliser plusieurs procédés dans le but d’obtenir la preuve de l’infraction pénale poursuivie.
Ces procédés de preuve sont liés :
- soit aux biens : perquisitions, saisies, interception des correspondances, etc…
- soit aux personnes : écoutes téléphoniques, auditions, infiltration, etc...
Pour mémoire, le procès pénal est organisé autour d’un grand principe : la présomption d’innocence.
De la présomption d’innocence découle d’autres principes, tel que le principe de loyauté de la preuve, qui ont le rôle de « garde-fous ».
En effet, les procédés utilisés par les enquêteurs pour obtenir la preuve de la commission d’une infraction pénale vont devoir respecter certaines conditions pour être recevables.
Dans le même temps, la délinquance et la criminalité ont évolué.
En ayant habilement recours aux nouvelles technologies, aussi bien pour commettre les faits que pour tenter d’empêcher l’identification de leurs auteurs et leur permettre d’échapper aux poursuites, elles tendent à revêtir plus largement que par le passé un caractère sophistiqué, occulte, parfois opaque.
La cour de cassation a affirmé le principe selon lequel n’était pas admissible une preuve procédant d’une " machination de nature à déterminer les agissements délictueux et que, par ce stratagème, qui a vicié la recherche et l’établissement de la vérité, il a été porté atteinte au principe de la loyauté des preuves ". (Cass. crim., 27 février 1996)
Dans une récente affaire, il a été reproché au célèbre footballeur français Karim Benzema d’avoir été complice d'une tentative de chantage à la sextape au préjudice de son coéquipier Mathieu Valbuena.
Suite à l’ouverture d’une enquête pénale de la part du procureur de la République, une mesure d’infiltration a été ordonnée.
Un policier a cru pouvoir utiliser un faux pseudonyme afin d'identifier les auteurs du chantage à la sextape.
Les écoutes téléphoniques montraient qu’il avait également :
- dirigé la conversation vers le chantage ;
- abordé la question financière.
Il a donc eu une participation active dans la révélation des faits litigieux.
En conséquence, le 11 juillet 2017, la Cour de cassation a jugé que la procédure diligentée à l’encontre des auteurs, co-auteurs et complices (en l’espèce Karim Benzema) était viciée en considérant que :
« le procureur de la République avait donné instruction à un officier de police judiciaire de se substituer à M. dans les négociations avec les auteurs de l'infraction supposée, que cet enquêteur avait entretenu plusieurs conversations téléphoniques, tant à son initiative qu'à celle de ces interlocuteurs, notamment avec l'un d'entre eux des mois de juin à octobre 2015, qu'enfin cet officier de police judiciaire ne s'était identifié au cours de ces communications qu'en qualité de représentant de M. et sous le pseudonyme de “Lukas“, d'autre part, ces conversations, dont certaines ont fait l'objet d'interceptions, ont conduit à l'interpellation des mis en cause (…) » (Cour de cassation, chambre criminelle, 11 juillet 2017, N° de pourvoi : 17-80.313)
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence interdisant la provocation à une infraction pénale différente de celle qui a fait l’objet de la mesure d’enquête ou d’instruction.
Ainsi, il convient de garder en mémoire que même les policiers doivent observer le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, c’est-à-dire dans l’utilisation des procédés d’infiltration et d’écoutes téléphoniques.
Le cas échéant, les juridictions de jugement peuvent utilement être saisies de cause de nullité de la procédure, sur le fondement de l’article 385 du Code de procédure pénale.
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Anthony Bem
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