Les termes des décisions de justice doivent en principe être clairs et limpides.
Or, certaines décisions contiennent des termes obscurs, ambivalents ou révèlent une divergence d’interprétation entre les parties au litige sur le sens ou la portée exacte de ce qui a été jugé.
Ainsi, selon l’article 461 du code de procédure civile : « il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel. La demande en interprétation est formée par simple requête de l’une des parties ou par requête commune. Le juge se prononce, les parties entendues ou appelées ».
En conséquence, tout juge auteur d’un jugement a non seulement le pouvoir mais aussi l’obligation d’interpréter sa décision lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens.
Selon la jurisprudence de la cour de cassation, les juges disposent d’un pouvoir souverain pour juger de la nécessité d’interpréter, c’est-à-dire d’apprécier le caractère obscur ou ambigu d’une disposition du jugement (Cour de cassation, chambre commerciale, 7 octobre 1981, n° 79-16.416).
Ils apprécient souverainement le sens qu’il convient de donner aux termes de leur décision et, ce faisant, peuvent en changer les conséquences au gré de leur interprétation.
Récemment la Haute Cour a posé le principe que les juges doivent fixer le sens de leur décision lorsqu'elle donne lieu à des lectures différentes (Cour de cassation, troisième chambre civile, 2 juin 2015, n° 14-15.043).
Le juge de l’exécution a aussi le pouvoir d’interpréter un jugement qui sert de fondement aux poursuites.
Néanmoins, si le jugement est frappé d’appel, la demande d’interprétation est irrecevable.
Les parties sont convoquées pour être entendues sur leurs explications.
Le juge délibère selon les mêmes formes que pour un jugement au fond.
Les jugements interprétatifs sont soumis aux mêmes règles que les jugements interprétés et peuvent faire l’objet d’un recours en appel.
La décision rectificative ne doit pas modifier la décision soumise à interprétation.
Les juges saisis d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d’en déterminer le sens, apporter une modification aux dispositions précises de celle-ci.
Ainsi, le 2 juin 2015, la cour de cassation a posé le principe selon lequel : « le juge, saisi d'une contestation relative à l'interprétation d'une précédente décision, ne peut, sous le prétexte d'en déterminer le sens, apporter une quelconque modification à cette dernière, en modifiant les droits et obligations qu'il a reconnus aux parties ». (Cour de cassation, troisième chambre civile, 2 juin 2015. N° de pourvoi: 14-15043).
Il en résulte que les dispositions précises des décisions de justice soumises à l’interprétation des juges ne peuvent pas être modifiées.
En l’espèce, une société avait été condamnée à régulariser un acte de vente d’un bien immobilier dépendant d’une copropriété et à payer à l’acheteur une indemnité de non-jouissance du bien.
Alors que les premiers juges ont condamné le vendeur à payer une indemnité selon une méthode forfaitaire, sous couvert d'interprétation, ils ont décidé que le montant forfaitaire devait, en réalité, s'appliquer par année de non-jouissance du bien, quand bien même cela n'était pas prévu auparavant.
Ce faisant les juges ont donc, sous couvert d'interprétation, modifié le sens de la décision précédemment rendue, attentant ainsi à la règle de l’autorité de la chose jugée.
Il résulte donc de cet arrêt que les juges doivent fixer le sens de leur décision lorsqu'elles donnent lieu à des lectures différentes mais ne peuvent pas, sous prétexte de les interpréter, en modifier les dispositions.
Ce cas est tout à la fois un exemple de cas où il existe une nécessité d’interprétation d’une décision de justice et une illustration de la limite du pouvoir d’interprétation du juge dans le cadre de ce type de saisine particulière.
Si la frontière entre la clarification des termes d’une décision et la modification de sa portée est infime, le juge saisi d'une requête en interprétation doit toujours veiller à ne pas en modifier ou en trahir le contenu pour ne pas risquer d’être censuré.
Le rôle du juge doit se limiter à éclairer les parties sur les seules dispositions sujettes à interprétation et sans pouvoir de modifications des termes clairs.
Enfin, et plus généralement, le juge ne peut pas valablement déduire de la décision interprétée des conséquences juridiques nouvelles qui reviendraient à modifier les droits et obligations des parties tels qu'ils résultent de la décision à interpréter.
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Anthony Bem
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