En l'espèce, la société qui édite et exploite le site internet d'annonces immobilières “Se Loger.com” a découvert que des sociétés captaient, sans son autorisation, au moyen de robots informatiques ou “crawlers”, l'intégralité de sa base de données d'annonces immobilières pour alimenter leurs propres sites internet.
Le site “Se Loger.com” a donc assigné ces sociétés devant le tribunal de commerce de Paris pour extraction illicite de sa base de données afin de leur voir interdire, sous astreinte, toute exploitation de celle-ci et se voir indemnisée de son préjudice.
Aux termes de cette décision, il ressort que les notions de base de données et de producteur de base de données présentent des contours variables et ne permettent pas automatiquement de revendiquer une protection par le code de la propriété intellectuelle (1), ni la concurrence déloyale ni le parasitisme (2).
1) Définition d'une base de données protégée par le code de la propriété intellectuelle
Pour mémoire, l'article L 341-1 du code de la propriété intellectuelle assure au producteur d'une base de données une protection “contre l'appropriation des résultats obtenus de l'investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu”.
Sur ce point, la société Pressimmo On Line faisait valoir que :
- elle avait investi d'importantes sommes d'argent pour développer son activité;
- une équipe de commerciaux recherchent quotidiennement de nouveaux clients et proposent divers produits à sa clientèle de professionnels.
Cependant, pour dire qu'elle ne pouvait pas valablement prétendre à la protection instaurée au profit du producteur de base de données, la cour d'appel a jugé que :
« cette protection spécifique suppose un investissement “substantiel” qui lui est affecté et qui, selon l'article L 341-1 précité, peut être “financier, matériel ou humain” ayant pour objet “la constitution, la vérification ou la présentation” du contenu de la base ...
Qu'il s'en déduit que la société Pressimmo On Line se doit de rapporter la preuve d'investissements humains et financiers spécifiques qui ne se confondent pas avec ceux qu'elle consacre à la création des éléments constitutifs du contenu de sa base de données et à des opérations de vérification, purement formelle, pendant cette phase de création consistant à les collecter auprès de professionnels et à les diffuser tels que recueillis de ses clients ;
Qu'elle peut, certes, se prévaloir d'une clientèle, d'une structure et de résultats financiers d'importance, comme tendent à le prouver les pièces sus-évoquées qu'elle produit ; qu'elle peut également faire état d'une équipe de commerciaux, encore qu'ils soient désignés dans l'organigramme comme étant “ terrain” ou “conquête” sans que ces notions, susceptibles de renvoyer à des faits de prospection de nouveaux clients, ne soient définies ;
Que, s'agissant des moyens autres que ceux mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données, c'est à juste titre que la société Yakaz stigmatise le déficit probatoire récurrent de l'appelante en soulignant que si elle invoque, en particulier, des propositions de nouveaux produits aux clients, la réception, la vérification et le traitement des informations, des mises à jours en temps réel ou la suppression de son site des annonces périmées, elle ne procède que par affirmation ;
Que, s'agissant des investissements humains et financiers liés à l'obtention du contenu de sa base de données, au sens des textes et de la jurisprudence communautaire précités, que l'appelante déclare leur consacrer - investissements qui auraient dû faire l'objet d'une ventilation précise et dont le caractère substantiel aurait dû être prouvé - force est de relever qu'ils ne sont aucunement démontrés ».(Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 2, 15 novembre 2013).
Au cas présent, il est intéressant de relever que la cour d'appel a apporté de nouveaux éléments d'appréciation de l'existence d'une base de données.
Selon les juges, une base de données suppose que son producteur rapporte la preuve d'un investissement financier, matériel ou humain “substantiel” et spécifique à la constitution, la vérification ou la présentation du contenu de cette base de données.
À défaut de preuve d'un investissement financier, matériel ou humain “substantiel” et spécifique à la constitution, la vérification ou la présentation du contenu d'une base de données, son producteur n'est pas susceptible de se prévaloir d'un droit à protection.
En outre, cet investissement ne doit pas se confondre avec ceux consacrés à la création des éléments constitutifs du contenu de la base de données et à des opérations de vérification purement formelle.
Concrètement, les collecte et diffusion de données recueillies auprès de clients ne confèrent pas le statut de producteur de base de données et ne suffisent pas en tant que telles à permettre la revendication du droit à protection de la base de données.
De même, les juges ont précisé que la réception, la vérification et le traitement des informations, des mises à jours en temps réel ou la suppression des données périmées ne suffisaient pas à caractériser l'existence d'une base de données.
Il en résulte que les juges apprécient, au cas par cas, comme en matière de droit d'auteur, les moyens mis en œuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d'une base de données.
Par ailleurs, les juges ont analysé la nature des données.
Ils ont ainsi vérifié si ces données constituaient des "informations essentielles".
Ceci ajoute donc un critère sur la nature des données protégées par le droit.
2) Rappel des notions de "concurrence déloyale" et de "parasitisme"
La "concurrence déloyale" et le "parasitisme" ont aussi été invoqués à l'encontre des sites internet attaqués par Seloger.com.
Or ces deux notions juridiques nécessitent que leurs conditions constitutives soient remplies et font l'objet d'une appréciation concrète de la part de la jurisprudence.
La concurrence déloyale suppose que la société qui s'en prétend victime rapporte la preuve qu'un de ses concurrents a créé un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.
Le parasitisme suppose pour la victime de démontrer qu'un acteur économique ou un professionnel s'est placé dans son sillage pour en capter la valeur.
Or aucune de ces preuves n'a été apportées par la société demanderesse.
Au contraire, au cas présent, les juges ont relevé :
- l'absence d'informations essentielles sur les données d'une annonce telles que présentées par les sociétés concurrentes sur leurs sites,
- le fait que le client est appelé à se diriger vers le site Seloger.com s'il veut en connaître l'entier contenu, ce qui a augmenté la visibilité de ce site.
Pour conclure qu'aucune faute n'a été établie en l'espèce, les juges ont analysé la nature des données litigieuses et estimé que celles ci ne constituaient pas des "informations essentielles".
Par conséquent, en cas d'actes d'extraction illicite de données et appropriation illicite des efforts financiers et humains d'une entreprise, l'analyse de la qualité de producteur de base de données est primordiale avant toute action judiciaire ou comme argument de défense.
De même, les données litigieuses doivent faire l'objet d'une appréciation objective et qualitative.
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Anthony Bem
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