Le temps sur Internet s'étire à l'infini.
Sur Internet, le passé est présent en un clic.
Internet garde aussi en mémoire les informations que l'on croyait oubliées.
Pire, dans certains cas, les moteurs de recherche, tel que celui de Google, les amplifient en hiérarchisant les résultats de requêtes.
Avec la hiérarchisation des résultats par leurs algorithmes, les moteurs de recherche braquent leur faisceau sur des contenus précis et créent ainsi une image à part entière, une réputation numérique, une E-réputation jusqu'à donner dans certains cas une image dégradée de la personne concernée.
Loin d'être virtuelle cette image est bien réelle et peut être source de préjudices.
En effet, l'image de marque négative ou les résultats négatifs dans les moteurs de recherche risquent d'entraîner des pertes de marché, de chiffre d'affaires, de candidatures ou de partenariats.
Or, comme l'a très justement formulé Woody Allen, on a rarement l'occasion de se faire deux fois une première impression.
Grâce à internet et aux Smartphones s'est créé un nouveau réflexe, celui de rechercher des informations sur tout et sur chacun.
Ainsi, n'importe qui peut connaître, de n'importe où et n'importe quand, ce qui se dit sur une personne, un professionnel, une marque, un établissement ou un produit en quelques clics.
L'E-réputation négative des professionnels, des entreprises, des marques et des personnes morales, provient essentiellement des avis, critiques, notes, commentaires mis en ligne par leurs clients, consommateurs ou de ceux publiés par leurs employés.
Par la suite, un véritable business sur la recherche de l'E-réputation des candidats à l'embauche est né.
L'E-réputation est devenue un sujet suffisamment sensible pour que les juges condamnent un recruteur de candidats à l'embauche pour ne pas avoir vérifié a priori l'E-réputation d'un candidat embauché par un de ses clients.
Par ailleurs, le 7 juillet 2011, la Cour d'appel de Montpellier a fixé des limites à la liberté d'expression des consommateurs quant aux avis ou commentaires diffusés sur internet en condamnant un client au titre de ses propos diffamatoires et dénigrants diffusés sur ses blogs (Cour d'appel de Montpellier 2èmechambre B Arrêt du 07 juillet 2011, ALC Villas, Alexandre A. / Jean-Luc G).
En l'espèce, un client avait créé des blogs pour relater ses mésaventures et difficultés rencontrées avec un professionnel de la construction immobilière.
Pour mémoire, l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit, en son 1er alinéa que :
«Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.»
Dans cette affaire, la Cour d'appel de Montpellier a jugé que :
« M. Jean-Luc G. fait donc la preuve de la vérité des faits qu'il rapporte dans chacun des extraits incriminés par les demandeurs, tenant à la fois aux déboires qu'il a connus à l'occasion de la construction de sa maison individuelle, à la carence du constructeur de celle-ci, tant dans sa prestation technique que dans l'exécution de son obligation légale d'assurance, et à la disparition soudaine de sa cocontractante que les anciens associés de celle-ci ont remplacé par une nouvelle société ayant le même objet.
Il est de même particulièrement excessif d'écrire que “c'est aussi simple que de faire un meurtre et d'avoir une nouvelle identité pour ne pas répondre de ses actes !!!”. En se livrant à de telles qualifications des faits précis, dont la dénonciation ne peut en soi être blâmée, M. Jean-Luc G. a manqué de prudence et de modération dans son discours qui, dans ce contexte, relève de propos diffamatoires.»
En conséquence, outre le paiement de dommages et intérêts, les juges ont notamment ordonné à M. Jean-Luc G. de cesser d'imputer aux demandeurs tout fait sous la qualification de vol ou escroquerie, ou de faire usage à leur encontre de tout dérivé de ces mots, ainsi que de cesser d'utiliser la photographie du pavillon témoin de la société ALC Villas et la dénomination de celle-ci dans les adresses de ses blogs.
En outre, le 21 novembre 2013, la Cour d'appel de Paris a sanctionné les propos d'un client jetant le discrédit sur une société sur internet par le dénigrement et non la diffamation étendant les limites à la liberté d'expression (CA Paris, Pôle 1 - Chambre 2, 21 novembre 2013, Numéro RG : 12/23396, affaire Aigle Azur).
L'action en dénigrement permet de faire sanctionner et indemniser les atteintes à la réputation d'une société sur internet, plus largement et facilement que ne le permet l'action en diffamation.
Aux termes de cet arrêt, les juges ont posé les principes selon lesquels :
- « la dénonciation faite à la clientèle d'une action n'ayant pas donné lieu à une décision de justice » est fautive.
- « les propos deviennent abusifs lorsqu'ils ne sont ni mesurés ni objectifs et témoignent d’une animosité personnelle de leurs auteurs ».
Les juges ont même été jusqu' à analyser le fait que :
« si la critique de prix élevés, seraient-ils qualifiés d’exorbitants, relève du droit de libre critique qui appartient à tout consommateur, ce droit dégénère en abus lorsque, comme en l’espèce, la cherté des prestations de l’entreprise ciblée est dénoncée, sous le titre Stop à la vaste opération d’enfumage et d’escroquerie organisée ! » ou les termes « l’anarque cessera », les vocables utilisés, à connotation pénale, procédant de toute évidence d’une intention malveillante, dépassant le droit d’information ».
Enfin, le 8 décembre 2014, le Tribunal de commerce de Paris a jugé, sur le fondement de l’article 1382 du code civil qui édicte que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, que le dénigrement peut se définir comme tout acte ou comportement de nature à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l’entreprise ou la personnalité de toute personne physique ou morale, même en absence de situation de concurrence, pour en tirer un profit et dès lors que la critique est inspirée par le désir de nuire à autrui (TC Paris, 8 décembre 2014, 15ème chambre, jugement du 8 décembre 2014, affaire DJ HAMS).
En l'espèce, une procédure d'identification de l'adresse IP a permis de remonter à l'auteur de ces faux avis négatifs.
En effet, la procédure de déconfidentialisation d'une adresse IP permet d'identifier rapidement (quelques jours) et efficacement (sauf quelques cas rares) le nom et l'adresse du titulaire de la ligne internet à l'origine de la diffusion lititigieuse sur internet.
Le tribunal a condamné le concurrent au paiement de dommages et intérêts sur le fondement du dénigrement commercial pour avoir diffusé publiquement sur le forum de discussion du site internet auféminin.com des avis négatifs et commentaires dénigrants envers un de ses concurrents, sous l'apparence de clients.
Bien que ces affaires puissent sembler des cas isolés, ces décisions se penchent sur des problématiques devenues de plus en plus courantes à cause d'internet où l'expression ne se fait plus par quelques initiés : écrivains, syndicalistes ou journalistes mais par tous.
Ces décisions ont ainsi le mérite de fixer les limites à la liberté d'expression afin que les consommateurs et les entreprises connaissent leurs droits et leurs devoirs en la matière.
Pour les consommateurs / auteurs d'avis en ligne, ces décisions permettront, le cas échéant, d'éviter des poursuites judiciaires inutiles.
Pour les entreprises, ces arrêts permettront de mieux savoir comment protéger leur image de marque sur internet ou leur E-réputation et le cas échéant de servir de fondement aux poursuites contre les auteurs des violations de droits.
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Anthony Bem
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