Pour mémoire, l’article L111-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle dispose que :
« L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »
Ainsi, toute création de l’esprit originale (livre, peinture, sculpture, photographie, site internet,…) est protégeable au titre du droit d’auteur.
Ce droit d’auteur permet notamment à son titulaire d’engager une action en justice et d’obtenir réparation pour atteintes à ses droits patrimoniaux et moraux en cas de contrefaçon, c’est-à-dire en cas d’exploitation de son œuvre par un tiers sans son autorisation.
Mais pour qu’une œuvre de l’esprit puisse bénéficier de la protection par le droit d’auteur, encore faut-il qu’elle présente un caractère d’originalité, c’est-à-dire qu’elle soit empreinte de la personnalité de son auteur.
A défaut, la protection par le droit d’auteur sera refusée, comme en témoigne l’arrêt du 13 mai 2014 par lequel la cour d’appel de Rennes a rejeté les revendications de propriété d’un salarié infographiste sur les sites internet qu’il avait créés pour les clients de son employeur, en raison de leur absence d’originalité. (Cour d’appel de Rennes, 13 mai 2014, « Naviciel / Maud R. »)
En l’espèce, une personne a été embauchée comme infographiste par une société, dont l’activité est la conception, le développement et la maintenance de sites internet.
Par la suite, le salarié a été licencié pour usage abusif des outils informatiques mis à sa disposition à des fins personnelles et durant son contrat de travail.
Le salarié a alors assigné en justice la société afin de se voir reconnaître la qualité d’auteur sur les œuvres qu’il a créées dans le cadre de son contrat de travail et voir condamner la société à lui payer une somme au titre de la cession de ses droits patrimoniaux sur lesdites œuvres ainsi qu’une somme à titre de dommages et intérêts.
Le tribunal de grande instance de Rennes a accueilli les demandes du salarié en condamnant la société à lui verser diverses sommes.
La cour d’appel de Rennes a infirmé ce jugement en jugeant que le travail réalisé par le salarié n’était pas susceptible d’être qualifié d’œuvre de l’esprit et de bénéficier de la protection des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
Pour ce faire, la cour d’appel a d’abord posé le principe selon lequel :
« Il est constant à cet égard qu’un site internet est susceptible de protection par le droit d’auteur si son créateur démontre que sa facture témoigne d’une physionomie caractéristique originale et d’un effort créatif témoignant de la personnalité de son auteur. »
Or, dans le cas présent, si les travaux du salarié témoignent d’une technicité graphique et d’un savoir-faire certains lui permettant de conserver une certaine autonomie dans le choix des éléments, des couleurs et des ambiances à mettre en valeur, cette autonomie était limitée par les instructions très précises que les clients donnaient au salarié quant aux tailles et emplacements des logos, images et caractères d’impression et au fait que certains graphismes étaient la reprise de graphismes réalisés antérieurement par des tiers.
En outre, selon la cour d’appel, la technicité fonctionnelle ne peut pas se confondre avec la créativité et l’originalité qu’implique la création d’une œuvre de l’esprit.
Les juges ont donc estimé que le salarié n’apportait pas la preuve que les pages graphiques des sites internet dont il a eu la charge dans le cadre de son contrat de travail étaient des œuvres de l’esprit et pouvaient à ce titre être protégées par les dispositions du code de la propriété intellectuelle.
Par conséquent, en raison de l’absence d’originalité du site internet, le salarié a été débouté de ses demandes.
En plus d’avoir été débouté de ses demandes, le salarié a été condamné à payer à la société des dommages et intérêts, pour avoir exercé en son nom personnel une activité commerciale concurrente à celle de la société et émis sur son compte Twitter des propos injurieux contre la société.
Il résulte donc de l’arrêt commenté que pour pouvoir se prévaloir de la protection par le droit d’auteur sur un site internet, il suffit de démontrer que le site présente un caractère d’originalité.
A titre d’exemple, la cour d’appel de Versailles a condamné une société pour contrefaçon pour avoir reproduit la combinaison originale des éléments composant le site internet d’une autre société, au motif que :
« le choix de combiner ensemble ces différents éléments selon une certaine présentation procède d’une recherche esthétique, nullement imposée par un impératif fonctionnel, qui confère au site une physionomie particulière le distinguant d’autres sites relevant du même secteur d’activité et révèle un effort créatif qui caractérise l’originalité de ce site éligible à la protection par le droit d’auteur instituée au Livre I du code de la propriété intellectuelle » (Cour d’appel de Versailles, 2 juillet 2013, « Vente-Privée.com / Club Privé »)
Pour conclure, il convient donc de garder en mémoire que le créateur d’un site internet présentant un caractère d’originalité suffisant pourra engager une action en justice en cas d’atteintes à ses droits d’auteur en vue de faire cesser l’éventuelle contrefaçon et d’obtenir des dommages et intérêts.
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Anthony Bem
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