Dans l'espèce jugée par la Cour d’appel de Bastia, le 20 mars 2013, Monsieur B a acquis le nom de domaine ’mariagesencorse.com’, puis a déposé à l’Inpi la marque ’MariagesenCorse.com’.
Mais entre temps Madame M a acquis le nom de domaine ’mariageencorse’, puis a déposé à l’INPI la marque ’mariage en corse’ et exploite le site ’www.mariagesencorse.com (avec un « S »).
Arguant d’une atteinte préjudiciable à leur nom de domaine, Monsieur B et sa société ont assigné Madame M devant le tribunal de commerce d’Ajaccio, en vue d’obtenir, notamment, l’interdiction sous astreinte d’utiliser le nom de domaine ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.
Le tribunal a jugé qu’en faisant déposer le nom de domaine ’mariageencorse.com’ et en exploitant ou bénéficiant du site www.mariageencorse.com Madame M a commis des actes de parasitisme commercial et de concurrence déloyale.
Par conséquent, il a été fait interdiction à Madame M d’utiliser le nom de domaine ’mariageencorse.com’ et le site www.mariageencorse.com, de procéder à ses frais aux formalités de transfert du nom de domaine au profit de la société de Monsieur B et de payer à la société des dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et financier et du préjudice moral, liés à l’usurpation de son nom de domaine.
Madame M a interjeté appel de cette décision en soutenant qu’aucune faute ne peut être retenue à son encontre.
La cour d'appel a annulé le jugement de première instance estimant qu'aucune confusion n’a été créée dans l’esprit du public car les clientèles et la présentation des deux sites étant différentes :
« Il est constant qu’en vertu du principe de la libre concurrence, seul le titulaire d’un nom de domaine distinctif peut en rechercher la protection sur le fondement de l’article 1382 du code civil au titre de la concurrence déloyale, l’enregistrement d’un nom de domaine auprès d’une autorité de nommage ne lui conférant aucun droit privatif ni le bénéfice d’aucun statut juridique propre. En effet, une entreprise ne peut par le biais de son nom de domaine se voir conférer ’un droit quasi exclusif’ d’exercer une activité, même sur un territoire délimité »
Par ailleurs, les juges d’appel ont considéré que le le nom de domaine ’www.mariagesencorse.com’ est une juxtaposition d’un mot usuel et d’une provenance ou d’un lieu géographique, qui évoque l’objet et le lieu de l’activité de son titulaire sur internet.
Par conséquent, même en cas de confusion dans l’esprit des internautes, le nom de domaine générique et descriptif de l’activité du site n’est pas protégé, sauf à prouver une notoriété particulière, une captation de clientèle ou un parasitisme des investissements réalisés.
Ainsi, la protection d'un nom de domaine au titre de la concurrence déloyale dépend de son caractère distinctif.
Dans l’affaire jugée le 24 mai 2013, le Tribunal de commerce de Paris a posé le principe selon lequel les titulaires d’un nom de domaine dont les termes consistent en la désignation nécessaire de leur activité « ne [pouvaient] revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaître un monopole d’utilisation d’un terme descriptif ».
En l’espèce, une société de pompes funèbres qui exploitait un site internet dont le nom de domaine est « e-obsèques.fr » a agit en concurrence déloyale contre le titulaire du site internet exploité par le service municipal de la ville de Paris dont le nom de domaine est « i-obseque.fr ».
Cependant, les juges consulaires parisiens ont posé la condition pour que l’exploitant d’un nom de domaine puisse agir contre son concurrent sur le fondement du parasitisme : l’usage d’un nom de domaine comportant des termes distinctifs et non pas des termes génériques ou descriptifs des produits ou services qu’ils désignent.
Les termes génériques ou descriptifs sont ceux décrivent une chose ou un concept.
Toutefois, à titre d'exemple, il existe aussi des noms qui peuvent être génériques mais distinctifs dans leurs usages tels « Orange» qui ne vend pas des oranges ou « Apple » qui ne commercialise pas de jus de pommes mais dont le choix peut être commercialement intéressant.
Le tribunal de commerce de Paris a ainsi jugé que :
« l’adresse internet choisie par la société Le Passage pour exercer son activité est la juxtaposition du mot obsèques et de la lettre « e- » ;
Attendu que dans l’environnement internet, la lettre « e- » évoque le « e-commerce », terme désignant le commerce électronique ;
Attendu que l’adresse « e-obsèques.fr » signifie « commerce électronique d’obsèques », ce qui est l’exacte activité du site internet exploité par la société Le Passage ;
Attendu qu’en choisissant des termes intégralement descriptifs, Monsieur D. Christophe et la société Le Passage s’exposaient à retrouver les mêmes termes dans des sites concurrents sur leur activité et notamment dans les réponses dans les moteurs de recherches qui prennent en compte la requête « obsèques » pour délivrer leurs réponses ;
Attendu que compte tenu de leur choix, qui leur a évité les investissements indispensables pour donner une notoriété propre à une adresse internet non descriptive, Monsieur D. Christophe et la société Le Passage ne peuvent revendiquer une protection qui aboutirait à leur reconnaitre un monopole d’utilisation d’un terme descriptif ».
Le choix de termes distinctifs pour l’enregistrement de nom de domaine d’un site internet est donc primordial pour sa protection notamment en cas de concurrence déloyale ou d’actes de parasitisme de la part de tiers ou de concurrents.
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Anthony Bem
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