En l'espèce, un individu avait été cité par le parquet devant le tribunal correctionnel pour avoir diffusé, sur un site Internet, des propos mettant en cause les « intellectuels et les décideurs juifs », faits qui relèvent des dispositions de l'article 24, alinéa 6, de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
En effet, cet article prévoit et réprime la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Les associations de la Ligue pour la défense des droits de l'homme (LDH) et de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) étaient intervenues dans la procédure en se constituant partie civile dans cette procédure sur le fondement de l'article 48-1 de la loi de 1881 qui permet à « toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendants, combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse » d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions de presse.
Le prévenu a cru devoir contester la recevabilité des constitutions de partie civile de ces associations et former un pourvoi sur ce point devant la cour de cassation.
La chambre criminelle de la cour de cassation a rejeté le recours formé par le prévenu en jugeant qu'« aucune disposition ne fait obstacle à l'intervention d'une association habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 et qui entend se constituer partie civile dans une procédure engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par ce texte ».
Ce principe vient modifier le principe jurisprudentiel antérieur selon lequel la constitution de partie civile ne peut se faire que par voie d'action et non d'intervention, autrement dit les associations devaient nécessairement se trouver à l'origine des poursuites pour pouvoir se constituer partie civile et elles ne pouvaient se greffer sur les poursuites du parquet (Cass. Crim., 10 mai 2006, Bull. crim. no 125 ; Cass. Crim., 12 novembre 2008, n°08-81.269).
Conséquemment à cet arrêt, les associations pourront intervenir beaucoup plus souvent dans les procédures pénales initiées par le parquet sur le fondement de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.
Ainsi, il convient de rappeler quelques fondements juridiques susceptibles de donner lieu à une constitution de partie civile d'une association au cours d'un procès correctionnel :
- L'article 24, alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 :
« Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal. »
- L'article 24, alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 :
« Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 45 000 € ou de l'une de ces deux peines seulement. »
- L'article 32, alinéas 1 et 2 de la loi du 29 juillet 1881 :
« La diffamation commise envers les particuliers par l'un des moyens énoncés en l'article 23 sera punie d'une amende de 12000 euros.
La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement. »
- L'article 33, alinéas 1 et 2 de la loi du 29 juillet 1881 :
« L'injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12 000 euros.
L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12 000 euros.
Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
Au travers de cette décision et avec l'Internet, les associations notamment à vocation religieuse auront de plus en plus d'occasion d'intervenir dans le cadre des procédures correctionnelles afin de se constituer partie civile.
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Anthony Bem
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