Le 13 octobre 2010, la cour d’appel de Paris a confirmé le statut d’hébergeur de la société Dailymotion tout en jugeant que la mise en place de mesures de filtrage n’est pas exclusive de la qualité d’hébergeur au sens de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004.
En l’espèce, Roland Magdane et ses co-ayants droits ont assigné en contrefaçon de leur droit d’auteur le site de partage de vidéos Dailymotion du fait de la mise en ligne non autorisée de plusieurs de vidéos de sketches sur ce site.
Dans ce contexte, la Cour d’appel de Paris a jugé de manière particulièrement motivée :
« Que l’opérateur prend des mesures de mise en garde et d’alerte visant précisément à prévenir les atteintes aux droits d’auteur d’abord, en soumettant l’inscription au service à l’adhésion par l’utilisateur aux Conditions d’Utilisation qui affichent notamment sous le titre "Votre responsabilité d’utilisateur les mentions suivantes Vous êtes tenu au respect des dispositions légales et réglementaires en vigueur. Il vous appartient en conséquence de vous assurer que le stockage et la diffusion via le site ne constitue pas une violation des droits de propriété intellectuelle de tiers (notamment, clips, émissions de télévision, courts, moyens et/ou longs métrages, animés ou non, publicités que vous n’avez pas réalisés personnellement ou pour lesquels vous ne disposez pas des autorisations nécessaires des tiers titulaires de droits sur ceux-ci", ensuite en soumettant pareillement chaque mise en ligne à l’acceptation préalable par l’utilisateur des Conditions d’Utilisation expressément rappelées dans les termes suivants "Il est de votre responsabilité exclusive de vous assurer que votre contenu est conforme aux Conditions d’Utilisation et notamment (...) ne constitue ni une violation des lois et réglementations, ni une violation des droits des tiers (...) Liste non exhaustive :(...) - Respecter les droits d’auteur)", en facilitant enfin le signalement des contenus contrefaisants par l’insertion dans chaque page de visionnage du lien Signaler cette vidéo dont la mise en œuvre donne accès à un court formulaire dans lequel tout titulaire de droits privatifs peut s’identifier et exposer ses griefs,
Qu’il intègre depuis 2007 les technologies développées respectivement par les banques de données de la société Audible Magic et de l’Institut National de l’Audiovisuel qui reposent sur une reconnaissance d’empreintes numériques et permettent la détection, entraînant le rejet automatique avant la mise en ligne, de tout contenu préalablement signé dans les banques précitées,
Qu’il initie par ailleurs un programme de partenariats avec les utilisateurs qu’ils soient non-professionnels ou professionnels (sociétés de production, sociétés de télédiffusion) destinés à promouvoir les créations originales des premiers et à favoriser l’exploitation des catalogues des seconds dans le cadre desquels, il bénéficie de droits de cession ou de licence sur les contenus concernés et admet expressément agir en qualité d’éditeur dès lors qu’il a tout pouvoir de décision quant à la mise en ligne de ces contenus ;
… l’exploitation du site par la commercialisation d’espaces publicitaires, dès lors qu’elle n’induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne, n’est pas de nature à justifier de la qualification d’éditeur du service en cause ;
… le service n’est pas en mesure d’opérer sur les contenus mis en ligne un quelconque ciblage publicitaire de manière à tirer un profit d’un contenu donné et à procéder par là-même à une sélection de ces contenus qui serait commandée par des impératifs commerciaux ;
Qu’en vertu de ce même critère, sont pareillement dénuées de pertinence les objections des appelants selon lesquelles la société intimée ferait œuvre d’éditeur en dotant le site d’une architecture au moyen de laquelle elle s’approprierait les contenus mis en ligne en les soumettant à des opérations de réencodage et de formatage ;
Qu’il doit être à cet égard observé que le réencodage de nature à assurer la compatibilité de la vidéo à l’interface de visualisation, de même que le formatage destiné à optimiser la capacité d’intégration du serveur en imposant une limite à la taille des fichiers postés sont des opérations techniques qui participent de l’essence du prestataire d’hébergement et qui n’induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne, que par ailleurs, la mise en place de cadres de présentation et la mise à disposition d’outils de classification des contenus sont justifiées par la seule nécessité, encore en cohérence avec la fonction de prestataire technique, de rationaliser l’organisation du service et d’en faciliter l’accès à l’utilisateur sans pour autant lui commander un quelconque choix quant au contenu qu’il entend mettre en ligne ;
… c’est à raison que la société Daily Motion entend bénéficier en la cause du statut d’intermédiaire technique au sens de l’article 6-I-2 de la LCEN »
Ainsi, la Cour d’appel de Paris a confirmé la qualité d’hébergeur de la société Dailymotion au sens de l’article 6-I-2 de la LCEN :
- la plateforme de partage n’a pas de capacité de contrôle sur les contenus mis en ligne ;
- l’exploitation commerciale du site par la vente d’espaces publicitaires n’exclut pas, en elle même, la qualification d’hébergeur ;
- l’aménagement de l’architecture du site n’emporte aucune conséquence sur cette qualification
(déjà jugé : CA Paris, 4e ch, sect. A, 6 mai 2009, Dailymotion c/ Nord Ouest Production et autres ; CA Paris, 14e ch., sect. A, 12 décembre 2007, Google Inc. et Google France c/ Benetton Group et Bencom ; TGI Paris, 3e ch., 1ère sect., 15 avril 2008, Jean-Yves Lafesse et a. c/ Dailymotion ; CA Paris, Pôle 5, 1e ch., 14 avril 2010, Omar S., Fred T., Sté Korokoro et Sté Cocojet et autres c/ Dailymotion).
Cependant, pour la première fois, la Cour d’appel de Paris a pris en compte le fait que l’utilisation d’un système de filtrage des contenus, qui repose sur une reconnaissance d’empreintes numériques permettant la détection de tout contenu préalablement signé dans les banques de données d’Audible Magic ainsi que leur rejet automatique avant la mise en ligne et visant à prévenir les atteintes aux droits d’auteur, permet de tempérer l’affirmation selon laquelle la société Dailymotion aurait bâti son succès commercial sur « le piratage massif de contenus protégés », sans pour autant justifier que cette société soit qualifiée d'éditeur du contenu au sens des dispositions de l'article 6-1 de la LCEN.
Enfin, il convient de souligner que, de manière exceptionnelle, Roland Magdane et ses co-ayants droits ont été condamnés à payer à la société Dailymotion une somme de 20.000 euros, au titre des frais de procédure.
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Anthony Bem
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