Quand le rejet de l'exonération d'une contravention routière viole le droit d'accès à un tribunal

Publié le Modifié le 09/04/2012 Vu 9 254 fois 0
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Par deux arrêts du 8 mars 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé que l’impossibilité de contester le rejet d’une demande d’exonération de contravention routière porte atteinte au droit d’accès à un tribunal (CEDH, 8 mars 2012, requête n° 12039/08, Cadène c/ France et CEDH, 8 mars 2012, requête no 14166/09, Célice c/ France)

Par deux arrêts du 8 mars 2012, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a jugé que l’impossibilit

Quand le rejet de l'exonération d'une contravention routière viole le droit d'accès à un tribunal

A l’origine des deux affaires se trouve une requête dirigée contre la République française par deux ressortissants français devant la CEDH au titre de la violation de leur droit d’accès à un tribunal.

En l’espèce, la voiture des requérants fut flashée au de-là de la vitesse limite.

Les requérants reçurent un avis de contravention au code de la route les invitant à s’acquitter d’une amende forfaitaire de 68 euros.

L’avis précisait qu’en cas de payement dans les quinze jours, le montant serait ramené à 45 euros et qu’en cas de défaut de payement dans les quarante-cinq jours, il serait majoré et porté à 180 euros.

Il était accompagné d’un « formulaire de requête en exonération (article 529-10 et R. 49-14 du code de procédure pénale) ».

Ce formulaire envisage trois situations :

1o le vol ou la destruction du véhicule ;

2o le prêt, la location ou la cession du véhicule ;

3o « autre motif ou absence des justificatifs ou des documents demandés ».

Il indique que, dans la troisième hypothèse, le formulaire doit être accompagné d’un exposé sur papier libre des raisons de la contestation ou de l’absence des renseignements ou documents requis, et envoyé dans les quarante-cinq jours suivant la date d’envoi de l’avis de contravention, et que le montant de l’amende forfaitaire doit être réglé à titre de consignation.

Il précise que cette consignation n’est pas assimilable au paiement de l’amende forfaitaire et n’entraîne pas de retrait de points du permis de conduire.

Le formulaire contient au verso des « informations complémentaires » suivantes :

- la requête en exonération est transmise à l’officier du ministère public qui vérifie si les conditions de recevabilité sont remplies ;

- si ce n’est pas le cas, le requérant reçoit un avis d’amende forfaitaire majorée ;

- si c’est le cas, l’officier du ministère public examine son bien-fondé et décide, soit de classer la contravention sans suite, soit de poursuivre l’intéressé devant la juridiction de proximité.

Les requérants ont envoyé à l’officier du ministère public une lettre par laquelle ils sollicitaient l’obtention du cliché photographique permettant de constater l’infraction.

L’officier du ministère public leur répondit qu’il avait décidé de ne pas donner suite à cette demande.

Dans le délai imparti et les formes requises, les requérants ont envoyé le formulaire de requête en exonération, sur lequel ils avaient coché la case correspondant à la troisième situation (« autre motif ou absence des justificatifs ou des documents demandés »).

Le formulaire était dûment accompagné de l’avis de contravention, d’un document établissant que le requérant avait réglé la consignation et d’une lettre :

« (...) En l’absence de tout élément de fait susceptible d’établir l’infraction qui lui est reprochée, le mis en cause ne peut se déterminer sur la reconnaissance ou la contestation de l’infraction. Il y a là une atteinte caractérisée aux droits de la défense, incompatible avec la présomption d’innocence, dont la Cour européenne des Droits de l’Homme est le garant. Je conteste fermement l’infraction qui m’est imputée ».

L’officier du ministère public informa les requérants de sa décision de rejeter leurs requêtes en exonération.

Les lettres précisaient des motifs de rejets suivants : « requête ou réclamation non motivée » et « Demande de cliché sans contestation explicite de l’infraction ».

Les requérants se sont donc plaints d’une violation de leur droit d’accès à un « tribunal » en vertu des articles 6 § 1 et 13 de la Convention, aux termes desquels :

Article 6 § 1 :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Article 13 :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

La Cour a constaté que :

- les requérant ont déposé une requête en exonération.

- ils ont à cette fin adressé à l’officier du ministère public, dans les formes et délai prescrits, le formulaire intitulé « formulaire de requête en exonération (art. 529-10 et R. 49-14 du code de procédure pénale) » joint à l’avis de contravention.

- ils ont par ailleurs indiqué sur ce formulaire qu’ils se trouvaient dans la troisième des situations envisagées – précisant de la sorte qu’ils sollicitaident l’exonération pour « autre motif ou absence des justificatifs ou des documents demandés ».

- ils ont joint un exposé sur papier libre indiquant les raisons de la contestation et de l’absence de justificatifs.

- ils ont justifié du règlement du montant de l’amende forfaitaire à titre de consignation.

L’officier du ministère public a trois possibilités :

- soit renoncer à l’exercice des poursuites,

- soit saisir la juridiction compétente,

- soit, lorsque la requête n’est pas motivée ou n’est pas accompagnée de l’avis, aviser l’intéressé de son irrecevabilité.

En l’espèce, il a considéré que les requêtes était irrecevable au motif qu’il s’agissait d’une « requête ou réclamation non motivée ».

Les décisions d’irrecevabilité de l’officier du ministère public ont entraîné l’encaissement de la consignation équivalant au paiement de l’amende forfaitaire.

Ainsi, nonobstant les contestations des requérants, l’amende était payée et l’action publique était éteinte, sans qu’un « tribunal », au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ait examiné le fondement de l’« accusation » dirigée contre eux et entendu leurs arguments y relatifs.

De plus, il résulte de ce qui précède que ces motifs sont erronés, les requérants ayant clairement indiqué dans le formulaire prévu à cet effet contester l’infraction qui leur était reprochée, et précisé leurs motifs dans la lettre accompagnant comme il se doit leur requête en exonération.

Dans ce contexte, la Cour en déduit que le droit d’accès à un tribunal des requérants s’est trouvé atteint dans sa substance même.

La France devra donc s'assurer du respect du droit d’accès à un tribunal en cas de contestation d'infractions routières.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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