Plusieurs hypothèses doivent être distinguées s'agissant de la valeur des donations à prendre en compte au moment du règlement de la succession de leur auteur, le donateur.
1ère hypothèse : Donation simple d’une somme d’argent :
Si une donation simple d'une somme d'argent a été faite par un parent à un enfant quelle la valeur de la donation de cette somme d’argent à prendre en compte ? Celle au jour du décès ou au jour de la donation ?
En principe, les donations sont dit rapportables en ce que leurs bénéficiaires doivent rapporter leur montant à l'actif de la succession.
L’article 860-1 du code civil dispose que :
« Le rapport d'une somme d'argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l'article 860. »
Ainsi, il s'agit de rapporter la même somme dans le cadre de la succession.
2ème hypothèse : Donation-partage :
Quid de la valeur de la donation ?
Si le défunt a donné à chacun de ses enfants une même valeur en biens immobiliers, comment déterminer la valeur de la donation si chaque bien a finalement évolué au jour de la liquidation de la succession ?
En matière de donation-partage, l’article 1078 du code civil dispose que :
« Nonobstant les règles applicables aux donations entre vifs, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve, à condition que tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l'ascendant aient reçu un lot dans le partage anticipé et l'aient expressément accepté, et qu'il n'ait pas été prévu de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent. »
En l'absence de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent, la valeur des biens s’appréciera au moment de la donation-partage.
Cette évaluation au jour de l'acte présente l'avantage de stabiliser la donation-partage.
Si celle-ci a été réalisée de manière égalitaire, elle le restera dans les opérations de liquidation de la réserve héréditaire puisque les plus ou moins-values advenues aux biens immobiliers après leur distribution n'y seront pas prises en compte.
Toutefois, une contestation est toujours possible par le biais de l’action en réduction.
En effet, l’article 1077-2 du Code civil prévoit que les donation-partage suivent les règles des donations entre vifs pour ce qui concerne l’imputation, le calcul de la réserve et la réduction.
L’article 721 du Code civil dispose que :
« Les successions sont dévolues selon la loi lorsque le défunt n'a pas disposé de ses biens par des libéralités.
Elles peuvent être dévolues par les libéralités du défunt dans la mesure compatible avec la réserve héréditaire. »
De plus, l’article 913 du Code civil prévoit que :
« Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre.
(…) »
Enfin, l’article 1077-1 prévoit que :
« L'héritier réservataire, qui n'a pas concouru à la donation-partage, ou qui a reçu un lot inférieur à sa part de réserve, peut exercer l'action en réduction, s'il n'existe pas à l'ouverture de la succession des biens non compris dans le partage et suffisants pour composer ou compléter sa réserve, compte tenu des libéralités dont il a pu bénéficier. »
Par exemple, si au jour du décès du donateur, 3 enfants sont présents et ont accepté chacun le lot qui leur a été attribué par la donation-partage.
La personne décédée a donc pu disposer de ¼ de ses biens, les ¾ restants composant la réserve héréditaire pour chaque héritier.
Deux hypothèses :
- le donateur a disposé d’au maximum ¼ de ses biens : dans ce cas, il n’y aura pas lieu à réduction car chaque héritier a pu disposer de sa réserve héréditaire ;
- le donateur a disposé de plus de ¼ de ses biens : dans ce cas, il y aura réduction car il y a une atteinte à la réserve héréditaire prévue par la loi ; l’héritier lésé pourra intenter une action en réduction de la donation-partage.
Dans le cadre de la succession, la valeur de reçue par chacun des enfants ne sera réduite que si le donateur a disposé de plus de ¼ de ses biens et qu’il ne reste pas à son décès de bien permettant à l’héritier lésé de réunir le ¼ des biens qui lui appartiennent.
3ème hypothèse : Donation simple hors part successorale :
Si le bien immobilier donné au titre de la donation simple hors part successorale génère des loyers, doit-il y avoir réintégration des loyers ou simplement de la valeur du bien ?
L’article 844 du Code civile dispose que :
« Les dons faits hors part successorale ne peuvent être retenus ni les legs réclamés par l'héritier venant à partage que jusqu'à concurrence de la quotité disponible : l'excédent est sujet à réduction. »
Enfin, la jurisprudence est constante en ce qu’elle prévoit que :
« qu'en cas de donation en nue-propriété avec, comme en l'espèce, réserve d'usufruit au profit du donateur, la valeur à prendre en compte est celle de la pleine propriété du bien » (Cass. Civ. I, 28 septembre 2011, n°10-20.354 ; Cass. Civ I, 5 février 1975)
Par ailleurs, l’article 856 du Code civil dispose que :
« Les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de l'ouverture de la succession.
Les intérêts ne sont dus qu'à compter du jour où le montant du rapport est déterminé. »
Toutefois, la jurisprudence précise que :
« L'obligation imposée par l'art. 856 de tenir compte à la succession, à compter du jour du décès, des fruits et des intérêts des choses sujettes à rapport suppose que le bien donné soit, au jour de la donation, dans un état lui permettant de produire un revenu; dès lors que les biens donnés ne pouvaient être loués en l'état lorsqu'ils ont été donnés, il n'y a pas lieu à rapport des fruits qui n'ont été produits que par suite de l'activité du donataire » (Cass, 1re civ. 14 mars 2006 pourvoi n° 03-21.046)
Ainsi, s'il est stipulé que la donation de l’appartement à un des enfants est faite hors part successorale.
La valeur de l’immeuble et des revenus qu’il a pu produire s’imputeront donc sur la quotité disponible.
Il est utile de préciser que les revenus perçus par le donataire du bien sont des donations indirectes qui devront être rapportées à la succession en cas de dépassement de la quotité disponible.
Deux hypothèses :
- si le donateur a disposé d’au maximum ¼ de ses biens, le bien (et les fruits) donné à l’un des enfants ne sera pas pris en compte car il n’y a pas lieu à réduction
- si le donateur a disposé de plus de ¼ de ses biens, il faudra procéder à la réduction des donations qui excèdent la quotité disponible, et le bien (et les fruits) sera pris en compte à ce titre.
Toutefois, il n’y aura pas lieux à réduction si le donataire a procédé à des améliorations de l’immeuble permettant ainsi la mise en location.
Enfin, que la donation soit en nue-propriété ou en pleine-propriété, la valeur du bien à prendre en compte pour le calcul du montant de la donation sera celle de l’immeuble en pleine-propriété.
Si la donation est faite en usufruit, seuls les revenus pourront être comptabilisés pour le calcul du montant de la donation.
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Anthony Bem
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