Puisque le recel successoral n’est pas défini par le Code civil, la jurisprudence, au gré de ses décisions, a pu donner une définition générique de cette faute de nature civile.
Ce dernier est donc constitué par un détournement des biens, des actifs ou des droits d’une succession par un héritier au détriment de ses cohéritiers.
Il suppose concrètement la présence d’un acte matériel de recel et d’une intention de recel c’est à dire d’une intention frauduleuse de fausser les opérations de partage au détriment des autres héritiers.
Dans le cadre de la présente affaire, les juges du fond n’avaient pas recherché si les éléments constitutifs du recel successoral étaient réunis pour l’écarter, ce qui a entraîné la censure de la Cour de cassation (Cass, civ, 1ère, 4 juin 2009, n° 08-15093).
En l’espèce, après son décès, un testateur a laissé plusieurs héritiers dont sa seconde épouse et les deux enfants issus de leur mariage ainsi qu’un enfant issu d’un premier lit.
Ce dernier a contesté la validité du testament de son père qui instituait sa seconde épouse en tant que légataire de la quotité disponible la plus étendue.
La loi prévoit en effet que certains héritiers comme les descendants ou le conjoint doivent obligatoirement recevoir une part des biens d’un défunt.
On parle de « réserve héréditaire ».
Par ailleurs, avant son décès, une personne peut disposer librement en faveur du bénéficiaire de son choix (associations, membres de la famille, amis..) d’une part de son patrimoine : « la quotité disponible ».
L’enfant issu du premier lit a donc assigné ses cohéritiers en justice arguant du fait que son père avait consenti des donations déguisées dans le cadre de l’acquisition de divers biens immobiliers au profit de sa seconde épouse et de leurs deux enfants.
Elle souhaitait également que les primes de contrats d’assurance vie souscrits par le défunt au profit de sa seconde épouse soient rapportées à la succession en raison, notamment, du caractère manifestement exagéré desdites sommes et qu’il soit fait application de la sanction du recel successoral, à savoir la privation de la totalité des droits sur les biens ou valeurs objets du recel.
La Cour d’appel a dans un premier temps débouté de ses demandes l’enfant issu du premier lit car « le recel ne peut être commis que par les héritiers et non par le de cujus et les indemnités résultant des contrats d'assurance-vie n'entrent pas dans la masse successorale ».
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision rendue par la Cour d’appel en jugeant que :
« la dissimulation volontaire par l'héritier gratifié des libéralités qui lui ont été consenties est constitutive d'un recel ».
Il résulte de cette décision que les juges sont tenus de rechercher si les éléments constitutifs du recel sont caractérisés.
Ils doivent ainsi vérifier s'il y a eu ou non détournement des actifs d'une succession par un héritier au détriment de ses cohéritiers, avant la réalisation du partage, comme la soustraction ou la dissimulation de biens dépendants de la succession tels les retraits de sommes d’un compte bancaire ou les donations consenties.
Dans la présente affaire, les juges d’appel s’étaient contentés d’accueillir l’argumentaire des défendeurs sans rechercher si cette dissimulation volontaire était constitutive ou non d’un recel successoral.
En statuant ainsi, les juges de cassation réaffirment le principe selon lequel il n’est pas nécessaire, pour que le recel existe et produise ses effets, qu’il ait eu pour auteur principal l’héritier contre lequel ces effets vont se produire.
En effet, il suffit que l’héritier en ait été le complice.
Même si le plus souvent, l’héritier est l’auteur principal de la fraude, il arrive aussi que le défunt soit le seul coupable et que l’héritier n’en soit que le complice.
En l’espèce, le défunt avait consenti des donations déguisées à son épouse ainsi qu’à leurs deux enfants pour que ces derniers puissent acquérir des biens immobiliers.
Si le défunt est le seul auteur de la fraude, il résulte des faits que les héritiers ont dissimulé de manière volontaire au moment du partage la gratification des libéralités qui leur avaient été consenties, de sorte que cette dissimulation volontaire par les héritiers était bien constitutive d’un recel successoral.
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Anthony Bem
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