Le référencement internet constitutif de contrefaçon ou de concurrence déloyale

Publié le Modifié le 02/05/2012 Vu 4 586 fois 0
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Le 22 mars 2012, la Cour d'appel de Lyon a posé les conditions pour que le fait de réserver un mot-clef de référencement payant sur internet via le service publicitaire AdWords de Google puisse constituer une contrefaçon de marque ou fonder une action en concurrence déloyale (CA Lyon, 1ère chambre civile A, 22 mars 2012).

Le 22 mars 2012, la Cour d'appel de Lyon a posé les conditions pour que le fait de réserver un mot-clef de r

Le référencement internet constitutif de contrefaçon ou de concurrence déloyale

En l'espèce, Monsieur D.-V., titulaire d'une marque française “Rentabiliweb”, et la société SVI Gestion, licenciée de cette marque, devenue par la suite la société Rentabiliweb Europe, ont agi

- en contrefaçon et concurrence déloyale à l'encontre de Messieurs B. et P. et de la société Clic-Event en leur reprochant d'avoir réservé un mot-clef de référencement payant sur internet conduisant, à partir d'une requête constituée par ce mot, à la proposition d'orientation vers le site commercial tel4money qu'ils exploitent,

- contre la société Google France pour avoir admis ce référencement. Ainsi, la société Google France a été poursuivie à raison de son activité de référencement payant sur internet dans le cadre de son service AdWords.

Le jugement de première instance a mis hors de cause Messieurs B. et P. mais a condamné in solidum les sociétés Clic-Event et Google France au paiement d'une somme de 10 000 € à chacun des plaignants à titre de dommages-intérêts et prononcé diverses mesures d'interdiction et de publication.

Pour les premiers juges, « la juxtaposition sur une même page d'écran de la marque Rentabiliweb et, sous l'intitulé liens commerciaux, du site tel4money proposant les mêmes services constitue une contrefaçon par reproduction ».

La société Google France a interjeté appel du jugement.

En effet, depuis le début de cette action judiciaire, il est de jurisprudence constante qu’il ne peut être fait grief à la société Google de suggérer d'établir des liens avec les marques des concurrents de sorte qu’il ne peut plus lui être reprocher d’avoir fait usage d’un signe distinc

Nous envisagerons ci-après les conditions de la sanction de :

- la contrefaçon de marque par l’usage du système de référencement internet payant via Google Adwords (I) ;

- la concurrence déloyale par l’usage du système de référencement internet payant via Google Adwords (II). 

I – Conditions de la sanction de la contrefaçon de marque par l’usage du système de référencement internet payant via Google Adwords

Compte tenu de la clarté du syllogisme juridique de cette décision et des termes employés, celui-ci sera repris in extenso ci-après :

Les juges d’appel ont relevé que :

« le signe sélectionné en l'espèce en tant que mot-clé dans le cadre de ce service de référencement sur internet était le moyen de déclencher l'affichage de cette annonce commerciale.

Ce signe faisait donc l'objet, par l'annonceur, d'un usage dans la vie des affaires, dont il n'est pas contesté qu'il était destiné à promouvoir des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.

Mais, même dans cette hypothèse de double identité, le titulaire de la marque ne saurait s'opposer à l'usage d'un signe identique à sa marque, en tant que mot-clé, que dans le cas où sont réunies toutes les conditions prévues à l'article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 89/104 et à l'article L. 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle, qui en constitue la transposition.

Il y a lieu, en conséquence, d'examiner si cet usage était susceptible en l'espèce de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque ”Rentabiliweb”.

Quant à l'atteinte à la fonction d'origine, les demandeurs à l'action soutiennent que rien dans l'annonce ne permettait à l'internaute ayant formulé une requête sur le mot rentabiliweb de savoir que, parmi les résultats de sa recherche, l'annonce proposant un lien vers tel4money.com ne provenait pas du titulaire de la marque ou d'une entreprise qui lui était économiquement liée.

Il ressort cependant des constatations produites que ce lien n'apparaît pas dans “les résultats de la recherche”, alignés sur la partie gauche de l'écran, mais dans une rubrique spécifique placée sur le côté droit et intitulée "liens commerciaux”.

Les plaignants y voient précisément malice et ambiguïté et se réfèrent à une enquête datée de l'année 2005, concluant que quatre Américains sur cinq ne font pas la différence entre ces liens et les résultats naturels.

Sans contester sa pertinence, l'étude menée en ce sens par Pew Internet & American life est le seul document produit en ce sens et ne peut être tenue pour établissant cette circonstance de manière absolument probante.

Mais, même en admettant que la différence entre les deux types de réponse ne soit pas suffisante, notamment à l'époque des faits considérés, il n'en résulte pas, en soi que l'internaute moyennement attentif de cette époque serait spontanément porté à considérer que le site tel4money.com est par nature le site rentabiliweb, d'autant que le site authentique figure, selon la capture d'écran, aux deux premières places des résultats, sous le nom exact de Rentabiliweb, en lettres majuscules.

Il s'en déduit que l'internaute qui a précisément adressé sa requête en formant ce mot ne risque pas de confondre les deux liens.

A supposer encore le contraire, un nom de domaine ne peut contrefaire une marque, par reproduction ou imitation, que si les produits et services offerts sur ce site sont soit identiques, soit similaires à ceux visés dans l'enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l'esprit du public.

Or, s'il n'est pas contesté que les services sont ici identiques, il n'est pas même prétendu que la présentation qu'en faisait le site incriminé créerait un risque de confusion quelconque et les constats versés aux débats démontrent que les services y sont décrits clairement sous le signe tel4money.com, sans aucune référence, imitation ou évocation même indirecte de la marque Rentabiliweb".

Dès lors, il n'est pas établi que l'annonce suggère l'existence d'un lien économique entre le tiers annonceur et le titulaire de marque ; par ailleurs, la publicité affichée à partir du mot-clé n'est pas si vague qu'elle interdit, ou ne permet que difficilement, à l'internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l'annonce proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au contraire, d'un tiers.

Les faits poursuivis ne portent pas atteinte à la fonction d'indication d'origine de la marque.

Les demandeurs soutiennent encore que cet usage “brouille” sa communication et porte atteinte à la fonction de publicité de la marque ; mais ces grief sont pris de ce que sa marque “apparaît dans le fonctionnement du premier moteur de recherche du monde, comme un mot-clef générique donnant accès à des sites proposant des services de micro-paiement par téléphone” et de ce que “quoique étant leur propriété exclusive, le vecteur publicitaire que constitue cette marque sert, par suite de sa réservation comme mot-clef, pour les services concurrents tel4money.com.

Ce caractère générique se résume à une affirmation et ce n'est pas dans le moteur de recherche, mais au titre du référencement payant que le signe est utilisé, ce qui est en soi licite ; l'atteinte à la fonction de communication et de publicité n'est pas établie, ni n'est susceptible de l'être au regard des caractéristiques du service de référencement en cause, tel qu'il a été décrit.

Les demandeurs soutiennent enfin que “les investissements réalisés pour créer et entretenir la notoriété de la marque sont détournés”.

Cela ne saurait résulter d'une simple allégation dépourvue de toute preuve propre à établir que cette atteinte existerait concrètement, car l'usage incriminé gênerait de manière substantielle l'emploi, par le titulaire, de sa marque pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs.

A défaut de toute démonstration en ce sens, ce type d'atteinte n'est pas plus établi.

Il en résulte que l'action en contrefaçon n'est pas fondée.

 

II – Conditions de la sanction de la concurrence déloyale par l’usage du système de référencement internet payant via Google Adwords

La jurisprudence considère que des faits qui ne sont pas susceptibles d'être sanctionnés au titre des lois sur la contrefaçon, peuvent cependant engager la responsabilité civile de leur auteur au cas où ils revêtent un caractère fautif.

Cependant, pour les juges de la cour d’appel cette responsabilité n’est pas fondée, qu'il s'agisse de l'usage à titre de mot-clé de la marque, de l'enseigne ou du nom de domaine des plaignants :

« A supposer que la combinaison de la référence à la notoriété de la marque et du grief de généricité doive se comprendre comme valant référence implicite à la protection élargie de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, l'affichage de publicités par les concurrents visés, à partir d'un mot-clé correspondant à cette marque et proposant une alternative aux produits ou services du titulaire de celle-ci, sans offrir une simple imitation de ces produits ou services, sans qu'aucune dilution ou un ternissement soit établi et sans au demeurant porter atteinte aux fonctions de la marque, n'implique pas en soi que ces concurrents tirent un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée supposée de la marque, ou qu'ils en fassent un usage injustifié.

De même, pour ce qui est des actions en parasitisme ou concurrence déloyale, en tant qu'elles sont fondées sur l'article 1382 du code civil, car il ne résulte pas du simple usage du signe dans le cadre décrit que ces concurrents capteraient le fruit d'investissements dont ils profiteraient ainsi indûment.

Enfin, l'annonce incriminée ne créant pas de risque de confusion ni ne présentant des caractéristiques telles qu'elle ne permettrait pas d'identifier clairement leur auteur, elle n'entre pas dans les prévisions des articles L 120-1 et L. 121-1 du code de la consommation.

Ces faits ne sont pas fautifs et l'action en concurrence déloyale n'est pas fondée ».

Pour mémoire, l'article L 120-1 du code de la consommation dispose que : " les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ".

L'article L 121-1 du code de la consommation dispose que :

" Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;

e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable ".

Il ressort de cette décision d'appel que les recours et actions judiciaires intentés du fait de l'utilisation de ses marques déposées ou nom commercial par un concurrent pour detourner de la clientèle sur internet grâce au référencement payant des moteurs de recherche sont soumis à des conditions strictes sous peine d'absence de succès.

Ces actions supposent donc d'apprécier au préalable et au cas par cas les activités concurrentes, les messages et l'utilisation déloyale faite par un concurrent pour se faire référencer de manière parasitaire sur internet et capter une clientèle hors investissement.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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