Pour mémoire, la publicité en faveur des boissons alcooliques ou alcoolisées est réglementée par le code de la santé publique.
A l’origine, l’article L. 3323-2 du code de la santé publique créé par la loi n°91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme (dite loi Evin), autorisait la publicité sur les boissons alcooliques via des supports classiques tels que les affiches, les magazines, la radiodiffusion sonore etc...
Ainsi, malgré le développement d’internet et du numérique aucune disposition n’a encadré la publicité de ces produits sur les nouveaux supports de communication jusque 2009.
Dans ce contexte et compte tenu du développement de la communication digitale et du numérique, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi Bachelot) a ajouté à la liste des supports énumérés par l’article L. 3323-2 du code de la santé publique :
« les services de communications en ligne à l'exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle.»
Dès lors, les dispositions encadrant la publicité pour les boissons alcooliques ou alcoolisées peuvent aussi s’appliquer à une campagne marketing réalisée via une application mobile.
Le 3 juillet 2013, la Cour de cassation a ajouté des règles supplémentaires en la matière dans une affaire Ricard.
En l’espèce, la société Ricard avait lancé une campagne de publicité intitulée « Un Ricard, des rencontres » et lors de laquelle celle-ci avait développé une application mobile permettant de partager des recettes de cocktails à base de Ricard avec ses « amis » sur le réseau social Facebook.
Cependant, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (l’ANPAA) considérait que ce slogan de publicité ne respectait pas les règles du code de la santé publique.
A ce titre, l’association a assigné en justice la société Ricard pour faire enlever la mention « un Ricard, des rencontres » de tout support publicitaire.
Les juges ont considéré qu’un tel slogan incitait à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité et que les messages seraient intempestifs, inopinés et systématiques et donc que les dispositions des articles L. 3323-2 et suivants du code de la santé publique s’appliquaient.
Il a ainsi été jugé que :
« le slogan « un Ricard des rencontres » qui ne saurait se rattacher au simple mélange formé par l’anis et l’eau, l’anis et la glace, l’anis et la grenadine ou l’anis et la menthe, quand le terme de rencontre est communément employé, et renvoie donc, dans l’esprit du consommateur, non à un mélange d’ingrédients, ou à un cocktail, mais au rapprochement entre personnes, associant la boisson alcoolique avec la possibilité de nouer des relations inattendues et fortuites, constituait une incitation directe à consommer du Ricard dans le but de vivre des moments de convivialité, »
(…) la déclinaison d’une gamme de couleurs, jouant sur l’évocation des ajouts au Ricard (eau, glace, grenadine, menthe), et les nuages, renvoyait à une impression de légèreté, ou d’évasion, et non pas au phénomène de « louchissement », ni plus généralement au mode de consommation du produit,
(…) le sigle # qui signifie « dièse » dans l’esprit du consommateur français, associé à un chiffre dont le sens est incompréhensible, pour ce même consommateur, n’avait d’autre objet que d’appeler son attention, et plus particulièrement celle d’un consommateur jeune, sensible aux nouvelles technologies ;
(…) les éléments litigieux étaient étrangers aux seules indications énumérées par l’article L. 3323-4 du code de la santé publique.
(…) une fois l’application téléchargée par l’utilisateur, si ce dernier souhaitait « partager avec son réseau d’amis Facebook » une recette, en cliquant sur le bouton « partager sur mon mur », apparaissait sur son profil le message suivant : « J’ai découvert la Rencontre # 20 ATOMIC RICARD (ou # 92 RICARD MANGO ou autre). Vous aussi récupérez les Ricard Mix avec l’application Ricard Mix Codes. Disponible sur l’Appstore ,
d’une manière (…) intempestive, inopinée et systématique ;
(…) le fait que ce message soit relayé par l’intervention d’un internaute à l’intention de son « réseau d’amis » ne lui faisait pas perdre son caractère publicitaire. » (Cass. Civ 1ère., 3 juillet 2013, N° de pourvoi: 12-22633).
Ainsi, il ressort de cette décision que le contenu d’une publicité en faveur des boissons alcooliques connait des limites à respecter.
En l’espèce, les éléments équivoques du slogan dépendaient de l’interprétation correcte de la part du destinataire.
Il en résulte que la publicité pour les boissons alcooliques doit être objective, descriptive et non équivoque.
Ainsi, il est recommandé à l’annonceur de réduire les mentions à celles expressément autorisées tels que l’origine, la composition du produit ou le mode d’élaboration ou de les limiter à des références objectives et non équivoques relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.
Cette affaire a le mérite d’illustrer la prohibition de l’incitation par la promesse d’avantages subjectifs en cas de consommation comme des rencontres, la possibilité de trouver plus d’amis, avoir plus de succès, etc ...
Enfin, il convient de souligner que la Cour ne s’est pas prononcée sur la question de la principale destination de Facebook à la jeunesse ou non, bien que cette question fût litigeuse en l’espèce.
Or, il est important de garder en mémoire que la publicité vers des services de communications en ligne est autorisée sauf si le support (réseau social, application, site internet, forum…) apparait par son caractère, sa présentation ou son objet être « principalement destiné à la jeunesse », à condition que la publicité ne soit « ni intrusive ni interstitielle », conformément à l’article L. 3323-2, 9° du code de la santé publique précité.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com