Nous envisagerons successivement ci-après :
- Le phénomène des faux avis sur internet (1) ;
- Le rapport d'enquête de la DGCCRF (2) ;
- La sanction des faux avis par le droit (3) ;
- L'action de la DGCCRF (4) ;
- Les solutions juridiques à venir (5).
1 - Le phénomène des faux avis sur internet
Les modes et méthodes de consommation ont changé durant ces dix dernières années avec :
- l'avènement d'Internet et des smartphones ;
- le développement de sites internet dont le "business model" est la publication d'avis d'internautes tels que : Cia, Vozavi, Tripadvisor, l'Internaute, Vinivi, Toluna, Alatest, Beautétest, Virtual Tourist, Looneo, Babelio, Victoires de la Beauté, Sens Critique, NetguideRank, Critiques Libres, Beaut-Experts, La Fourchette, Cityvox, etc ...
Aujourd'hui, il n'y a plus de domaine d'activité économique dans lequel la question de l'E-réputation peut être ignorée, au risque avéré pour les professionnels de perdre rapidement des clients, voir d'importantes parts de marché.
En effet, les clients potentiels et consommateurs se renseignent de plus en plus sur le net avant d'acheter, de réserver ou de commander en ligne et de manière générale de consommer.
Il y a deux types de faux avis : les critiques ou commentaires positifs et ceux négatifs.
Les faux avis positifs peuvent provenir soit du professionnel ou de l’entreprise concernée, soit d'un prestataire extérieur spécialisé en référencement, afin d'inciter les clients à acheter les produits et/ou services.
Les faux avis négatifs peuvent aussi être publiés par un concurrent peu scrupuleux ou par un spécialiste en référencement sur internet missionné par la concurrence afin de dévaloriser la qualité des produits et/ou services.
Les faux avis négatifs peuvent donc provenir de la concurrence ou de tiers spécialisés en E-réputation et en référencement sur internet et spécialement engagés à cet effet.
Le point commun de la pratique des faux avis est d'aboutir à une présentation biaisée de la réalité afin d'inciter les potentiels clients à consommer ou à ne pas se tourner vers la concurrence.
2 - Le rapport d'enquête de la DGCCRF
Le 22 juillet 2014, la DGCCRF a publié les résultats de ses investigations menées depuis 2010.
Aux termes de son rapport d'enquête, elle révèle que :
- les infractions en matière d’avis de consommateurs sur internet sont constatées dans tous les secteurs d’activités (automobile, électroménager, mobilier, habillement, services).
- au total, le taux d’anomalies depuis 2010 s’élève à 28,8 %. Ce chiffre est en augmentation, car pour la seule année 2013, le taux d’anomalies est de 44,4 %.
- tous secteurs confondus, pour l’année 2013, le taux d’anomalies constaté est en augmentation de 45 %.
Les principaux types d’infractions sont :
- les allégations trompeuses de conformité à la norme NF sur les avis en ligne ;
- la modération biaisée des avis du fait de la suppression de tout ou partie des avis de consommateurs négatifs au profit des avis positifs ;
- le traitement différencié des avis. Ainsi, la DGCCRF révèle que « certains gestionnaires d’avis, qui se positionnent comme intermédiaires entre les marchands et les consommateurs, ont tendance à considérer chaque avis négatif comme un litige entre le consommateur et le marchand et prévoient un dispositif de médiation qui, lorsque celle-ci aboutit, conduit à la non-publication de l’avis négatif. Dans cette situation, l’internaute qui consulte les avis relatifs à ce marchand est trompé puisqu’il ignore qu’une part des transactions a donné lieu à des médiations. Ce type d’intervention est problématique car le consommateur mécontent après son achat en ligne cherchera avant tout à résoudre son insatisfaction personnelle et renoncera plus facilement à l’expression de son mécontentement en échange d’une solution acceptable (échange de produit, par exemple) ».
- la rédaction de faux avis par le gestionnaire d’un site internet, un professionnel ou un prestataire de services afin de promouvoir des produits ou services. Selon la DGCCRF, « Ces faux avis sont alors déposés en grand nombre et sur des supports variés pour une plus grande efficacité (réseaux sociaux, forums de discussion…) ».
- l'allégation de conformité des avis à la norme NF Z 74-501 alors qu'en réalité ces avis n’étaient pas conformes à cette norme.
- l'existence d'un conflit d’intérêts de sites internet invitant leur personnel à rédiger de nombreux avis concernant des professionnels, dont une partie significative est constituée des clients dudit site. A cet égard, la DGCCRF dénonce que « Ces avis, sollicités par l’employeur en contrepartie de l’espérance d’un gain (jeux concours internes à l’entreprise), s’ils ont par la suite été complétés par de vrais avis de consommateurs, n’ont pas été retirés du site, comme cela aurait dû l’être ».
- la publication de billets sponsorisés, tendant à présenter un produit ou un service, sur demande d’un professionnel commercialisant ledit produit ou service, et en échange d’une contrepartie, sans que l’auteur du blog mentionne qu’il a été rémunéré à cet effet.
3 - La sanction des faux avis par le droit
Notre droit offre une série de fondements susceptibles de poursuivre les auteurs de « faux avis de consommateurs ».
D’une part, la directive européenne du 11 mai 2005, n°2005/29, énumère 31 pratiques commerciales qu'elle juge déloyales en toutes circonstances et qui sont donc interdites en elles-mêmes, dont notamment :
- « Utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un produit, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le consommateur (publireportage) » ;
- « se présenter faussement comme un consommateur ».
D’autre, part, l'article L121-1 du Code de la Consommation dispose qu'une :
« pratique commerciale est également trompeuse [...] lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale ».
Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 37.500 euros au plus, cette amende est quintuplée lorsqu’il s’agit de personnes morales telles que des sociétés et peut être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit.
Enfin, le 19 mars 2008, la Cour d'appel de Paris a sanctionné un concurrent au titre du dénigrement résultant de la publication d'avis négatifs émis par des consommateurs (CA Paris, 19 mars 2008, N° de RG: 07/2506).
En l’espèce, la société DDI a publié sur son site internet des avis exclusivement négatifs sur les produits de la société L&S puis a publié, après retrait de ces avis, une mention selon laquelle elle avait supprimé, à sa demande des avis jugés dénigrants par cette dernière,
La Cour a considéré que la société DDI a jeté le discrédit sur la qualité des produits commercialisés par la société L&S, qui est aggravé par la mention publiée après le retrait de ces avis et donc jugé que les avis en cause, de même que le message les ayant remplacés, constituent des actes de dénigrement fautifs.
Par ailleurs, les faux avis ou commentaires de consommateurs peuvent constituer des fautes engageant la responsabilité de leurs auteurs si la preuve de leur caractère « mensonger », « excessif » ou « disproportionné » est rapportée ou s’ils contiennent des propos injurieux, diffamants ou dénigrants.
4 - L'action de la DGCCRF
Depuis 2010, la DGCCRF indique avoir :
- visité 139 établissements ;
- adressé 17 avertissements ;
- établit 23 procès-verbaux.
Si ces chiffres sont relativement faibles, la DGCCRF annonce avoir renforcé son action sur la thématique des faux avis de consommateurs sur internet durant le premier semestre de l’année 2014.
Ainsi, le Service National des Enquêtes de la DGCCRF a réalisé, en juin 2014, une opération de visite et saisie chez un prestataire de services français afin d'y rechercher des preuves de rédaction de faux avis de consommateurs pour le compte de divers clients.
Par ailleurs, suite à des investigations menées par la DGCCRF, le TGI de Paris a condamné le 20 juin 2014 la société gestionnaire d’un site d’avis se présentant comme un « guide des bonnes adresses » à 7.000 euros d’amende, et son gérant à 3000 euros d’amende ainsi qu’à la publication d’un communiqué sur le site internet aux frais du condamné, pour des pratiques commerciales trompeuses, à savoir rédaction et publication de faux avis de consommateurs, rédigés pour partie par une société domiciliée à Madagascar et pour une autre partie par le gérant et des proches de son entourage.
5 - Les solutions juridiques à venir
L’AFNOR a publié en juillet 2014 la norme NF Z 74-501 qui permet de lutter contre les faux avis et certifier les sites internet aux normes.
Cette norme encadre les processus de collecte, de modération et de restitution des avis.
Pour y parvenir, la norme exige que chaque personne à l’origine d’un avis soit identifiable.
Pour authentifier les avis postés sur les sites internet d’entreprises, de nouveaux types de services aux sociétés ont vu le jour.
Par exemple, « tooteclair » fournit une solution de contrôle d’avis clients et des services d’audit, permettant aux entreprises de diffuser uniquement des avis attestés (matérialisés par un logo).
Cependant, cette norme impose une obligation de moyens et non de résultats.
Par ailleurs, il existe un projet de norme internationale sur l’e-réputation qui comprendra un volet « avis en ligne ».
Pour conclure, il convient de souligner que le phénomène des faux avis est récent et que le droit est comme souvent en retard mais finira tôt ou tard par le réglementer.
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Anthony Bem
Avocat à la Cour
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