Aux États-Unis une société a été découverte en train d’employer des stagiaires pour écrire des critiques positives sur les produits de ses clients, en se faisant passer pour des utilisateurs.
En Grande Bretagne, Orlando Figes, un célèbre auteur, a été condamné à indemniser deux de ses "concurrent" pour avoir posté, sur les pages Amazon de leurs ouvrages, de faux avis tendant à les discréditer et à faire la promotion de ses propres ouvrages.
En France notamment, les sites Internet spécialisés dans la restauration, le tourisme et l'hôtellerie tels que tripadvisor, ciao.fr, cityvox ou restoaparis, etc … sont particulièrement concernés car les avis des internautes conditionnent les prises de décision des consommateurs.
Les « faux avis de consommateurs » problématiques sont :
- ceux qui relèvent de la technique du baronage, il s’agit des avis ou commentaires positifs postés par l'entreprise elle-même (ou son prestataire), sous l’apparence d'un client satisfait ;
- ceux qui caractérisent un dénigrement de concurrents, il s’agit des avis ou de commentaires négatifs dont l'objectif est de nuire à l'image et à la réputation des produits ou services d'autres entreprises concurrentes.
Monsieur Frédéric Lefebvre, secrétaire d’Etat en charge de la Consommation, a présenté le bilan de la DGCCRF en 2010 ainsi que ses priorités d'action pour 2011 en présence de Nathalie Homobono, directrice générale de la DGCCRF.
Il annonce que la régulation du commerce électronique va notamment se traduire par le lancement d’enquêtes spécifiques de la DGCCRF pour lutter contre les faux avis de consommateurs et les pratiques déloyales dans le secteur de la réservation d’hôtels en ligne.
La DGCCRF va analyser les pratiques commerciales trompeuses caractérisées par les « faux avis de consommateurs » postés sur des sites de e-commerce, des forums de consommateurs, des réseaux sociaux, des blogs.
En tout état de cause, notre droit offre une série de fondements susceptibles de poursuivre les auteurs de « faux avis de consommateurs ».
D’une part, la directive européenne du 11 mai 2005, n°2005/29, énumère 31 pratiques commerciales qu'elle juge déloyales en toutes circonstances et qui sont donc interdites en elles-mêmes dont notamment :
« Utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un produit, alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le consommateur (publireportage) »
« se présenter faussement comme un consommateur »
D’autre, part, l'article L121-1 du Code de la Consommation dispose qu'une :
« pratique commerciale est également trompeuse [...] lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale ».
Les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 37 500 euros au plus, cette amende est quintuplée lorsqu’il s’agit de personnes morales telles que des sociétés et peut être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique constituant le délit.
Enfin, le 19 mars 2008, la Cour d'appel de Paris a sanctionné un concurrent au titre du dénigrement résultant de la publication d'avis négatifs émis par des consommateurs (CA Paris, 19 mars 2008, N° de RG: 07/2506).
En l’espèce, la société DDI a publié sur son site internet des avis exclusivement négatifs sur les produits de la société L&S puis a publié, après retrait de ces avis, une mention selon laquelle elle avait supprimé, à sa demande des avis jugés dénigrants par cette dernière,
La Cour a considéré que la société DDI a jeté le discrédit sur la qualité des produits commercialisés par la société L&S, qui est aggravé par la mention publiée après le retrait de ces avis et donc jugé que les avis en cause, de même que le message les ayant remplacés, constituent des actes de dénigrement fautifs.
Plus récemment, le 13 septembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Paris a tranché de manière intéressante la délicate question du « droit de libre expression » à l’égard des entreprises sur internet de la part des internautes.
En l’espèce, une société invoquait le caractère dénigrant de propos, sur un blog créé pour permettre à des personnes d’être informées de l’évolution d’un chantier, en ce qu’ils constituaient “une critique systématique, sans mesure ni retenue de ses produits et services.”
Ces propos faisaient état de retards et d’abandons de chantiers, de dépassement de budget, d’absence de communication de documents ainsi que des actions judiciaires diligentées à l’encontre de la société Prestige Rénovation.
Sur le fondement du principe de la responsabilité civile posé par l’article 1382 du code civil, le tribunal a débouté la société de toutes ses demandes en jugeant que celle-ci « ne démontre pas que les propos sont soit mensongers, soit excessifs, soit disproportionnés, de sorte que la faute invoquée n’est pas caractérisée. »
Ainsi, tout commentaire publié sur Internet, bien que portant atteinte à la réputation d’une entreprise, n’est pas en soi constitutif d’une faute susceptible de mettre en jeu la responsabilité de son auteur.
Les faux avis ou commentaires de consommateur peuvent donc constituer des fautes engageant la responsabilité de leurs auteurs si la preuve de leur caractère « mensonger », « excessif » ou « disproportionné » est rapportée ou s’ils contiennent des propos injurieux, diffamants ou dénigrants.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
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Anthony Bem
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