Deux incriminations du harcèlement cohabitent aujourd'hui, l’une inscrite à l’article 222-33-2 du Code pénal et l’autre, identique, en l'article L. 1152-1 du Code du travail, prévoyant simplement des peines différentes.
Selon l'article L. 1155-2 du Code du travail, l'accusé encourt un an d'emprisonnement et 3.750 € d'amende ou l'une des deux peines seulement.
La personne morale encourt une amende de 18 750 €.
Selon l'article 222-33-2 du Code pénal, la personne physique encourt un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. Quant à la personne morale, elle encourt une amende de 75 000 €.
Les agissements de harcèlement moral sont définis comme des “agissements répétés” subis par le salarié ayant “pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel...” .
La loi ne donne aucune définition de la nature des actes susceptibles d’être qualifiés de harcèlement et seules les conséquences de ces actes permettront de les qualifier d’actes de harcèlement.
Il appartient donc au juge d’apprécier si les faits que reprochés par le salarié relèvent ou non du harcèlement moral.
Exemples d’agissements constitutifs d’harcèlement moral :
- retraits de responsabilités,
- retraits de prérogatives,
- retraits de tâches essentielles inhérentes aux fonctions du salarié victime,
- totale oisiveté, (Cass. crim., 20 mai 2008),
- tâches subalternes, étrangères à l'exécution de son contrat de travail,
- tâches dégradantes,
- mesures d'isolement physique de la personne : la « mise au placard » d’un salarié, ayant entraîné la dégradation de son état de santé (Cass. soc., 8 avril 2008),
- rétentions d'informations destinées à empêcher la victime de faire correctement son travail (Cass. crim., 6 sept. 2006),
- insultes,
- moqueries,
- agressions verbales (CA Toulouse 6 juillet 2007).
- non-respect du congé hebdomadaire d'un salarié),
- changements de jours de travail et d'horaires importants, sans l'accord du salarié et sans respecter le délai de prévenance,
- suppressions injustifiées de primes,
- changements d'affectation (Cass. crim., 6 févr. 2007),
- lettres comminatoires,
- menaces de retenue sur salaire
- menaces de licenciement (Cass. crim. 1er avril 2008),
- retards de paiement,
- menaces d'amende (CA Paris, 28 janv. 2004),
- contrôle strict des horaires,
- contrôle strict des tâches (Cass. crim., 21 juin 2005),
- sanctions ou reproches infondés ou injustifiés (CA Toulouse 4ème ch. sect. 2, 30 avril 2010)
- interdictions de toute activité (pause cigarette et thé, téléphone portable et fixe..., Cass. crim., 21 juin 2005 – à la vie privée, Cass. crim., 6 sept. 2006),
- refus d'équiper un local où travaille la victime, d'un extracteur nécessaire compte tenu des émanations toxiques (CA Paris, 28 janv. 2004),
- surcharge de travail délibérée (Cass. soc. 28 mai 2008),
- Une « attitude répétitive constitutive de violences morales et psychologiques » (Cass. soc. 26 janvier 2005),
- objectifs intensifs dans des conditions de travail difficiles (Cass. soc. 10 février).
- Etc …
En l'espèce, Mme X a été engagée par la société Viry en qualité d'assistante de direction technique et construction.
Suite à plusieurs arrêts maladie, à l'établissement d'un mi-temps thérapeutique et à la réception d'une lettre de " mise en garde " de son employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation aux torts de son employeur et démissionné de son emploi.
Pour mémoire, lorsqu'un salarié démissionne en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture constitue une prise d'acte et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits de nature suffisamment grave la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
De plus, conformément aux dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En cas de litige, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
En appel, les juges ont retenu le harcèlement moral, requalifié la démission en rupture aux torts de l'employeur et condamné ce dernier à indemniser Mme X pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation a donné raison à la salariée en jugeant que constituent un harcèlement moral imputable à l'employeur :
- l'accroissement des tâches de la salariée,
- la multiplication des réunions, courriels d'ordres et de contre-ordres,
- l'absence de toute considération pour la personne,
- la dégradation des conditions de travail tant matérielles que psychologiques,
- l'altération de la santé de la salariée qui s'en est suivie.
Dans un tel contexte, les juges ont considéré que la démission d'un salarié victime de harcèlement moral devait être requalifiée en rupture aux torts de l'employeur justifiant la condamnation de celui-ci à verser au salarié :
- des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- une indemnité de licenciement conventionnelle,
- le remboursement de ses frais d'avocat au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La victime peut en outre saisir le juge correctionnel pour obtenir une sanction pénale contre son employeur et le cas échéant une indemnisation complémentaire au titre des préjudices subséquents à son harcélement en tant que tel.
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Anthony Bem
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