Responsabilité de la banque en cas de cautionnement disproportionné d'un crédit d'une société

Publié le Modifié le 04/12/2015 Vu 7 037 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le cautionnement disproportionné d'un crédit d'une société engage-t-il la responsabilité de la banque ?

Le cautionnement disproportionné d'un crédit d'une société engage-t-il la responsabilité de la banque ?

Responsabilité de la banque en cas de cautionnement disproportionné d'un crédit d'une société

Le 16 décembre 2014, la Cour de cassation a fixé les conditions de mise en jeu de la responsabilité des banques lors de l'octroi de prêts professionnels. 

La haute juridiction a en effet jugé que la banque pouvait mettre en jeu sa responsabilité lorsque la société fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises et si les crédits consentis sont en eux-mêmes fautifs (Cour de cassation, chambre commerciale, 16 décembre 2014, N° de pourvoi: 13-23748). 

En l'espèce, le dirigeant et unique associé d'une société s'est classiquement rendu caution solidaire envers la société Banque Populaire de prêts consentis à sa société. 

Ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution. 

Cependant, la caution s'est défendue en demandant que la responsabilité de la banque soit mis en jeu en raison des prêts consentis et qu'elle soit condamnée à lui verser une indemnisation des préjudices subis outre l'annulation de son cautionnement. 

Les juges de cassation ont jugé que :  

« lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ». 

Autrement dit, en cas de procédure collective (c'est à dire de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire), la mise en jeu de la responsabilité de la banque suppose que les clients débiteurs de la banque prouvent :

- soit la fraude de la banque ;

- soit une immixtion de la banque dans la gestion de la société ;

- soit  une disproportion des garanties prises

- et le caractère fautif du crédit consenti.

La fraude de la banque est en pratique compliquée à invoquer.

Celle-ci suppose de prouver que la banque savait que la société était dans une situation irrémédiablement compromise, une intention de s'octroyer une garantie, un remboursement prioritaire en fraude des droits des autres créanciers de la société, lors de l'octroi du prêt. 

Toutefois, le caractère fautif du crédit consenti peut être déterminant pour mettre en jeu la responsabilité de la banque en raison de l'octroi des prêts consentis et obtenir la condamnation de la banque à verser des dommages et intérêts. 

Cependant, le caractère fautif des prêts accordés ne suffit pas pour engager la responsabilité de la banque. 

En effet, le cas échéant le débiteur doit rapporter aussi la preuve : 

- soit d'une immixtion caractérisée dans la gestion de la société de la part la banque ;

- soit d'une disproportion des garanties prises par la banque tels que des cautionnements disproportionnés. 

Sur ce dernier point, il est important de souligner que seule une analyse stratégique de la disproportion des cautionnements bancaires par rapport à la situation financière et patrimoniale de chaque caution permettra d'invoquer utilement cet argument. 

Or, il apparaît de plus en plus souvent que dans de nombreuses situations, les dirigeants se sont engagés de manière disproportionnée, en tant que caution après des banques. 

La disproportion apparaît dans ce type de situation comme une faute entraînant la mise en jeu de la responsabilité de la banque et l'inopposabilité du cautionnement.

En d'autres termes, le cautionnement disproportionné permet de faire annuler le prêt et les garanties, comme si rien n'avait jamais existé. 

Lorsque c'est la caution qui est assignée personnellement en paiement du crédit de la société, elle peut invoquer la faute de la banque envers la société en vue du rejet de la demande en paiement dirigée contre elle. 

Cette faute sera justement : la disproportion du cautionnement. 

Au cas présent, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges pour trois raisons distinctes. 

Tout d'abord, la caution n'a pas établi que la situation de la société était irrémédiablement compromise au jour de l'octroi du prêt ou que la banque lui a fourni des moyens ruineux.

En effet, le caractère fautif a été exclu par les juges car la société a été en état de cessation de ses paiements et placée en redressement judiciaire près d'un an après l'octroi du prêt litigieux par la banque, c'est à dire à une date trop éloignée dans le temps par rapport au crédit. 

Ensuite, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges car ce prêt était intervenu sur la base de :

- résultats comptables montrant une progression du chiffre d'affaires ;

- un rapport de gestion de la gérance aux termes duquel il était indiqué : « Satisfaits des résultats de l'exercice écoulé 2006 , nous allons poursuivre notre progression tout en essayant de maintenir à un juste niveau les frais fixes de fonctionnement » et ne faisait état d'aucune difficulté particulière. 

A cet égard, l'article L.223-26 du code de commerce dispose que le rapport de gestion « comprend une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d'endettement au regard du volume et de la complexité des affaires ». 

De plus, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges car ce prêt « avait l'avantage d'étaler la dette dans le temps et de représenter un faible coût de financement ». 

Cette affaire donne ainsi les critères à respecter afin de pouvoir prétendre au succès de ses prétentions.

Dans son combat pour la défense des cautions, le Cabinet BEM a obtenu des avancées en matière cautionnement notamment aux termes des sept décisions suivantes :

- condamnation de la banque Crédit du Nord le 22 septembre 2015 devant la Cour d’appel de Paris (caution de 468.000€) ;

- condamnation de la Banque Populaire le 13 mai 2015 devant le Tribunal de commerce de Paris (caution de 177.000€) ;

- condamnation de la banque CIC le 11 juillet 2014 devant le Tribunal de commerce de Nanterre (caution de 96.000€) ;

- condamnation de la banque CIC le 11 mars 2014 devant la cour d’appel d’Angers (caution de 192.000€) ;

- condamnation de la Banque Populaire le 4 décembre 2013 devant le Tribunal de commerce de Versailles (caution de 500.000 €) ;

- condamnation de la banque BNP le 19 octobre 2012 devant le Tribunal de commerce de Versailles (caution de 380.000 €) ;

- condamnation de la banque CIC le 20 octobre 2011 devant le Tribunal de commerce de Paris (caution de 48.000 €).

NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01

Email : abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles