Le 16 décembre 2014, la Cour de cassation a fixé les conditions de mise en jeu de la responsabilité des banques lors de l'octroi de prêts professionnels.
La haute juridiction a en effet jugé que la banque pouvait mettre en jeu sa responsabilité lorsque la société fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises et si les crédits consentis sont en eux-mêmes fautifs (Cour de cassation, chambre commerciale, 16 décembre 2014, N° de pourvoi: 13-23748).
En l'espèce, le dirigeant et unique associé d'une société s'est classiquement rendu caution solidaire envers la société Banque Populaire de prêts consentis à sa société.
Ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution.
Cependant, la caution s'est défendue en demandant que la responsabilité de la banque soit mis en jeu en raison des prêts consentis et qu'elle soit condamnée à lui verser une indemnisation des préjudices subis outre l'annulation de son cautionnement.
Les juges de cassation ont jugé que :
« lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis qu'en cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ».
Autrement dit, en cas de procédure collective (c'est à dire de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire), la mise en jeu de la responsabilité de la banque suppose que les clients débiteurs de la banque prouvent :
- soit la fraude de la banque ;
- soit une immixtion de la banque dans la gestion de la société ;
- soit une disproportion des garanties prises.
- et le caractère fautif du crédit consenti.
La fraude de la banque est en pratique compliquée à invoquer.
Celle-ci suppose de prouver que la banque savait que la société était dans une situation irrémédiablement compromise, une intention de s'octroyer une garantie, un remboursement prioritaire en fraude des droits des autres créanciers de la société, lors de l'octroi du prêt.
Toutefois, le caractère fautif du crédit consenti peut être déterminant pour mettre en jeu la responsabilité de la banque en raison de l'octroi des prêts consentis et obtenir la condamnation de la banque à verser des dommages et intérêts.
Cependant, le caractère fautif des prêts accordés ne suffit pas pour engager la responsabilité de la banque.
En effet, le cas échéant le débiteur doit rapporter aussi la preuve :
- soit d'une immixtion caractérisée dans la gestion de la société de la part la banque ;
- soit d'une disproportion des garanties prises par la banque tels que des cautionnements disproportionnés.
Sur ce dernier point, il est important de souligner que seule une analyse stratégique de la disproportion des cautionnements bancaires par rapport à la situation financière et patrimoniale de chaque caution permettra d'invoquer utilement cet argument.
Or, il apparaît de plus en plus souvent que dans de nombreuses situations, les dirigeants se sont engagés de manière disproportionnée, en tant que caution après des banques.
La disproportion apparaît dans ce type de situation comme une faute entraînant la mise en jeu de la responsabilité de la banque et l'inopposabilité du cautionnement.
En d'autres termes, le cautionnement disproportionné permet de faire annuler le prêt et les garanties, comme si rien n'avait jamais existé.
Lorsque c'est la caution qui est assignée personnellement en paiement du crédit de la société, elle peut invoquer la faute de la banque envers la société en vue du rejet de la demande en paiement dirigée contre elle.
Cette faute sera justement : la disproportion du cautionnement.
Au cas présent, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges pour trois raisons distinctes.
Tout d'abord, la caution n'a pas établi que la situation de la société était irrémédiablement compromise au jour de l'octroi du prêt ou que la banque lui a fourni des moyens ruineux.
En effet, le caractère fautif a été exclu par les juges car la société a été en état de cessation de ses paiements et placée en redressement judiciaire près d'un an après l'octroi du prêt litigieux par la banque, c'est à dire à une date trop éloignée dans le temps par rapport au crédit.
Ensuite, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges car ce prêt était intervenu sur la base de :
- résultats comptables montrant une progression du chiffre d'affaires ;
- un rapport de gestion de la gérance aux termes duquel il était indiqué : « Satisfaits des résultats de l'exercice écoulé 2006 , nous allons poursuivre notre progression tout en essayant de maintenir à un juste niveau les frais fixes de fonctionnement » et ne faisait état d'aucune difficulté particulière.
A cet égard, l'article L.223-26 du code de commerce dispose que le rapport de gestion « comprend une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d'endettement au regard du volume et de la complexité des affaires ».
De plus, le caractère fautif du crédit litigieux a été exclu par les juges car ce prêt « avait l'avantage d'étaler la dette dans le temps et de représenter un faible coût de financement ».
Cette affaire donne ainsi les critères à respecter afin de pouvoir prétendre au succès de ses prétentions.
Dans son combat pour la défense des cautions, le Cabinet BEM a obtenu des avancées en matière cautionnement notamment aux termes des sept décisions suivantes :
- condamnation de la banque Crédit du Nord le 22 septembre 2015 devant la Cour d’appel de Paris (caution de 468.000€) ;
- condamnation de la Banque Populaire le 13 mai 2015 devant le Tribunal de commerce de Paris (caution de 177.000€) ;
- condamnation de la banque CIC le 11 juillet 2014 devant le Tribunal de commerce de Nanterre (caution de 96.000€) ;
- condamnation de la banque CIC le 11 mars 2014 devant la cour d’appel d’Angers (caution de 192.000€) ;
- condamnation de la Banque Populaire le 4 décembre 2013 devant le Tribunal de commerce de Versailles (caution de 500.000 €) ;
- condamnation de la banque BNP le 19 octobre 2012 devant le Tribunal de commerce de Versailles (caution de 380.000 €) ;
- condamnation de la banque CIC le 20 octobre 2011 devant le Tribunal de commerce de Paris (caution de 48.000 €).
NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.
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Anthony Bem
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