Trop souvent, la présentation succincte et avantageuse des produits d'épargne ou d'investissement dans les plaquettes publicitaires des banques et des établissements financiers ne reflète que très imparfaitement les caractéristiques desdits produits, les possibilités réelles de rendement et les risques de perte.
Pour mémoire, l’article L111-1 du Code de la Consommation dispose que :
« I. - Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien…
III. - En cas de litige portant sur l'application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations. »
L’article L121-1 du Code de la Consommation ajoute que :
« I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; … »
Enfin, l’article L533-4 du Code Monétaire et Financier (dans sa rédaction applicable avant le 1er novembre 2007, pour les souscriptions antérieures à cette date) prévoit que :
« Les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.
Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers.
Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.
Elles obligent notamment à :
1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché …
4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;
5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients …
Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu ».
En l'espèce, le problème provenait de la contradiction entre, d'une part, la notice d’information COB qui indiquait que le placement financier de la Caisse d'Epargne, dénommé "Doublo Monde", avait pour objet de « garantir une valeur de remboursement minimum » et, d'autre part, la plaquette publicitaire de la banque qui vantait un objectif de doublement tel que cela ressort d'ailleurs du nom dudit placement.
Les souscripteurs de Doublo Monde avaient ainsi la certitude erronée que le capital investit via ce support allait doubler en six ans et même que ce doublement n’était que le minimum.
In fine , c'est plus de 260.000 épargnants et clients de la Caisse d’Épargne qui ont été incités à souscrire à ce placement sur la base d’une publicité, dont la présentation les a manifestement persuadés qu’ils allaient obtenir au moins un doublement de leur capital à l’échéance.
Mais le placement Doublo Monde est un fonds commun de placement (FCP) dont l’objectif est d’offrir une performance définie en fonction de l’évolution d’un panier de douze valeurs internationales, suivant un mécanisme d’une difficulté qui ne pouvait manifestement pas permettre au souscripteur moyen de le comprendre.
Alors que l'encours collecté par la banque était d'un montant global de 2.133.237.068 euros, les clients n’ont récupéré au terme de la période de placement de six années qu’un capital amputé des frais de gestion et bien inférieur à celui confié à la banque.
Ainsi, les clients de la Caisse d’Épargne ont saisi la justice afin d'être indemnisés de leurs préjudices.
Dans ce contexte, la Cour d’Appel de Riom a jugé que :
« Attendu que cette publicité fait preuve d’un manque de cohérence avec la notice d’information remise le jour de la signature en ce que la notion de doublement, affirmée dans la publicité, n’apparaît pas dans la notice ...
Attendu que cette notion de doublement – ou même plus – dans la publicité n’est pas mensongère, en ce sens qu’un tel doublement n’est pas exclu, selon les aléas des marchés boursiers ...
Attendu qu’il n’en demeure pas moins que cette publicité énonce un objectif présenté comme à l’évidence sinon acquis, et ce « en toute sécurité » ; qu’elle ne rappelle pas au minimum qu’en toute hypothèse tout se joue sur la fluctuation des marchés financiers dont la banque n’est pas maître ; que cela rend déloyale l’affirmation d’un doublement présenté sinon comme acquis ou certain, du moins accessible avec un degré de probabilité important ; que cette probabilité quasi certaine de doublement provient d’un nom significatif (Doublo Monde) et de formules publicitaires dépourvues, dans leur formulation grammaticale et syntaxique, de doute sur le résultat ; que la publicité doit être cohérente avec l’investissement proposé ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que l’absence de loyauté de ces documents publicitaires – dignes de jeux de loteries publicitaires des commerces par correspondances – mais qu’une banque ne saurait se permettre – constitue une faute dont un client non spécialiste est en droit d’obtenir réparation ... »
Cet arrêt se place dans la droite lignée de quelques rares jurisprudences rendues récemment en la matière notamment :
- Le 24 juin 2008, la Cour de Cassation, dans une affaire relative à un autre placement de la Caisse d’Épargne, avait jugé que :
« Attendu que la publicité délivrée par la personne qui propose à son client de souscrire des parts de fonds commun de placement doit être cohérente avec l’investissement proposé et mentionner le cas échéant les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés.
L’obligation d’information qui pèse sur ce professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise de la notice visée par la Commission des opérations de bourse lorsque la publicité ne répond pas à ces exigences ».
- Le 28 mai 2010, le Tribunal d’Instance de Cholet a jugé, concernant le placement Doublo Monde que :
« Il ne peut qu’être constaté que la présentation succincte et particulièrement avantageuse du produit dans la plaquette publicitaire ne reflète que très imparfaitement les caractéristiques du produit , les possibilités réelles de rendement et les risques de perte. Au contraire, outre le nom du produit, il est promis par deux fois le « doublement » du capital, lequel doit se faire « en toute sérénité » et « sans risque », ce qui n’incite pas à la prudence qui doit présider pourtant à tout investissement boursier.
La finalité de cette publicité est à l’évidence d’emporter le consentement de clients qui n’ayant jusqu’alors effectué que des placements sécuritaires, ne sont pas avertis des avantages et inconvénients des placements en Bourse et qui se méfieraient spontanément de ce type de placement en raison de ses risques et aléas .
Le respect de l’obligation d’informer le client ne se réduit pas pour le banquier à porter à la connaissance du souscripteur la notice d’information approuvée par la COB lorsque, par ailleurs, il utilise d’autres instruments d’information des clients.
Le contour de cette obligation est défini par un ensemble de règles, précisées et éclairées par la jurisprudence. Il résulte de ces règles et notamment des règles de « bonne conduite » de l’article L533-4 du Code monétaire et financier et de la directive européenne 2004/39/CE du 21 avril 2009 que cette information doit être exacte, complète, claire et loyale. La responsabilité du banquier est donc mise en cause si cette information est inexacte, incomplète, ambigüe ou trompeuse.
Il apparaît donc suffisamment établi le manquement de la Caisse d’Épargne à son obligation d’information. »
Les épargnants disposent donc de sérieux moyens juridiques susceptibles de leur permettre d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices en cas de perte financière subie suite à la souscription de placements à risque.
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Anthony Bem
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