Les articles 1240 et suivants du code civil posent les principes juridiques de la responsabilité civile.
Ainsi, en vertu de ces dispositions légales, toute personne peut être déclarée responsable non seulement du dommage causé par son propre fait, mais aussi de celui qui est causé par le fait des personnes dont elle doit répondre, ou des choses qu’elle a sous sa garde.
A cet égard, l'article 1242 alinéa 4 du code civil édicte un principe de responsabilité civile de plein droit des père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux.
La notion de cohabitation prévue par le code civil est devenue une condition de mise en jeu de la responsabilité civile des parents du fait de leurs enfants mineurs.
Cette condition de cohabitation est remplie en pratique envers le parent chez lequel la justice a fixé la résidence habituelle de l’enfant.
Pour la jurisprudence, le lieu de résidence de l’enfant constitue le critère déterminant pour que la responsabilité des parents puisse être engagée suite aux faits dommageables commis par leurs enfants mineurs.
En conséquence, seul le parent chez lequel la justice a fixé la résidence habituelle de l’enfant peut être condamné à réparer les dommages causés par son enfant mineur, au détriment de celui avec lequel il ne résidait pas.
Le parent privé du droit d’hébergement de son enfant mineur par voie de justice peut donc être exonéré de sa responsabilité civile suite aux préjudices causés par son enfant sur des tiers.
Cette jurisprudence était de nature à susciter des difficultés dans les situations, de plus en plus fréquentes, où les enfants résident alternativement chez l'un et l'autre de leurs parents, ou encore celles où ces derniers conviennent du lieu de résidence des enfants sans saisir le juge.
Cette jurisprudence entraînait aussi un déséquilibre significatif entre les parents d’enfants mineurs à l’origine de faits préjudiciables qui était basé uniquement sur la notion d’hébergement de l’enfant.
Le 28 juin 2024, l’Assemblée plénière de la Cour de Cassation a procédé à un revirement de sa jurisprudence s’agissant de la responsabilité civile encourue par des parents divorcés ou séparés suite à des préjudices causés par leurs enfants mineurs sur des tiers (Cour de Cassation, Assemblée plénière, 28 juin 2024, Pourvoi N°22-84.760).
Désormais, la Cour de cassation interprète la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs.
Il en résulte que les deux parents qui exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur sont solidairement responsables sur le plan civil des dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.
En l'espèce, un enfant mineur a été à l’origine de dommages dont la victime a souhaité obtenir réparation par la voie judiciaire.
Or, au moment des faits, ses parents étaient séparés et la résidence du mineur était fixée au domicile de sa mère, par application de la convention portant règlement des effets du divorce de ses parents.
Pour le père du mineur, en l’absence de cohabitation, sa responsabilité civile devait être écartée afin qu’il ne puisse être tenu financièrement à la réparation des préjudices subis par la victime.
Toutefois, les juges ont déclaré le père civilement responsable des faits préjudiciables commis par son fils mineur malgré leur absence de cohabitation.
En effet, la Cour de cassation a estimé que le parent divorcé chez lequel la résidence de son enfant mineur n'a pas été fixée judiciairement est, au même titre que l'autre parent, responsable civilement de plein droit des préjudices causés.
ll n'en va autrement que si le mineur a été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.
Par conséquent, le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs indépendamment de la question de savoir chez qui leurs enfants habitent.
La Cour de cassation étend donc les situations où des parents séparés ou divorcés peuvent voir leur responsabilité civile mise en jeu pour des faits préjudiciables commis par leurs enfants mineurs et ainsi être tenus financièrement à l’indemnisation des préjudices subis par la victime.
Il en découle que les parents qui ne sont bénéficiaires que d'un droit de visite et/ou d'hébergement ne sont pas pour autant exemptés de leur responsabilité civile, quand bien même il n’y a pas de réelle cohabitation.
Les juges considèrent que seul l’exercice conjoint de l'autorité parentale doit être le critère de mise en jeu de la responsabilité solidaire et partagée des parents, indépendamment de la question de savoir chez quel parent habite l’enfant au moment de la commission du fait dommageable.
En conséquence, le parent divorcé chez lequel n'a pas été fixée judiciairement la résidence de son enfant mineur est, au même titre que l'autre parent, responsable civilement de plein droit du fait de cet enfant.
Le lieu de résidence de l’enfant mineur fautif ne constitue donc plus le critère déterminant pour pouvoir engager la responsabilité civile de ses parents.
Il en résulte que la victime d’une faute de la part d’un enfant mineur peut agir sur le fondement de la responsabilité civile à l'encontre de n’importe lequel des parents ou solidairement contre les deux parents pour être indemnisée de ses préjudices subis.
En cas de divorce, les parents continuent d’exercer conjointement leur autorité parentale envers leur enfant mineur ; de sorte que chaque parent puisse voir sa responsabilité civile mise en jeu de plein droit.
Dorénavant, lorsque des parents séparés exercent conjointement l’autorité parentale, ils sont tous deux solidairement responsables financièrement de l’indemnisation des dommages causés par leur enfant mineur, quand bien même ce dernier ne résiderait que chez l’un de ses parents d’un commun accord ou en vertu d’une décision judiciaire.
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