Tel que nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer dans un autre article de ce blog, le législateur a distingué la nature des sites internet et par voie de conséquence le régime distinct de la mise en jeu de la responsabilité civile de ces sites.
S'agissant de la responsabilité des sites que l’on qualifie d’hébergeurs de contenus, depuis quelques mois, les tribunaux ont eu à connaître de la question du contenu de l'information qui devait leur être adressé concernant les éléments illicites présents sur leur site pour que le cas échéant, leur responsabilité puisse être mise en cause.
Pour mémoire, l’article 6-I-2 de la pour la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (dite LCEN) dispose que :
« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d‘écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si elles n‘avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits ou circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».
Ainsi, la responsabilité des sites hébergeurs de contenus doit s’apprécier, ainsi qu’il a été précédemment indiqué, au regard des dispositions de cet article.
De plus, selon l’article 6-I-5 de la loi, « la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par les personnes désignées au 2 lorsqu‘il leur est notifié les éléments suivants :
- la date de la notification ;
- si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
- les nom et domicile du destinataire ou, s‘il s‘agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
- la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
- les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
- la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n‘a pu être contacté. »
Cependant, aux termes d’un jugement rendu le 10 juillet 2009, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que la notification des éléments indiqués à l’article 6-I-5 de la LCEN n’est pas le seul moyen pour les titulaires de droit d’informer les hébergeurs de la présence de contenus illicites et de demander leur suppression.
Ils peuvent leur adresser une mise en demeure mentionnant la présence de vidéogrammes (en l’espèce le site dont il s’agit est Youtube) sur lesquels ils détiennent des droits.
Le tribunal a estimé que cette mise en demeure avait permis à Youtube d’avoir une connaissance effective des faits litigieux « dès lors que l’identification des vidéogrammes [concernés] était rendue possible par la seule saisie (...) des termes Petit Ours Brun et ne présentait pour l’hébergeur aucune difficulté de nature technique ».
En ne procédant pas au retrait des vidéos litigieuses à la réception de ce courrier, les juges ont estimé que la plateforme avait engagé sa responsabilité d’hébergeur et porté atteinte aux droits d’auteur des demandeurs et à la marque dont ils étaient propriétaires.
Le tribunal a condamné Youtube à payer 50 000 euros de dommages et intérêts ainsi que 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le régime prévu par l’article 6 de la LCEN exonère les hébergeurs de toute responsabilité dès lors qu’ils n’ont pas eu effectivement connaissance des faits litigieux ou qu’une fois avertis, ils ont procédé promptement au retrait des fichiers concernés.
La connaissance de ces éléments peut notamment résulter de la réception d’une notification conforme aux dispositions de l’article 6-I-5.
Mais, comme le rappelle le tribunal, la loi n’impose pas aux titulaires de droits de recourir à cette procédure pour informer les hébergeurs.
Ils ont d’autres moyens à leur disposition.
Cette décision de justice est particulièrement intéressante puisqu'elle vient pour la première fois assouplir le régime de la mise en cause de la responsabilité des personnes physiques ou morales hébergeurs de contenus sur l’Internet.
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Anthony Bem
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