Le 13 mai 2014, la Cour de cassation a jugé qu'à défaut de se conformer à la réglementation applicable à l'exercice de son activité de manière à promouvoir au mieux les intérêts de son client et l'intégrité du marché, le prestataire de services d'investissements est tenu d'en réparer les conséquences dommageables pour ses clients. (Cass. Com., 13 mai 2014, N° de pourvoi: 09-13805).
En l'espèce, des investisseurs ont souscrit auprès d'un prestataire de services d'investissement, une convention d'ouverture de compte leur permettant de passer des ordres à distance relatifs à des instruments financiers, notamment sur le marché à règlement mensuel, devenu service de règlement différé, ainsi que de conclure des achats et ventes de titres dits « à découvert ».
Le contrat signé n'avait pas pour objet la gestion d'un portefeuille de titres mais uniquement l'ouverture d'un compte joint à leur profit, dont la gestion était assurée via internet.
Le retournement des valeurs boursières a provoqué une dégradation importante de leur portefeuille au point que leurs positions reportées de mois en mois avec l'accord du prestataire de services d'investissement qui acceptait de différer la liquidation des opérations laissées en suspens.
Suite à l'insuffisance de couverture des positions dans les proportions minimales légalement prescrites, le prestataire de services d'investissement a assigné ses clients en paiement.
Les investisseurs ont alors reproché à la société prestataire de services d'investissement divers manquements à ses obligations et ont demandé des dommages-intérêts à hauteur du montant du déficit constaté.
En effet, pour mémoire, l'article L. 533-4 du code monétaire et financier fait obligation aux prestataires de services d'investissement de « s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ».
Ainsi, quelles que soient les relations contractuelles entre un client et l'établissement financier, celui-ci a le devoir d'informer son client des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance.
Le code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable lors de la souscription du contrat, prévoyait que l'obligation d'information incombant aux prestataires de services doit être modulée selon que le client est un opérateur averti ou profane.
Si ce dernier est un opérateur averti, il n'a guère besoin de conseil, en sorte qu'aucune obligation d'information ne pèse sur la société de bourse.
Pour condamner solidairement les investisseurs à payer leur dette au prestataire de services d'investissement, les juges ont pris en compte le fait que les investisseurs géraient personnellement leur portefeuille, passé des ordres fréquents, souvent plusieurs dans la même journée, pour acquérir ou vendre des valeurs mobilières variées sur le marché à règlement mensuel et celui du règlement différé.
Ainsi, pour apprécier la "compréhension des mécanismes de bourse" de la part des investisseurs et le caractère averti de ces derniers, les juges apprécient plusieurs critères tels que :
- la fréquence des opérations ;
- l'importance des opérations ;
- la diversité des opérations ;
- les profits, les résultats, la marge ou les fruits produits ;
- l'initiation aux pratiques boursières.
L'appréciation de ces critères se fait au moment où les ordres litigieux ont été passés.
La Cour de cassation a ainsi jugé que ce n'est que si l'investisseur est averti que la société prestataire de services d'investissement n'est pas tenue de le mettre en garde contre les risques encourus dans les opérations spéculatives.
Les juges n'ont cependant pas pris en considération les termes de la convention qui comportait la mention manuscrite suivante : « j'estime avoir les connaissances suffisantes pour pratiquer la vente à découvert (...) ».
Le caractère averti du client relève donc d'une appréciation subjective et concrète par les juges, au cas par cas, de l'exécution du contrat.
Aussi, il découle de cette décision que la qualité d'opérateur averti peut s'apprécier non pas seulement lors de l'ouverture du compte, mais aussi en fonction d'éléments de fait postérieurs.
Au terme d'une interprétation a contrario de cet arrêt, si l'investisseur est profane, le prestataire de services d'investissement est tenu de le mettre en garde contre les risques des opérations spéculatives.
Ainsi, le prestataire de services d'investissements est tenu de s'enquérir par lui-même de la situation financière de ses clients, de façon à être à même de leur fournir une information adaptée.
Le prestataire de services d'investissements doit mettre en garde son client non averti des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme.
L'existence d'un mandat de gestion ou non n'est pas une condition de cette obligation de se renseigner à la charge du professionnel qui lui incombe à l'égard des profanes.
Finalement, seule compte la preuve que le client n'a pas acquis une expérience suffisante pour pouvoir être objectivement regardé comme un opérateur averti des risques particuliers induits par les opérations spéculatives sur le marché à règlement différé et obtenir des dommages-intérêts
Cependant, le prestataire de services d'investissement a été sanctionné pour ne pas avoir liquidé les positions insuffisamment couvertes de son client.
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Anthony Bem
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