Responsabilité pénale des employeurs en cas de blessures ou d'infractions à la sécurité des salariés

Publié le 13/06/2012 Vu 10 245 fois 0
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Le 11 avril 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fixé les conditions pour qu’une société puisse être déclarée coupable de blessures involontaires et d'infraction à la sécurité des travailleurs, à la suite d’un accident du travail d’un de ses salariés (Cass. Crim., 11 avril 2012, N° de pourvoi: 10-86974).

Le 11 avril 2012, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fixé les conditions pour qu’une société

Responsabilité pénale des employeurs en cas de blessures ou d'infractions à la sécurité des salariés

Selon l'article 121-2 du code pénal, les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise pour leur compte par leurs organes et leurs représentants.

L’affaire commentée ci-après illustre la portée de l’obligation de sécurité des employeurs envers leurs salariés dans le cadre de l’exercice de leur mission de travail sauf à engager leur responsabilité pénale dont les sanctions sont lourdes.

Pour mémoire, l’article R4141-2 du code du travail dispose que :

« L'employeur informe les travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité d'une manière compréhensible pour chacun. Cette information ainsi que la formation à la sécurité sont dispensées lors de l'embauche et chaque fois que nécessaire ».

De plus, l'article R 4141 -13 du code du travail dispose que :

« La formation à la sécurité relative aux conditions d'exécution du travail a pour objet d'enseigner au travailleur, à partir des risques auxquels il est exposé :
1° Les comportements et les gestes les plus sûrs en ayant recours, si possible, à des démonstrations ;
2° Les modes opératoires retenus s'ils ont une incidence sur sa sécurité ou celle des autres travailleurs ;
3° Le fonctionnement des dispositifs de protection et de secours et les motifs de leur emploi ».

Enfin, l’article R. 4141 -14 du code du travail dispose que :

« La formation à la sécurité relative aux conditions d'exécution du travail s'intègre à la formation ou aux instructions professionnelles que reçoit le travailleur.
Elle est dispensée sur les lieux du travail ou, à défaut, dans les conditions équivalentes ».

En l’espèce, M. Y a été victime d’un accident du travail sur un chantier où tous les salariés évoluaient dans un périmètre exigu et se trouvaient en permanence dans le rayon d’action d’une pelle mécanique.

Bien que M. Y a bénéficié d’une formation aux principes généraux de sécurité à respecter sur les chantiers, il n’a pas été destinataire des consignes particulières de sécurité qui ont été dispensées et qui attiraient l’attention des ouvriers sur les risques spécifiques du chantier, à savoir des postes au contact direct et permanent de l’engin à fort gabarit, sur un périmètre exigu et limité par une tranchée profonde.

La victime est ainsi intervenue, pour la première fois, sur un chantier de ce type, sans avoir reçu la formation pratique et appropriée qui devait avoir pour objet de lui enseigner, à partir des risques auxquels elle était exposée, les comportements et les gestes les plus sûrs.

Le seul avertissement du chef de chantier de “faire attention à la pelle” tel que relaté par les autres ouvriers, ne saurait constituer une formation pratique et appropriée au sens des articles R. 4142 R. 4141 -13 et 14 du code du travail précités.

Si dans un premier temps, le tribunal correctionnel n’avait pas retenu la responsabilité pénale de l’employeur, les juges d’appel ont déclaré la société coupable de blessures involontaires et d’infraction à la sécurité des travailleurs.

La cour d’appel avait pris en considération le fait qu’à défaut d’avoir dispensé une formation pratique et appropriée, la personne morale a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter.

Mais la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en exigeant que les juges recherchent si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la personne morale employeuse et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société.

La censure de la Haute cour se justifiait en raison d’un problème de procédure.

En effet, selon l’article 593 du code de procédure pénale :

« les arrêts de la chambre de l'instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.

Il en est de même lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public ».

Les juges du fond doivent donc procéder au cas par cas à une rechercher de manquement commis par des organes ou des représentants de l’employeur jouissant d’une délégation. 

Il conviendra donc de veiller au cas par cas la réalisation de cette condition supplémentaire de la mise en jeu de la responsabilité des employeurs des blessures subies par leurs employées.

Ainsi la Cour de cassation a jugé que :

« pour déclarer la société Gauthey coupable de blessures involontaires et d’infraction à la sécurité des travailleurs, à la suite d’un accident du travail subi par M. Y, salarié sous contrat de professionnalisation qui avait oeuvré sur un chantier de cette entreprise […] sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société Gauthey, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».

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