Le juge ne peut déclarer une société coupable de contrefaçon sans rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis pour son compte. (Cass. Crim., 1er avril 2014, n° 12-86501)
Pour mémoire, l’article 121-2, alinéa 1er, du code pénal dispose que :
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. »
En d’autres termes, la responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes de représentation ou leurs représentants qui sont nécessairement des personnes physiques.
Par « organe », il faut entendre toute personne qui détient ou exerce des pouvoirs d’administration, de gestion, ou de direction de la personne morale. Il s’agit par exemple du président directeur général, du gérant, du directeur général, du membre du conseil d’administration, etc …
S’agissant des « représentants », ils sont définis par la jurisprudence comme « les personnes pourvues de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, ayant reçu une délégation de pouvoir de la part des organes de la personne morale ou une subdélégation des pouvoirs d'une personne ainsi déléguée » (Cass. Crim., 26 juin 2001, n°00-83466)
Dans un premier temps, la jurisprudence a appliqué avec rigueur l’article précité en exigeant une stricte identification des organes ou représentants à l’origine de l’infraction pour engager la responsabilité de la personne morale.
Mais cette exigence d’identification s’est progressivement atténuée, certaines juridictions ayant pris l’habitude de se dispenser de procéder à l’identification des organes ou représentants de la personne morale poursuivie et de se contenter d’une forme de présomption de rattachement de la faute aux organes ou représentants.
La Cour de cassation avait ainsi jugé qu’une personne morale pouvait être condamnée pénalement, alors même qu’aucune personne physique n’avait été désignée comme auteur du délit, « dès lors que l'infraction retenue n'a pu être commise, pour son compte, que par ses organes ou représentants ». (Cass. Crim. 20 juin 2006, n° 05-85255).
Cependant, force est de constater que les récentes décisions rendues en matière de responsabilité pénale des personnes morales semblent revenir à plus de rigueur, comme en témoigne l’arrêt du 1er avril 2014.
En l’espèce, la société La Redoute a été assignée en justice par une autre société qui prétendait que La Redoute a reproduit à l’identique l’un de ses modèles de maillot de bain pour ensuite le proposer sur son catalogue papier ou via son site internet.
La Cour d’appel a donné gain de cause à la société demanderesse en déclarant La Redoute coupable du délit de contrefaçon.
Cependant, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en posant le principe selon lequel :
« les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».
Dès lors, en déclarant La Redoute coupable du délit de contrefaçon sans rechercher par quel organe ou représentant le délit reproché à la personne morale avait été commis pour son compte, la cour d'appel a méconnu l’article précité et le principe énoncé ci-dessus.
Cette solution rappelle celle d’un arrêt du 29 avril 2003 aux termes duquel la Cour de cassation censurait un arrêt d’appel qui avait déclaré une association de commerçants coupable d'un délit « sans préciser quel organe ou représentant aurait engagé la responsabilité pénale de la personne morale ». (Cass. Crim., 29 avril 2003, n° 02-85353)
Il en résulte que pour valablement engager la responsabilité pénale d’une personne morale, il est nécessaire que :
- l’infraction reprochée ait été commise pour le compte de la personne morale,
- soient identifiés les organes ou représentants à l’origine de cette infraction.
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Anthony Bem
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