Le 9 juillet 2013, la Cour de cassation a jugé que, sauf à engager sa responsabilité, le prestataire de services d’investissement intervenant pour le compte d’un client sur le marché à règlement différé est obligé de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n’a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers (Cass. Com., 9 juillet 2013, N° de pourvoi: 12-20691).
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En l’espèce, une personne a ouvert auprès de la société Dubus, qui assure la négociation, la compensation, la conservation et éventuellement la gestion d’instruments financiers, un compte lui permettant, sans mandat de gestion, de passer des ordres à distance par voie informatique relatifs à ces instruments financiers et notamment de passer des ordres sur le service à règlement différé ainsi que des ventes à découvert.
Par la suite, ce client a reproché diverses fautes à la société Dubus et a demandé que celle-ci soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts.
La société Dubus a demandé que son client soit condamné à lui payer une somme correspondant à l’insuffisance de couverture du compte.
Or, pour mémoire, l’article L. 533-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction alors applicable disposait que :
« Les prestataires de services d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 ainsi que les personnes mentionnées à l'article L. 214-83-1, sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations.
Ces règles sont établies par l'Autorité des marchés financiers.
Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir.
Elles obligent notamment à :
1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ;
3. Etre doté des ressources et des procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en oeuvre ces ressources et procédures avec un souci d'efficacité ;
4. S'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ;
5. Communiquer, d'une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients ;
6. S'efforcer d'éviter les conflits d'intérêts et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veiller à ce que leurs clients soient traités équitablement ;
7. Se conformer à toutes les réglementations applicables à l'exercice de leurs activités de manière à promouvoir au mieux les intérêts de leurs clients et l'intégrité du marché.
8. Pour les sociétés de gestion de portefeuille, exercer les droits attachés aux titres détenus par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières qu'elles gèrent, dans l'intérêt exclusif des actionnaires ou des porteurs de parts de ces organismes de placement collectif en valeurs mobilières et rendre compte de leurs pratiques en matière d'exercice des droits de vote dans des conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. En particulier, lorsqu'elles n'exercent pas ces droits de vote, elles expliquent leurs motifs aux porteurs de parts ou actionnaires des organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
Les règles énoncées au présent article doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle, en matière de services d'investissement, de la personne à laquelle le service d'investissement est rendu ».
Ainsi, lors de l’ouverture du compte, le prestataire de services d’investissement doit :
- procéder à l’évaluation de la compétence de son client, s’agissant de la maîtrise des opérations spéculatives envisagées et des risques courus dans ces opérations ;
- fournir une information adaptée en fonction de cette évaluation.
Par ailleurs, pour mémoire, l’article 4-1-3 5-1 du Règlement général du Conseil des marchés financiers dispose que « le prestataire qui reçoit un ordre à règlement ou livraison différés ne peut accepter un tel ordre de la part de l’investisseur que s’il obtient de celui-ci la constitution d’une couverture, soit dans ses livres, soit dans les livres du teneur de compte conservateur s’il n’assure pas lui-même cette fonction » et que « lorsque le donneur d’ordre n’a pas, dans le délai requis, constitué ou complété la couverture ou rempli les engagements résultant de l’ordre exécuté pour son compte, le prestataire habilité procède à la liquidation partielle ou totale de ses engagements ou positions ».
Les juges d’appel ont relevé que le client était informé en permanence de la situation de son compte, et de la répartition de son portefeuille par le truchement du serveur de la société et destinataire de plusieurs lettres par lesquelles le prestataire lui demandait de remédier au débit du compte.
Cependant, le client avait choisi de reporter la liquidation de ses positions dans l’attente d’une conjoncture boursière plus favorable.
Ainsi, la cour d’appel a jugé que le client devait à la société le montant correspondant à l’insuffisance de couverture de son compte portefeuille.
Cependant, la cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt d’appel en considérant que « la faute imputée à M. X n’aurait pu être commise en l’absence de celle de la société ».
Sur le fondement de l’article L. 533-4 du code monétaire et financier précité, la cour de cassation a jugé que :
« le prestataire de services d’investissement intervenant pour le compte d’un donneur d’ordre sur le marché à règlement différé est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n’a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés, une telle liquidation d’office devant également avoir lieu lorsque les positions du donneur d’ordre ont été reportées et que celui-ci n’a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l’opération de report ».
Par conséquent, la couverture des ordres avec service de règlement et de livraison différés initialement constituée doit être réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position, de telle sorte qu’elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis.
Il en découle que le prestataire doit mettre en demeure par tous moyens le client de compléter ou reconstituer sa couverture de marché et à défaut de complément ou de reconstitution de la couverture dans le délai requis, le prestataire doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que la position du client soit à nouveau couverte.
En s’abstenant de liquider les positions de son client comme les règles du marché le lui commandaient si celui-ci négligeait de régulariser sa situation, le prestataire a lui-même commis une faute dont il doit répondre dans la mesure de l’aggravation du solde débiteur qui en est résulté.
Ainsi, le prestataire ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité au titre de l’insuffisance de couverture des positions de client et doit couvrir la perte de chance subi par son client le cas échéant.
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Anthony Bem
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