Pour mémoire, aux termes de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne a droit à la liberté d’expression qui comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière.
Cette liberté d’expression peut s’exercer sur tout support de communication et notamment sur internet, comme l’affirme la loi pour la confiance dans l’économie numérique dont l’article 1er dispose que « la communication au public par voie électronique est libre ».
Ainsi, toute personne est libre de créer un site internet ou un blog pour y exprimer ses opinions, de s’inscrire sur un réseau social ou de publier des commentaires sur la toile.
Cependant, afin de protéger les droits des tiers, la loi a assorti la liberté d‘expression de plusieurs limites.
De ce fait, les auteurs de propos insultants, menaçants, injurieux ou diffamatoires peuvent voir leur responsabilité engagée même s’ils sont publiés sur internet.
Cette décision nous rappelle que même les propriétaires de site internet d‘informations peuvent voir mettre en jeu leur responsabilité s’ils ne prennent pas les mesures nécessaires pour empêcher la publication de commentaires illicites sur leur site.
En l’espèce, une société d’informations a publié sur son site internet un article relatif à la décision prise par une compagnie de ferries de modifier l’itinéraire de leurs liaisons.
Cette modification avait endommagé des routes de glaces qui étaient un moyen moins coûteux et plus rapide que les ferries.
Sous l’article de presse, des lecteurs avaient publié de nombreux commentaires injurieux et diffamatoires à l’égard de la compagnie de ferries et de son propriétaire.
Ce dernier a alors engagé des poursuites contre le site internet.
Les juges internes lui donnèrent gain de cause au motif que les messages litigieux étaient illicites et de nature à engager la responsabilité du site.
A l’appui de sa requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, le site soutenait que, depuis la transposition dans l’ordre juridique interne de la directive de l’Union européenne 2000/31/CE sur le commerce électronique, sa responsabilité au titre des messages diffamatoires publiés par ses lecteurs est limitée.
En effet, pour mémoire, ladite directive énonce, entre autres, que l’hébergeur de contenus sur internet peut bénéficier d’une limitation de responsabilité s’il agit promptement pour retirer les propos illicites dès qu’il en a eu effectivement connaissance.
Cependant, ces arguments n’ont pas convaincu la Cour européenne des droits de l’homme qui a considéré que compte-tenu de la nature de l’article mis en ligne, la société d’informations aurait dû s’attendre à la publication de messages insultants et redoubler de vigilance pour éviter de se voir reprocher une atteinte à la réputation d’autrui.
Deuxièmement, la Cour a observé que la société d’informations avait pris certaines mesures pour empêcher la publication de messages diffamatoires en avertissant les auteurs de messages qu’ils étaient responsables de leurs propos et prohibait les menaces et les insultes et en mettant en place un dispositif de filtrage automatique par mots-clés. Mais ces mesures n’ont pas pu empêcher la publication d’un grand nombre de messages insultants.
Troisièmement, la Cour a estimé que les juridictions internes avaient agi de manière réaliste et raisonnable en retenant la responsabilité du site internet, car même si la compagnie de ferries aurait pu essayer de poursuivre individuellement les auteurs des commentaires, il aurait été extrêmement difficile d’identifier ces derniers à cause de leur anonymat.
Enfin, la Cour a considéré que les sanctions infligées au site étaient relativement faibles et donc proportionnées.
Au vu de ces considérations, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la mise en cause de la responsabilité de la société propriétaire du site d’informations à raison des messages insultants publiés en ligne par ses lecteurs était justifiée.
Dans ce contexte, les sites internet d’informations seraient bien avisés d’exercer un contrôle plus strict des commentaires publiés par leurs lecteurs pour éviter de voir leur responsabilité engagée par les personnes victimes d’injure ou de diffamation.
Enfin, il découle de cette décision que la qualité d’hébergeur de contenu prévue dans la loi française, dite pour la confiance dans l’économie numérique, du 14 juin 2004, peut ne pas jouer et bénéficier aux sites internet d’information pour les protéger en cas de publication de commentaires illicites par des tiers sur leur site.
Aux termes de cet arrêt, la liberté d’expression est consacrée et les sites de presse se trouvent chargés d’une mission de contrôle a priori et/ou a posteriori pour ne pas risquer de mettre en jeu leur responsabilité à l’égard des personnes victimes d’atteinte à leur réputation en ligne.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com