La responsabilité des sites internet communautaires suite à la réapparition de contenus illicites

Publié le Modifié le 12/04/2012 Vu 4 506 fois 0
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Aux termes d'un jugement rendu, le 28 avril 2011, le tribunal de grande instance de Paris a instauré un régime de retrait du contenu illicite par les sites internet dits participatifs ou communautaires tels que Youtube, Dailymotion, etc … (Tribunal de grande instance de paris, 3ème chambre 4ème section, 28 avril 2011, N° RG : 09/08485)

Aux termes d'un jugement rendu, le 28 avril 2011, le tribunal de grande instance de Paris a instauré un régi

La responsabilité des sites internet communautaires suite à la réapparition de contenus illicites

En l’espèce, la société des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), qui regroupe des producteurs indépendants de phonogrammes et de vidéogrammes, a constaté que des nombreuses vidéomusiques qu’elle déclare faire partie de son répertoire, étaient visibles sur le site Internet de la société Youtube, filiale de la société américaine Google inc depuis 2006.

Le 7 mai 2008, elle avait adressé une lettre de mise en demeure aux sociétés Youtube et Google France afin que 233 vidéomusiques soient retirées, selon les dispositions de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN).

Elle avait cependant constaté que 123 des 233 vidéomusiques continuaient d’être visibles sur le site et assigné devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Youtube et Google France sur le fondement de l’article 6 de la LCEN sur la responsabilité des hébergeurs.

Elle faisait valoir que bien qu’ayant reçu une mise en demeure les sociétés Youtube et Google France ont manqué à l’obligation de rendre impossible l’accès aux vidéomusiques, les droits des producteurs ont été violés, et réclamait la condamnation des défenderesses notamment à lui payer les sommes de 10 millions d’euros en réparation de l’atteinte portée aux droits individuels des producteurs par la diffusion des vidéomusiques appartenant à son répertoire et 1 million d’euro en réparation du préjudice collectif de la profession de producteurs de musique.

Aux termes de son jugement du 28 avril 2011, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que la société Youtube n’avait commis aucune faute et n’engageait pas sa responsabilité d’hébergeur, selon les règles posées par l’article 6-I de la LCEN.

En effet, le tribunal a motivé sa décision comme suit :

" La responsabilité de la société Youtube est recherchée en ce que certains des contenus ayant fait l’objet de la mise en demeure du 7 mai 2008, sont réapparus sur le site Internet Youtube … La matérialité des faits ne fait l’objet d’aucune contestation.

La société Youtube dispose d’un système d’identification des œuvres par empreintes dit “content identification” : selon ses explications, cette technique extrait de chaque œuvre des empreintes uniques audio et vidéo et permet de reconnaître automatiquement des vidéos mises en ligne qui comporteraient des séquences, même partielles, identiques.

Aussi dès lors que l’hébergeur dispose des moyens techniques qui lui permettent de reconnaître les vidéomusiques qui ont fait l’objet d’une première notification et ainsi d’en rendre impossible l’accès, il n’y a pas lieu d’imposer à l’ayant droit de procéder à une nouvelle notification, selon les règles de l’article 6-1-5.

L’obligation pour l’hébergeur de mettre en place un système propre à empêcher la réapparition d’un contenu déjà notifié ne met pas à sa charge une obligation générale de surveillance des contenus puisque le système d’identification par empreintes détectera et signalera automatiquement l’identité entre le contenu notifié objet de droits et le nouveau contenu mis en ligne , sans que cela suppose une connaissance préalable de l’ensemble des contenus présents sur le site

L’obligation de rendre impossible l’accès aux contenus notifiés reposant sur l’hébergeur, la mise en œuvre du système d’identification des œuvres par empreintes et de filtrage doit être réalisée sans coût ni contrainte excessive pour le titulaire du contenu.

La société Youtube fait valoir qu’elle n’a pas pu mettre en oeuvre son système d’identification des contenus en raison de l’absence de collaboration de la demanderesse, laquelle répond que la proposition de la défenderesse mettait à sa charge le coût et la logistique du contrôle.

Dans une lettre du 25 septembre 2008, la société Google France expose que la société Youtube a mis en place une technologie d’identification “video” dénommée Video ID qui permet à partir de la plateforme Youtube de prévenir la mise en ligne d’œuvres protégées ... moyennant la réalisation d’empreintes numériques des œuvres soit à partir d’un fichier de référence soit à partir de vidéos déjà mises en ligne. Cet outil permet de détecter non seulement la remise en ligne du même fichier mais également de tout autre enregistrement reprenant l’œuvre totalement ou partiellement. Il permet enfin de bénéficier d’un mécanisme d’alerte par mots-clés permettant d’être informée dès qu’une vidéo comportant certains termes définis, est ajoutée à la plate-forme.

La société Google termine en indiquant “Nous restons à votre disposition afin de vous fournir un accès à cet outil entièrement gratuit et simple d’utilisation”. Elle a renouvelé cette proposition dans une lettre du 23 décembre 2008, en ajoutant que les fonctionnalités de cet outil étaient présentées à l’adresse htpp…

Il ne ressort pas des pièces versées aux débats que cette proposition ait donné lieu à une réponse et à des discussions.

… la société Youtube assure elle-même la réalisation des empreintes des contenus à protéger et qu’elle sollicite uniquement la remise d’un fichier de référence, remise qui n’apparaît pas nécessaire lorsqu’il s’agit d’un contenu déjà présent sur Youtube, ayant fait l’objet d’une notification régulière permettant de le localiser et de l’identifier.

Il ne ressort pas de ces documents que la société Youtube transfère sur le titulaire des droits le coût et la gestion du système d’identification dès lors qu’elle réalise les empreintes gratuitement pour ensuite, effectuer la comparaison des contenus référencés et des vidéos nouvellement mises en ligne et mettre en œuvre les règles d’utilisation (notamment bloquer) décidées par le titulaire des droits.

En s’abstenant de répondre à la proposition de la société Youtube, la SPPF l’a privée de la possibilité de mettre en oeuvre le système “content identification” qu’elle a organisée afin de rendre impossible l’accès aux contenus déjà identifiés.

Dès lors que la société Youtube ne pouvait procéder à la réalisation et la conservation des empreintes des vidéomusiques déjà notifiées, elle ne disposait plus de moyens techniques lui permettant de détecter de nouvelles mises en ligne illicites.

Aussi, dans ses conditions, sa responsabilité ne pouvait être engagée que dans la mesure où le titulaire des droits lui indiquait précisément la localisation des nouveaux fichiers litigieux, conformément à l’article 6-1-5 de la LCEN."

Dans ce contexte, en cas d'atteinte aux droits d'auteur, l’ayant-droit est tenu d’accepter la conclusion d'un contrat d’identification de contenu proposé par le site Internet sur lequel sont diffusés les contenus litigieux.

Or, pour mémoire la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) dispose que :

- l’hébergeur de contenu illicite sur internet peut voir sa responsabilité engagée que si il a effectivement connaissance de leur caractère illicite et n’a agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible (article 6-I-2) ;

- la connaissance des faits litigieux est présumée acquise par l’hébergeur lorsqu’il lui est notifié certains éléments d’informations obligatoires sous peine d’inefficacité de la notification (article 6-I-5) ;

- l’hébergeur n’est pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu’elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites, sauf surveillance ciblée et temporaire demandée par l’autorité judiciaire (article 6-I-7) ;

- mis à part les contrats d'assurance, rares sont les actes juridiques dont la conclusion est légalement obligatoires.

Par ailleurs, le Tribunal de grande instance de Paris a déjà jugé, le 19 octobre 2007, que dès lors que l’hébergeur est informé du caractère illicite du contenu en cause par la première notification, il lui appartient de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin d’éviter une nouvelle diffusion du même contenu, sans qu’une nouvelle notification soit nécessaire pour mettre en jeu sa responsabilité (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 2e sect., 19 octobre 2007, Zadig Productions/Google inc., n° 06/11874).

Le 22 septembre 2009, le même tribunal a jugé que le seul moyen qu’aurait pu mettre en œuvre la société Youtube pour empêcher la rediffusion de vidéos litigieuses sur son site était la mise en place d’empreintes digitales ce qui supposait la remise du support original dont la protection était revendiquée et l’autorisation des ayants-droit de réaliser cette empreinte. Or bien que le support ait été remis à Youtube, aucun accord n’avait été donné par les ayants-droit, de sorte que ces derniers n’étaient dès lors pas fondés à reprocher à l’hébergeur de ne pas avoir mis en œuvre tous les moyens pour éviter une nouvelle diffusion (Tribunal de grande instance de Paris, 3e ch., 1e sect., 22 septembre 2009, Omar et Fred/Youtube, n° 09/06246)

Conséquement au jugement rendu le 28 avril 2011, le tribunal de grande instance de Paris impose aux auteurs et aux ayants-droit d’une œuvre de l’esprit diffusé sur Internet en violation de leurs droits d’accepter l’offre de l’hébergeur de conclure un contrat d’identification de contenu lorsque celui-ci le lui propose, au risque, à défaut, de ne pas pouvoir rechercher la responsabilité de l’hébergeur en cas de réapparition de contenus illicites sur Internet.

Je suis à votre disposition pour toute information ou action.

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Anthony Bem
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