Le 31 janvier 2014, le Conseil d’Etat a jugé qu’un fonctionnaire ou un agent public empêché de consulter son dossier est privé d'une garantie rendant nulle la décision de retrait d'emploi. (Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, N° 369718)
En l’espèce, un fonctionnaire a été nommé et détaché par décret du Président de la République du 3 août 2010 dans l'emploi de directrice académique des services de l'éducation nationale du département du Loir-et-Cher.
Au vu du rapport d'une mission d'inspection, le ministre l'a informé de sa décision d'engager, dans l'intérêt du service et compte tenu des difficultés relevées dans le rapport d'inspection, la procédure de retrait d'emploi et lui a précisé qu'il pouvait consulter son dossier administratif.
Postérieurement à son arrêt de travail, un décret du Président de la République a mis fin, dans l'intérêt du service, aux fonctions et au détachement du fonctionnaire, qui a été réintégré dans son corps d'origine.
Le fonctionnaire a donc saisi le juge administratif afin d'annuler pour excès de pouvoir le décret par lequel le Président de la République a mis fin à ses fonctions et à son détachement dans l'emploi de directeur académique des services de l'éducation nationale du département du Loir-et-Cher et l'a réintégré dans son corps d'origine.
Sur le fondement de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, la Haute juridiction administrative a rappelé qu'un fonctionnaire ou agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier et jugé que :
« si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante a été informée, le 15 avril 2013, de la volonté du ministre d'engager la procédure de retrait d'emploi et de son droit à consulter son dossier administratif ; qu'elle a, dès réception de ce courrier, le 17 avril 2013, demandé à consulter son dossier administratif, par lettre adressée au ministre sous couvert du recteur ; que, toutefois, cette demande étant restée sans réponse, Mme B...n'a pas pu prendre connaissance de son dossier avant l'adoption de la mesure litigieuse ; qu'elle a été ainsi effectivement privée de la garantie prévue par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que, par suite, le décret du 10 mai 2013 mettant fin à ses fonctions est intervenu selon une procédure irrégulière ».
En conséquence, le décret du Président de la République mettant fin aux fonctions de du fonctionnaire évincé a été annulé.
Par conséquent, le droit d'obtenir la communication du dossier personnel d’un fonctionnaire ou d’un agent public est obligatoire avant toute mesure prise en considération de sa personne.
A défaut, et lorsque la demande est restée sans réponse, cette privation d'une garantie rend irrégulière la procédure de retrait d’emploi et nulle la décision mettant fin aux fonctions du fonctionnaire ou de l’agent public concerné.
Cette décision rappelle l’important principe posé par la jurisprudence dite Danthony selon lequel :
« si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte » (CE, Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033, p. 649.
Autrement dit, un vice de procédure ne peut entacher la légalité de la décision administrative (acte, décret ou arrêté) et entraîner son annulation que s'il est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de cette dernière ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
De manière générale, le vice pouvant affecter le déroulement d’une procédure administrative préalable à une décision constituera un argument de défense idéal puisqu’il permettra d’obtenir, le cas échéant, l’annulation rétroactive de la décision reprochée.
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Anthony Bem
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