Pour mémoire, certains professionnels, dont notamment les banques, sont soumis à un devoir d’information, de mise en garde et de conseil vis-à-vis de leur clients profanes.
Ainsi, avant la signature du contrat de prêt, les professionnels du crédit doivent attirer l’attention de leurs clients notamment sur les potentiels risques induis par la signature de ce type d’engagement.
La violation de cette obligation engage la responsabilité de la banque vis-à-vis de son client qui pourra le cas échéant demander et obtenir la réparation de son préjudice subi par l’octroi de dommages-intérêts.
Cependant, cette action en responsabilité peut se heurter au délai légal de prescription pour agir en justice.
En effet, l’article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Traditionnellement, la Cour de cassation juge que « le dommage résultant d’un manquement à l’obligation de mise en garde consistant en une perte de chance de ne pas contracter se manifeste dès l’octroi des crédits », de sorte que le point de départ du délai de prescription est le jour de la signature du contrat de prêt (voir par exemple Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 janvier 2010, pourvoi n°08-18.354, Publié au bulletin).
Cette jurisprudence est très sévère pour les clients profanes qui voient leur possibilité d’agir en justice limitée à cinq ans à compter de la signature du contrat de crédit.
Le 6 janvier 2021 la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement important qui marque une véritable évolution jurisprudentielle en matière de prescription relative à l’action en responsabilité civile pour violation de l’obligation d’information et de conseil (Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 janvier 2021, pourvoi n°18-24.954, Publié au bulletin).
En l’espèce, un emprunteur a obtenu en 2009 un crédit immobilier de la part de la banque BNP Paribas, garanti par un cautionnement du Crédit Logement.
Par ailleurs, l’emprunteur a également adhéré au contrat d’assurance groupe souscrit par la banque.
Au cours de l’année 2012, soit seulement trois ans après la signature du prêt, l’emprunteur a été placé en arrêt maladie et a donc demandé à son assurance de prendre en charge le paiement des mensualités du prêt.
Cependant, l’assureur a refusé la prise en charge du paiement des mensualités, en estimant que l’emprunteur avait déjà atteint l’âge au-delà duquel la garantie ne s’appliquait plus.
En raison de l’absence de règlement de plusieurs mensualités de prêt, le Crédit Logement a payé, en sa qualité de caution, et s’est ensuite retourné en août 2014 contre l’emprunteur pour lui demander le remboursement des sommes payées, au titre de son recours subrogatoire.
Pour demander la réduction de sa dette envers le Crédit Logement, l’emprunteur soutenait que la banque a manqué à son obligation d’informations et de conseil et que celle-ci aurait dû attirer son attention sur le fait que le contrat d’assurance groupe n’était pas adapté à son âge, puisqu’il ne pouvait déjà plus en bénéficier trois ans seulement après la signature du contrat de prêt.
Le 6 janvier 2021, la cour de cassation a jugé que le délai de prescription de l’action en responsabilité a commencé à courir à compter de la date du refus de garantie opposé par l’assureur.
En effet, les magistrats de la Haute Cour ont retenu que : « le dommage [invoqué] consiste en la perte de la chance de bénéficier d’une telle prise en charge [par l’assureur]. Ce dommage se réalisant au moment du refus de garantie opposé par l’assureur, cette date constitue le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité exercée par l’emprunteur ».
La publication de l’arrêt du 6 janvier 2021 au bulletin des arrêts de la cour de cassation ainsi que sa motivation dans des termes particulièrement larges semblent lui donner une portée générale.
Cette évolution est particulièrement bienvenue pour les emprunteurs, qui pourront désormais exercer leur action en responsabilité contre la banque sans craindre l’effet d’une prescription.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com